Marcel et son Orchestre « Dans la joie jusqu’au cou… tous les coups sont permis ! » (2012)

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Critique Marcel et son orchestre dans la joie jusqu'au cou tous les coups sont permis 2012

« Dans la joie jusqu’au cou… tous les coups sont permis ! » : après 20 ans de carrière, les Marcel peuvent s’accorder sans retenue une dernière bataille festive… Si le spectre de la fin du monde plane sur nos pauvres têtes, Marcel et son Orchestre a d’ores et déjà choisi de presser le bouton stop au mois de décembre.

Souviens toi 2012. Un titre que La Ruda a glissé dans son ultime opus « Odéon 10/14 » en guise d’adieu, et voilà que Marcel et son Orchestre prend la tangente… La fin d’année s’annonce bien triste : en un souffle, les Marcel et ex-Ruda Salska tireront leur révérence et cumuleront à eux-seuls un quart de siècle d’existence et plusieurs milliers de concerts. Une montagne dans le milieu alternatif qui laissera surtout un immense vide à combler.

S’il y a un temps pour tout (et celui des lamentations ne fait que commencer), les Marcel offrent-là leur dernier opus alors si, en France, un groupe disparaît toutes les 30 secondes accordons encore 5 minutes à Mouloud et sa bande de délurés. Arborant toujours leur fameux « Déconne, danse et dénonce ! », c’est à se demander à quelle sauce l’auditeur va être mangé. Ultime parade ou album de trop pour les Ch’tis ? Grande question. La deuxième hypothèse est plausible tant les deux derniers albums ont créé la discorde auprès des fans. « E=CM2 » (2006) était bien trop lisse et accessible pour rivaliser avec des « Sale Bâtard » ou « Un Pour Tous, Chacun Ma Gueule ! » tandis que « Bon Chic Bon Genre » (2009) laissait finalement une appréciation très brouillonne de la chose…

Si les Marcel ont choisi cette fois de décliner leur album en deux faces, une de nouveaux titres (« Dans La Joie Jusqu’au Cou ») et l’autre de reprises en version acoustique (« Tous Les Coups Sont Permis ! »), attardons-nous sur les nouveautés tant, au grand dam, les 13 pistes acoustiques manquent cruellement d’accroche. Pourtant, tous les incontournables sont là…

Pour les amateurs des skits déjantés en tout genre qui fleurissaient les précédents albums, il faudra apprendre à vous en passer pour ce dernier baroud d’honneur : 14 titres, pas d’interlude, pour 42 petites minutes. A l’essentiel. Pourtant, sans crier gare, force est de constater que les Ch’tis réalisent un tour de passe-passe épatant. A la limite de l’OVNI musical dans sa discographie, Marcel se paye un dernier délire musical façon ‘yeah-yeah’. L’ouverture L’amour dans le Nord sonne nettement rock’n’roll avec quelques piques aux Beatles et leur All You need is love. Les sixties en ligne de mire, Si ça Tombe renvoie la monnaie entre les choeurs, sifflements et « shalalala » : « si ça tombe, Radiohead c’est pas si pire, si ça se trouve, les Marcel sont pas tous pd, si ça tombe, Yannick Noah n’est pas sympa, si ça trouve, Joey Star pleure devant Bambi… mais seulement ça colle pas à l’idée que l’on a de ces gens-là ! ».

Efficace et sans retenue, Marcel fait définitivement un appel du pied à une époque révolue mais qui l’a certainement bercé dans son plus jeune âge avec Les Frites, sacré clin d’oeil à Johnny Hallyday où ses coups sont transformés en « les frites, quand c’est mal fait oh oui, ça fait mal, les frites ! ». En préservant son état d’esprit funky, Marcel en appellerait presque au boogie boogie sur Normal Man avant que le punk n’embrase la galette : Les Singes de Jacques Brel est repris tel que les riffs des guitares s’accaparent du morceau. L’intensité montant d’un cran par les profils punk des morceaux, l’album s’accélère brutalement : Je Veux M’amuser Avec Toi, punky et hurlant, laisse deviner un Mouloud qui se prend bien au jeu… Rock un jour, rock toujours pourraient-ils dire, A Qui Cela Profite ? et ses « ouh ouh » reprend tous les stéréotypes vocaux des 60’s sur fond de « aujourd’hui c’est chacun ma gueule et tous pourris ! ».

Si le tournant musical des Marcel est bien consommé et clairement assumé, il est toutefois dommage qu’il pêche encore dans certains excès qui ternissent le line-up du skeud faute de divergences sonores : Je Sais Pas Faire Autrement sonne comme réchauffé à la limite du punk rock, Si Jamais T’avoues semble être une parodie de Volo ou des Wriggles à travers des pirouettes acoustiques… Enfin certains verront des oreilles se dresser quant à l’écoute de Cerf-Volant, proche d’un son pop rock qui repose essentiellement sur la mélodie, certes efficace, du morceau. Des mentions spéciales peuvent être accordées au track Le Chômage, plus que réussi et imagé, à travers une maladie presque incurable : « j’ai attrapé le chômage (…) Je vois bien que dorénavant on me regarde différemment, j’ai d’anciens collègues qui m’évitent (…). Le vaccin n’est pas pour demain, et c’est tant mieux, c’est bien plus sain ! Les actionnaires tirent les ficelles, c’est la sélection naturelle. Malgré cette maladie honteuse, j’essaie de garder le sourire. Au Pôle Emploi, une guérisseuse m’a dit « vous allez rebondir » ! ».

Enfin, comme si Marcel s’était décidé à renouer avec sa grande époque et qu’il pouvait encore produire un ska dévastateur et complètement déjanté, il réalise un ultime coup de grâce sur Trapèze Volant. Explosion de cuivres à la limite de la fanfare, refrains entêtants puis basse démoniaque où la compo cherche, malgré tout, à donner une leçon de trapèze… « Quand le trapèze revient, tu fais le cochon pendu et là t’attrapes les mains de Benoit… et voilà ! ». Mouloud, dépassé, « foutu pour foutu, s’est jeté et tout le monde chantait ces onomatopées : aga waga gouzou gouzou nawak (…) ». Taillé pour la scène, sous des « consternations consternées », il s’est mis à rejeter « une choucroute garnie, un jambon braisé, une poule au pot (…) et du riz cantonné ! ».

Bien conscient que les Marcel n’ont pas délivré leur meilleur album, on ne peut que saluer leur ultime pari avant de quitter la scène. A l’origine d’un ska déjanté qui s’est épuisé au fil des années, Marcel s’est offert le luxe de se faire plaisir en célébrant, à sa façon, le rock’n’roll et l’époque des sixties. S’ils ne révolutionnent en rien le genre, ils dévoilent un dernier côté crooner peu habituel mais séduisant. Dommage que de vieux démons hantent toujours certaines pistes de l’album et entravent leur humour potache… Aucun doute cependant que cet album est bien celui de la rupture : ce sera quitte ou double pour les neurones à crêtes. Et avec une certaine nostalgie, ils seront là pour rappeler que la fin est au bout du chemin.

FICHE TECHNIQUE

Tracklist
1) L’amour dans le Nord
2) Je sais pas faire autrement
3) Cerf volant
4) Le chômage
5) Si ça tombe
6) Le slow
7) Je veux m’amuser avec toi
8) Les frites
9) Normal man
10) Les singes (reprise, Jacques Brel)
11) Une journée à la mer
12) A qui cela profite ?
13) Si jamais t’avoues
14) Trapèze volant

Durée : 42 minutes
Album : 7e (double album)
Sortie : Janvier 2012
Genres : Rock / Festif

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