« L’ombre » : quand tendresse se mue en cri (Leïla Huissoud, 2017)

8 min de lecture
Leïla Huissoud

Nous vous avons parlé sur Le Musicodrome de Leïla Huissoud la semaine dernière, à l’occasion d’un passage très remarqué au Bijou à Toulouse (Live Report ICI). C’est le premier album de la chanteuse, qui sort aujourd’hui, qu’il nous faut maintenant vous présenter. Tout en émotion et en douceur, «L’ombre» nous frappe par sa maturité remarquable, ainsi que par la force des mots qui résonnent avec finesse au milieu du chahut du monde. La chanson française a trouvé une nouvelle ambassadrice, histoire de poser quelques nouvelles barrières entre les scènes et la Terre.

Elle se fait de plus en plus rare cette chanson raffinée, qui n’est pas couverte d’apparats ou d’électronique à outrance, qui met le mot en avant, le verbe en exergue. A travers ce premier album, la jeune chanteuse prouve, une fois de plus, que les mots ont toute leur place dans le paysage musicale français.

Sans fioriture, la chanteuse, accompagnée de Kevin Fauchet, se livre dans ces 14 chansons, enregistrées en live, à travers une tendresse qui fait un grand bruit.

Le premier coup de cœur de l’album est forcément Mon Français qui donne à Leïla Huissoud des airs de Jean Ferrat, en assumant pleinement ce coup de cœur pour la langue française. Un coup de cœur qui fait du bien, sobrement accompagné d’une guitare, cette chanson reste en tête. Elle est la preuve que désormais, c’est de l’autre côté de la barrière que se trouve Leïla Huissoud… Les références explicites et implicites aux glorieux anciens se mélangent aux vers de cet album, se confondent avec ses méandres, et la fond grandir instantanément.

«J’vous ai vu sauter dans la foule / J’vous ai vu faire lever des mains / et pour, enfin en découdre / lancer la révolte en serrant le poing / J’vous ai chanté comme aime / J’vous ai vu danser comme on mène / trembler en sortant de scène»

Tantôt bercée par un piano, tantôt par un harmonica, avec la guitare comme amie fidèle, la voix de la chanteuse sonne juste, avec ce timbre ô combien particulier que l’on peut désormais reconnaître sans hésitation. Capable de se faire douce, et de se muer en grondement lorsque les mots l’exigent, cette force vocable est aussi atypique qu’attendrissante, et prend aux tripes sans que l’on n’y prenne garde.

La chanteuse pose quelques coups de gueule, taille au couteau et à la plume quelques chansons dans lesquelles on aime se reconnaître, ou en imaginer un(e) autre. De la merde grand public, Les comédies en streaming s’inscrivent dans cette liste de chansons «réalistes», qui parlent, qui touchent.

La Niaise frappe par la force de l’écriture, qui se faufile à travers les rudesses de l’être humain. Comme désabusée du monde qui l’entoure, mais en ponctuant ces vers d’espoirs, la chanteuse livre avec force une chanson qui est partie pour rester, pour durer, pour vivre. La première apparition du piano sur le disque se fait remarquer et frappe au cœur du désespoir par ses notes rugueuses.

« Voilà le temps d’partir / sans avoir personne où aller / je sais pas quoi construire / Mais pas d’envies, c’est pas de regret / voilà le temps de vomir / sur cet amât de gueule en biais / à qui je sais plus quoi sourire / A qui je sais plus quoi causer… »

Une autre facette de la galette est dessinée par des chansons intimes sur la vie et les scènes quotidiennes qui en découlent et dessinent le monde. A la manière d’un Pierre Perret, dans un style bien personnel et largement assumé, L’ombre, Les doigts glacés ou Ma quotidienne apparaissent dans ce disque comme des moments de repos, un repos bien éveillé et conscient, où l’harmonica et la guitare se dégagent de leur carcan pour prendre de la hauteur et du recul.

Chanter sur l’amour ? Question existentielle quand on a pour modèles des chanteurs comme Moustaki, Brassens ou Reggiani. Cette condition paraît presque incontournable. Pourtant la chanteuse se dissimule derrière un drap de pudeur pour parler du sujet en l’esquissant d’un trait de plume. Ecrire sur toi est ainsi LA chanson de l’amour de l’album (même si Alexis HK y ressemble, portée par une admiration que l’on devine sans faille pour l’artiste), et reste réussie, confinée dans cette pudeur assumée mais durement dissimulée.

Une valse tendre pour terminer le disque, après plusieurs écoutes, ce choix apparaît comme une évidence, un point final qui laisse libre court aux songes et de beaux espoirs dans le futur.

La finesse et la sincérité dégagés par l’écriture et l’interprétation font déjà de cette galette un bien bel objet musical, de ceux qui marquent les cœurs et les esprits. «A vous de juger, est-ce que j’écris pour de vrai ?». La réponse paraît évidente à la suite de cette heure de mélancolie, et s’inscrit dans le sillage des promesses qui tiennent le monde en haleine.

FICHE TECHNIQUE

Tracklist
1. Bonjour
2. Dix pour cent
3. Mon français
4. La niaise
5. L’ombre
6. De la merde grand public
7. Les doigts glacés
8. On se connait depuis longtemps
9. La vieille
10. Ecrire sur toi (chanson d’amour)
11. Alexis HK
12. Les comédies en streaming
13. Rose la belle
14. Ma quotidienne

Durée : 57 min
Discographie : 1er
Sortie : 17 mars 2017

Bapt

La musique ou la mort?
On peut chercher des réponses à nos questions à travers différents miroirs de notre société, la musique demeure l'un d'eux.
La musique est un indicateur de la santé des temps qui courent.
Sa force à faire passer toutes les émotions et tous les rêves est indiscutable, et indispensable aujourd'hui !

1 Comment

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Article précédent

Didier n’en a pas marre d’être Super

Article suivant

« Massilia Sound System, le Film » à l’affiche du festival Cinéma Itinérances d’Alès (30) le 22 mars

Dernières publications