Grand Corps Malade revient avec un album d’auteur, « Il nous restera ça » (2015)

6 min de lecture
Critique Grand Corps Malade Il nous restera ça

On connaît Grand Corps Malade pour ses textes, et pour un style qu’il a réussi à imposer en France : le slam. De connivences en rapprochements, c’est aujourd’hui à la poésie qu’il s’attaque. Et comment passer à côté de cet album, véritable projet ambitieux autour des mots, avec des textes de différents horizons et de différents auteurs, savamment mis en musique. Axer un disque autour d’une phrase : « Il nous restera ça » est un sacré pari. Alors, que nous restera t’il de ces mots ?

S’il peut paraître surprenant de voir Hubert Felix Thiéfaine sur un album de Grand Corps Malade, leur collaboration autour d’un projet poétique est cohérent au possible. Et Thiéfaine pousse encore plus son texte en dehors des codes. Pour le rythme et la folie, le temps se fige autour du temps des tachyons, qui ressemble à un savant mélange entre Jean Genet et Antonin Arthaud. Décidément, Thiéfaine était LA personne qui devait participer à cet album… Une extase éphémère, une jouissance sans lendemain qui résonne et qui fuit, il nous restera ça.

« Les forains squattent sur les pavés des villes en fête / Où les chiens se déchirent en s’arrachant la tête / Les vagues d’intimité se voilent de brume et d’ombre / Avec le bruit du temps qui frappe à la pénombre »

« Tonton » Bohringer avait déjà poussé la rime et le coeur avec Grand Corps Malade lors de la Course contre la honte. L’homme nous ressort un fragment d’âme à travers un touchant texte dont l’auteur de « C’est beau une ville la nuit » a le secret. Bleuette est un mot d’amour magnifique dans le relent d’une voix éraillée, une lettre remplie de bonnes nouvelles du grand Richard, en mots et en coeur : il nous restera ça.

Les textes de Grand Corps Malade sont toujours très justes. Sans créer d’effet de surprise, l’artiste arrive toujours à surprendre par l’utilisation audacieuse d’une expression, d’un morceau de dictionnaire. Six chansons sont à mettre à son actif, et la musique minutieusement discrète n’y enlève rien ! Un coup de coeur pour L’heure des poètes, pour l’art et la mémoire, il nous restera .

La présence féminine n’est pas majoritaire dans cet album, mais la magnifique Quand nous aurons cent ans, de Jeanne Cherhal vaut bien plusieurs chansons. Tout en finesse, tout en souplesse, les mots de la jeune femme nous emmènent aux tréfonds d’un âge qu’il ne nous presse pas d’atteindre. Tout près des Vieux de Brel, deux minutes cinquante-huit pour fermer les yeux et se délecter de cette écriture presque parfaite. Il nous restera ça.

« Quand nous aurons cent ans dans nos cœurs de sauvages / Dans nos yeux presque blancs, nos cheveux de passage / Quand nos cils tomberont comme d’un arbre à hélices / Que nos jambes n’auront jamais été si lisses / […] / Nous attendrons surtout une sortie très douce / Que nous restera-t-il pour finir en beauté ? »

De la maturité magnifique d’un Charles Aznavour à la justesse des contes du québécois Fred Pellerin, en passant par les mots cinglants d’Erik Orsenna, la jeunesse de Ben Mazué et Luciole, le rap qui pense et qui sort de ses terrains battus de Lino, cet album regorge de talents divers, et met en scène un éclectisme rarement atteint sur un même cd. En saupoudrant le tout du retour tant espéré de Renaud, dont chacun pensera ce qu’il souhaite, à coup sur en ré-écoutant cet album, il nous restera ça !

Le pari est réussi pour Grand Corps Malade et toute sa bande de joyeux paroliers des temps présents. Babx et Angelo Foley à l’orchestration, cet album d’auteurs ne ressemble à aucun autre, et détonne. Un bon bol d’air pour la parole en français, pensée et construite. 

FICHE TECHNIQUE

Tracklist
1. L’heure des poètes
2. Ta batterie (Renaud)
3. La résiliation (Ben Mazué)
4. Quand nous aurons cent ans (Jeanne Cherhal)
5. Intro-écrire
6. Écrire (Charles Aznavour)
7. Cinéma pour aveugles (Lino)
8. Interlude – spectacle vivant
9. Les années lumières (Fred Pellerin)
10. Pocahontas
11. Le temps des tac (Hubert Felix Thiéfaine)
12. Nos mots (Luciole)
13. Le banc
14. Bleuette (Richard Bohringer)
15. L’ours blanc (Erik Orsenna)
16. Il nous restera ça

Album : 4ème
Durée : 42 min
Sortie : 23 octobre 2015
Genres : Slam / chanson française /poésie
Label : Wagram

Bapt

La musique ou la mort?
On peut chercher des réponses à nos questions à travers différents miroirs de notre société, la musique demeure l'un d'eux.
La musique est un indicateur de la santé des temps qui courent.
Sa force à faire passer toutes les émotions et tous les rêves est indiscutable, et indispensable aujourd'hui !

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