Paloma, chronique d’une nuit d’occupation (Nîmes, 30) #10

6 min de lecture
Temps de lecture : 3’00

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Covid réserve bien des surprises. Comme par exemple, dormir sur la grande scène de Paloma…

Vous en avez certainement entendu parler. Depuis le 8 mars, le théâtre de l’Odéon à Paris a appelé à occuper les lieux culturels dans la lignée de l’occupation des ronds-points. Cette occupation, qui a réellement débuté le 4 mars, s’est rapidement étendue à toute la France. La salle de musiques actuelles de Nîmes, Paloma, a suivi le mouvement à partir du 13 mars, dans la foulée du rassemblement en soutien à l’Odéon. Aujourd’hui pas moins de 100 lieux sont occupés en France, tous mobilisés contre la réforme de l’assurance chômage, contre la loi sécurité globale (qui va permettre à des policiers de garder leur arme hors service dans les lieux de culture),  pour la prolongation de l’année blanche pour les intermittents ou pour la réouverture des lieux culturels. C’est donc en soutien à Paloma et pour participer à la lutte que nous nous sommes invités fin mars, dans la salle nîmoise, pour partager ce moment très spécial avec les occupants.

Le couvre feu approchant, nous nous hâtons de rejoindre la salle nîmoise et nous préparer à passer la nuit dans une salle où nous n’avons plus entendu de musique depuis (trop) longtemps. Sur le chemin vers l’entrée, nous croisons Sarah, les bras chargés de pizzas (merci Rage !) puis Fabien. Trois voitures sur le parking, personne devant l’entrée, il est clair que nous ne sommes pas là pour une soirée de concert. A l’entrée, un agent de sécurité est pourtant présent. Puis direction le Patio, pour retrouver les occupants du jour. Nous serons huit ce soir dont Fred et Stéphane, salariés de la structure. L’ambiance est très particulière dans ce lieu habituellement très rempli et bruyant. Une énorme banderole « Ce que nous défendons, nous le défendons pour tous » est accrochée dans la structure métallique. Car au-delà de la culture, c’est bien la question de la précarité qui est au centre des revendications des différents collectifs en lutte.

Autour de la table, les discussions tournent autour de cette drôle de période, du nouveau confinement qui se rapproche et du manque tragique de musique. Car les gens qui sont là sont des passionnés de son et de musiques vivantes. Si l’ambiance n’est pas forcément à la rigolade, on se plait à raconter ses meilleures anecdotes de concerts qui remontent parfois assez loin, jusqu’à nos premiers émois scéniques dans un petit café concert devant un groupe de punk rock bien agité. Et puis on discute de cette absence pesante de concerts, de ces festivals annulés en cascade, de ceux qui y croient encore et de ce monde d’après qui sera forcément marqué par cette drôle de parenthèse. Si nous sommes peu nombreux le soir, ce n’est pas le cas lors des AG quasi quotidiennes. Une page Facebook dédiée permet d’ailleurs de suivre l’actualité des occupants et les événements organisés le week-end. Quelques parts de pizza, bières et discussions plus loin, les occupants du jour se dirigent l’un après l’autre vers le dortoir improvisé dans la grande salle de Paloma. Il faut bien reconnaître que la vision de ces matelas en lieu et place des instruments habituels est assez étonnante. Le bar est quant à lui reconverti en « buffet » pour le petit déjeuner tandis que des tables et chaises ont été disposées dans le couloir dans le respect des gestes barrières.

Nous n’aurions jamais imaginé passer une nuit comme celle là, dans un lieu que nous fréquentons assidument depuis son ouverture. Cette occupation en dit long sur le climat qui règne dans le monde de la culture qui a finalement attendu près d’un an avant de se montrer un peu plus militant. Car nos vies sans salles de concert, sans théâtres, sans cinémas, sans musées ne sont définitivement pas la vie que nous souhaitons vivre. Même si cette occupation de lieux culturels peut sembler anecdotique, elle est importante car elle symbolise notre attachement à ces lieux qui nous appartiennent, aux artistes, aux personnels qui leur donnent corps et à toute cette culture qui nous remplit jour après jour. Nous ne pouvons que vous encourager à rejoindre Paloma pour une journée, une nuit ou plus et ainsi montrer votre soutien aux équipes et à la musique.

Crédits photos : Olivier Scher

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Article précédent

Dombrance ou l’adaptation joyeuse au Covid

Article suivant

Château l’Arpiste, une bulle d’air frais en Isère (38)

Dernières publications