Sans Voies « Rien Qu’un Peu » (2020)

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chronique sans voies rien qu'un peu 2020
Temps de lecture : 3’10

Sans Voies, c’est 5 chemins qui se croisent et décident de faire un peu de route ensemble. Au gré des vents de leurs influences, ils dérivent et tâtonnent, cherchent et progressent, trouvent, envisagent, doutent, gardent ou jettent, puis choisissent, retiennent. Nectar éclectique de tous ces verbes, « Rien qu’un peu » ouvre la voie pour guider les oreilles attentives du Musicodrome.

Le groupe se forme en 2017 du désir de dire tout haut ce que d’autres pensent tout bas. Armés de leur énergie, leurs instruments en bandoulière et ayant pour toutes munitions leurs mots, les membres de Sans Voies se battent pour ceux qui n’en ont pas les moyens. Depuis 4 ans, ils sillonnent les scènes de concerts, rallumant le vivant niché au creux de l’humain, réveillant les rêves depuis trop longtemps enlisés dans le contre-la-montre de notre quotidien.

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C’est d’ailleurs le propos du premier morceau de l’album, Le Courage d’exister, qui nous cueille tout en tendresse, avec cette guitare aérienne et cette voix qui réchauffe comme un grand poêle qui craque un soir d’hiver. Pourtant, la problématique abordée ici résonne comme une question : “Qui nous reprocherait d’être heureux ?”, à laquelle chacun trouvera sa réponse dans les multiples images proposées par Baptiste (parolier et interprète) qui allumera en nous l’enfant dans le miroir et la mésange au regard contrarié. Cette question ayant finalement trop de perspectives pour pouvoir y répondre avec des phrases, c’est la musique qui s’en chargera, poussée par un “Allez !” rageur et collectif, et dont s’échappera un vol de saxophones au dessus d’un nid de percus.

Demain qui s’invente au galop la raison parfois ferme les yeux

L’amour le cœur à demi clos et le rêve trop grand, d’être heureux.

Chanson phare et éponyme d’un album qui combat l’élitisme, Rien qu’un peu a donc cédé la première place sur l’album et se contente d’une solide médaille d’argent. Un saxophone a cappella, porté par le souffle de Théo, nous surprend et nous suspend dans un temps qui s’arrête. Mais le public, assis sur sa chaise de bureau ou piétinant dans un bar trop plein, a envie que ça éclate. Et ça éclate. Et “tant qu’il restera la folie pour flâner”, ça continuera d’éclater. De rage et d’amour, ce morceau sonne le glas de l’individualisme comme unique valeur et vient crier “Nous !” sur tous les « Toi ! ». Benoit et sa basse mènent la marche ; les autres leur emboîtent le pas et lancent une émeute instrumentale, infernale autant qu’amicale.

Il vient le temps pour Sans Voies d’ouvrir la malle aux souvenirs, aux airs passés et révolus, mais qui restent cruellement empreints d’actualité. Léo Ferré a chanté Les anarchistes, et comme un pied de nez pour ne pas l’oublier, Sans Voies propose cette chanson sur l’EP « Rien qu’un peu ». Pourtant peu habitué aux reprises et faisant la part belle aux compos, le groupe interprète ici une version Rock de cette chanson insurrectionnelle. Dans une période où le monde se demande ce qu’il doit faire, Sans Voies propose une piste : lever le poing et le garder serré. Fort de cette intention, Grégoire lance un solo de guitare dans la belle lignée d’un Mark Knopfler des grands soirs ; la ressemblance allant de la vitesse des doigts sur le manche aux boutons ouverts sur la chemise.

Qui dit petit album dit peu de chansons, mais l’on préfère que Sans Voies privilégie la qualité et nous distille des morceaux encore chauds, non pasteurisés. C’est bien sûr le cas de Les crues, qui arrive comme le point d’orgue d’un album tapageur. Si l’on sent que Sans Voies a une rage incroyable (sûrement galvanisée par le sentiment qu’on nous prend pour des cons), ils se donnent pour règle de la transmettre en rythme et en poésie. Pour ce qui est du rythme, c’est Baptiste, alias Poigno, qui tape du pied et des baguettes, ne laissant pour choix que de taper dans les mains, que l’on soit dans un métro plein à ras-bord ou dans un Zénith inondé de sueur. Sans Voies signe ici sa volonté de prendre la parole pour ces gens oubliés, “tous les enfants des rues, ceux qui comme toi ont trop le cœur à crue” et dont les larmes débordent sans que personne ne s’en inquiète. Sans Voies s’en inquiète. Et niveau inquiétude, on se demande quand on pourra à nouveau danser “à la sueur de vos flammes”.

Ce premier album est en définitive très prometteur. S’il n’est peuplé que de quatre titres, il montre d’ores et déjà la volonté de Sans Voies de mélanger les styles et de prendre soin des mots. C’est donc un cocktail dosé qui arrive à nos oreilles, un peu Têtes Raides, beaucoup Loïc Lantoine, passionnément résistant, à la folie des grandeurs !

Sans Voies, « Rien qu’un peu », premier EP disponible depuis le 28 novembre 2020.

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