« Obsolescence programmée », une bonne cuvée de Pinard ! (2016)

8 min de lecture

Passé au travers de nos filets lors de ses deux premiers albums « Contient des sulfites » et « Sauvez les meubles », Erwan Pinard ne nous a pas échappé pour son troisième. Sorti le 19 février dernier, « Obsolescence programmée » nous aura donné plusieurs crises de foie tant le spiritueux qui en découle est antipathique, tordu, décalé et musical !

Erwan, c’est un mec à la double facette : professeur de musique dans un collège et artiste professionnel. Un gars qui a les pieds sur terre, la tête dans la musique et a qui cela représente une complémentarité. La pratique et le partage. Avec la double casquette du barbu, on pourrait vous proposer une chronique de cet album avec une double lecture, soit par le prisme de l’amour, soit par le spectre de la société. Et bien non, on va juste vous parler de cette galette comme on l’a entendue et perçue car il y aurait beaucoup de choses à dire et à comprendre tant le ménestrel aime la parole.

ErwanPinard-Obsolescence-visuel

On peut d’ores et déjà penser que pour cette troisième cuvée, Pinard et ses comparses sont à la chanson française ce que les vins naturels le sont à l’œnologie : nouveau et instable, mais tellement bon pour le moral et les sens ! Une « Obsolescence programmée » pour dépeindre ce monde moderne à travers les miroirs du temps, des sentiments, et des Hommes. Un tableau sombre et grave, dans le lequel on en retire énormément de positif de part l’absurdité des choses.

L’absurdité des choses, avec l’absurdité de notre rapport à la temporalité et un Compte à rebours absolument délicieux. Avec son tact et sa lourde voix, il va nous inciter à relativiser notre course contre le temps, et notamment dans les relations passionnelles où chaque minute devient une attente interminable et aliénante. (la vidéo qui suit comprend Laisse moi et Compte à rebours)

Puis, c’est avec les violons que la solution semble venir, il suffit peut être de se dire que J’élabore dans un élan de mélancolie à la voix caverneuse. D’une incroyable intensité, on s’enfonce avec lui dans cette impasse émotionnelle !

« T’en fais pas, j’envisage de revenir à toi tôt ou tard par une quelconque faille spatio-temporelle, sait-on jamais on fait d’ces truc maintenant / Mais ce sera sans peur, sans les poubelles de l’intellect, sans les greniers de l’affect / Ce sera sans trace, ce sera sans mémoire, ce sera sans attache ou ce sera trop tard »

Que dire aussi du morceau qui suit traitant de notre perdition dans le tout-matériel ainsi que le bonheur de substitution à travers tonne de gadgets et bibelots… Une profusion qui mène pourtant à une Pénurie de l’âme ! « Si seulement… »

Un style rock décousu et terriblement bien arrangé, la voix grave rappelle Loïc Lantoine ou encore le sombre poète Hubert Félix Thiéfaine. On sent les influences mais qu’on se le dise, Erwan Pinard a bien son style, et pourtant c’est sur Je ne sais pas dire non que l’on sent aussi un zeste de Gainsbourg. Le tout filant avec une petite et légère instru qui sent le soleil !

Mais le côté déjanté et le franc « chanter/parler » d’Erwan Pinard nous emporte dans une vague enivrante sur les morceaux qui suivent. A quoi bon écouter la suite ? Tout simplement par curiosité et parce que chaque phrase peut être considérée comme une petite pépite ! « Tu remues ciel et terre, tu veux niquer ma mère ? Monsieur ne se refuse rien… ». Mais aussi parce qu’Erwan Pinard ne nous laisse pas Tranquille une seule seconde avec son cynisme burlesque… Au passage, le monde de « l’information » en prend pour son grade en dressant un état lucide et décalé de la soupe que nous servent les mass-médias.

« Avignon, il mettait du Lexomil dans les céréales de ses enfants… Brésil, le pervers qui filmait les femmes aux toilettes… Jennyfer Anniston, il la trompe sous ses yeux… Intermittent du spectacle, cette profession qui se la coule douce… Paris, le chauffeur de F.Hollande perdu, Boulogne Billencourt, le chauffeur de F.Hollande retrouvé… A part ça, qu’elles sont les nouvelles ? A part ça, comment ça va ?! Tranquille ».

Puis on va le suivre dans une gouleyante rasade que nous offre Les queues de poissons, on va chanter, avec lui, ce refrain qui rythme une chanson très bien écrite et pleine de jeux de mots. On doit bien vous avouer que l’on a pas tout compris sur ce titre, mais dieu qu’on aime la langue française quand elle est si bien maniée. Par la suite, dans une ivresse totale, on se met en Colère.  Peut-être le morceau de l’album, vieillie dans le même tonneau que Centre ville pour « Sauvez les meubles ». Colérique, parlant, frappant, satirique, musical, déjanté, fou, c’est là où l’on se demande à quoi tourne Erwan Pinard ! Une maîtrise musicale et des textes travaillés, c’est ce qu’on se dit. On termine avec une petite Eau de vie, ventée, cuivrée, lente, courte et inéluctable. Histoire de bien digérer.

Le chansonnier rhodanien nous aura proposé durant 45 minutes du St-Joseph, du Rasteau, du Crozes-Hermitage, du Châteauneuf du Pape, mais a aucun moment on sera tombé sur un mauvais Beaujolais. Une galette dense et délicieuse, à écouter et ré-écouter, pour une voix digne des grands, et un style déjanté, donnant une musique pleine de maturité.

FICHE TECHNIQUE

Tracklist
1. Laisse moi
2. Comptes à rebours
3. J’élabore
4. Pénurie
5. Qu’as tu été capable de me faire par amour
6. Je ne sais pas dire non
7. A quoi bon
8. Tranquille
9. L’impossible
10. Les queues de poissons
11. Colère
12. Fleur d’oranger
13. Eau de vie

Sortie : 19 février 2016
Durée : 45 minutes
Discographie : 3ème
Style/genre : Chanson française / Rock

Jack'

Jardins partout, musique tout le temps.
"Une société normalisée est à la fois répressive et rationnelle, mais la rationalité la rend plus normalisée et plus répressive. Dans cette perspective, rationalité, répression, normalisation, seraient indissociable" J.Dreyfus.

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