Festival Yeah! – Jours 1, 2 et 3 (Lourmarin, 84) 06-08.06

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Après une escale en bord de mer, à Sète, l’an dernier, Le Yeah! retrouvait cette année le Château de Lourmarin. On devrait même plutôt dire « retrouvait Lourmarin » tant cet incontournable festival est associé à ce village provençal. Cette année nous nous sommes essentiellement concentrés sur les soirées et sur la belle programmation qui y était proposée.

Vendredi 6, un démarrage en douceur

Traditionnellement au Yeah! le vendredi est toujours la soirée la plus calme en termes d’affluence du public. On démarre en douceur avec Golden bug sur la petite scène en se régalant cette année de panisses et poulpe made in Marseille. La température est parfaite, la lumière est belle. Nous sommes simplement heureux d’être là. En bas, devant la cave, l’apéro se prolonge autour des futs de vin alignés devant la cave.

Golden bug, c’est le projet électro chill d’Antoine Harispuru. House et electronica au programme pour une fin d’après-midi suspendue. Entouré de Pablo Volt (cuivres, machines) et Narumi Hérisson (chant, machines), Golden bug propose une électro down tempo comme on aime, aérienne et profonde. On se pose devant la scène, on profite de la douce atmosphère de cette fin de journée et on kiffe le moment suspendu qui nous est offert.

Tradition oblige, les portes d’accès à la scène du château s’ouvrent quelques minutes après la fin de ce premier concert. On observe alors une course effrénée vers le merch du festival, chacun.e voulant repartir avec son souvenir de cette nouvelle édition au visuel très réussi. Nous sommes accueillis par le duo Métro Lavande qui assurera tous les inter-plateaux de la soirée.

Sur scène, c’est un projet assez atypique que nous découvrons. Une guitare et une batterie, ça n’a rien de révolutionnaire. En revanche la voix de Dino Brandão elle, elle l’est. A la fois féline et chaude, elle détonne dans ses multiples variations de tonalités. Transi de groove, chantant parfois en suisse allemand (vraie curiosité, pas forcément la langue la plus mélodique que nous ayons entendu) et dansant comme un damné, Dino Brandão déploie un univers rempli de toutes ses vies. De la douceur d’un titre comme Sweet Madness à des titres plus rythmés comme Coma, nous passons par de nombreuses émotions. C’est vraiment beau et touchant, une très belle découverte.

La suite s’annonce être bouillante, à commencer par Jon Spencer et ses HITmakers (deux jeunes déchainés en mode Fraggle rock). Pas de surprise du côté du roi du rock garage. C’est crade à souhait, saturé et sans aucun temps mort. A la batterie, Macky Spider Bowman nous offre un grand moment de furie et de jongle pendant que Kendall Wind fait chauffer les cordes de sa basse. Son set est agrémenté de quelques piques à Trump, à l’image d’un musicien punk et intransigeant dont l’énergie et la hargne ne semblent pas faiblir.

Dans la foulée du basculement rock de la soirée, nous découvrons la famille TVOD. Nous avions vu ici même il y a deux ans les new-yorkais de Gustaf et on retrouve une certaine proximité avec eux. Débarquant avec leur nouvel album Party time, TVOD nous offre une performance bien foutraque et punk. Nous n’avons pas trouvé ça super original mais c’est joyeux, groovy et dansant. Le chanteur, Tyler Wright, salue régulièrement le public et vient le sentir de plus près en se lançant dans un slam bien senti.

Ce soir, c’est MYD qui clôt la soirée. Derrière les platines le dj déroule un set assez convenu. En tout cas, ce coup-ci il ne nous fera pas rester très tard sur place.

Samedi 7, une soirée tout en contrastes

Nous retrouvons Lourmarin et son château en début de soirée pour y retrouver le phénomène colombien Julián Mayorga. Dans un style particulièrement original (crinière blonde platine veste colorée augmentée de deux bras supplémentaires), le madrilène d’adoption pose un univers psyché pop déjanté. Oscillant entre mélodies et chaos, sa cumbia 2.0 accompagne un récit folklorique bien à lui, peuplé de rats géants, de chiens morts qui parlent à un Dieu (bourré) et de riches qui se font manger (n’en déplaise aux lourmarinois.es). Niveau performance, on est au top. Niveau musique, tout n’est pas si simple à écouter. Mais cela reste joyeux et amusant. Il finit son set torse nu allongé sur le sol après nous avoir expliqué que la pire chose après les riches, c’était de travailler.

Après avoir retrouvé notre assiette de panisses, direction la grande scène pour retrouver le groupe Ditter qui (on l’annonce) nous a séduits. Le trio parisien, composé de François, Sam et Rosa (au chant) déroule un concept de punk pop club rafraichissant et plein de vie qui file la pêche. Et puis sous des airs de légèreté, ce sont des textes engagés que l’on entend. D’ailleurs, Rosa, armée d’un plot de chantier siglé d’un Antifa en scotch nous explique que Tout est politique. Leur EP s’intitule logiquement Me, Money & Politics. En ces périodes troubles, c’est un groupe qui fait du bien. Malheureusement leur Free Palestine ! (que nous sommes 3-4 à reprendre) tombe un peu à l’eau. Nous on adhère à 100% à leurs engagements et à leurs propos qui sont nécessaires, sur toutes les scènes du monde.

Ce soir les inter-plateaux sont assurés par Hervé Bourhis, à la fois dessinateur de BD et DJs. Nous vous conseillons d’ailleurs son petit livre French pop, richement illustré et plein d’anecdotes.

La soirée se poursuit avec un projet une nouvelle fois super atypique. C’est en effet la première représentation du collectif Draga. Emmené par Lucie Antunes à la batterie, le groupe met en musique les textes du recueil Les Guérillères, écrit en 1969 par la philosophe et romancière Monique Wittig. Déclamés par la voix rauque et sensuelle d’Anna Mouglalis, nous nous laissons pénétrer par l’épopée révolutionnaire de cette communauté féminine en lutte contre l’oppression patriarcale. Alors oui ça parle de vulves à tours de bras mais aussi de phallus sur lesquels cracher. C’est engagé, porté par une musique qui ne prend pas le pouvoir sur le texte et ça nous rappelle parfois Diabologum dans cette énergie de la parole déclamée. Il faut bien reconnaître que les avis sont très partagés sur ce choix de programmation, les gens n’y trouvant pas un prétexte à la fête. Néanmoins, d’autres personnes, dont nous, y ont trouvé une expérience puissante et radicale que nous saluons.

La suite n’a pas non plus enchanté les fêtards. En effet, c’est également un set en mode spoken-word que nous a offert Anthony Joseph. Le poète britannique, dont le dernier album Rowing Up River To Get Our Names Back vient tout juste de sortir, nous dévoile sur scène la longue fresque de la musique noire. Entouré de musiciens jazzy bien calmes (dont un bassistes aux mains géantes), Anthony Joseph balance dates et lieux marquants, parfois aidé par son anti-sèche (une tablette collée au micro). C’est typiquement le genre de concert que l’on a envie d’écouter posé au fond de son canapé en sirotant un verre de Whisky. Donc forcément, ça colle moins à l’ambiance vécue au château à ce moment là.

On commence à entendre quelques mécontents qui se demandent quand la soirée va vraiment commencer. Heureusement pour ceux-là, voici que BØL débarque sur scène. Le collectif toulousain va réveiller le Yeah!. Issus du jazz, le groupe BØL a récemment pris un virage électronique tendance transe avec la sortie de son album When Glitters Goes. Plusieurs cuivres sur scène, guitare, basse, batterie, clavier et machines forment un cocktail explosif qui nous rappelle leurs compères d’Anakronic Electro Orkestra en mode plus dark et métal. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça envoie et qu’on est presque surpris par la tournure que prend la soirée, d’autant plus qu’il n’y a aucun chanteur sur scène. Du bon son et un rythme qui invitent les corps à la transe.

Dimanche 8, la grosse soirée

En arrivant à Lourmarin nous tombons nez à nez avec une joyeuse bande de festivaliers accompagnant des musiciens tous de vert vêtus emmenés par un mini tracteur à pédales. C’est le Green Line Marching Band. Cette fanfare rock est composée de musiciens nantais issus de la scène underground qui dépoussièrent la fanfare telle que nous l’imaginons. Ils sont hyper bons dans leurs reprises et créent un genre de douce folie dans leur sillage. De Phillipe Katerine à Nirvana, en passant par les Beastie Boys ou Blur, tout y passe.

Ceci nous met de très bonne humeur avant d’affronter la tornade BRACCO et sa rage exaltée et communicative. Accompagné de Loren aux machines et percussions, Baptiste se déhanche, d’abord habillé d’un polo aux couleurs de la Palestine puis rapidement en slip comme à son habitude. Entièrement possédé, Baptiste crie, danse, mange le micro. C’est une expérience vraiment à part, à la fois dérangeante et captivante. Musicalement c’est de l’électro tendance punk et dark wave . L’univers de BRACCO est à découvrir dans leur dernier album paru, Dromonia.

En rejoignant le niveau supérieur du château, nous sommes accueillis par Cosme Castro aux platines.

Sur la grande scène c’est Bonjour qui ouvre les hostilités. Le projet héraultais est né en 2024 avec la formation de ce collectif franco-américain. On retrouve au chant Timothée Soulairol des Fabulous sheep qui délivre des textes en mode spoken-word sur le drôle d’état du monde et comment on y survit (c’est OK). Formé de six musiciens versatiles, changeant d’instruments comme de chemise, Bonjour puise dans un répertoire rock puissant mêlant deux sections rythmiques et des guitares saturées. On pense à The Limiñanas pour le côté cinématographique ou à Fauve pour le côté chronique intimiste. A de rares exceptions, les titres sont en français ce qui crée une vraie proximité avec le public. Le groupe est accompagné par Victoire 2 dans la cadre de son dispositif de la Pépinière et a commencé à pas mal tourner cette année malgré l’absence de single jusqu’à présent. Le projet est original et musicalement accrocheur. Pour l’instant c’est uniquement sur scène que l’on peut les découvrir, donc partez à leur rencontre !

Changement d’ambiance avec l’unique groupe rap du festival. Ce sont les marseillais de 22Carbone qui assurent le show. Ces derniers avaient été invités par Laurent Garnier himself sur le titre In your phase en 2023. Ils sont trois, deux MC et un guitariste, et proposent un univers assez sombre et violent. Malheureusement, les paroles ne sont pas super intelligibles (du moins pour nous, ce n’est pas le cas de leur fans venus en masse). On n’est pas rentrés dedans, peut-être une question de génération ?

La fin de soirée est assurée par les mystérieux Pedro vs Pedro dont la malicieuse bio indique que Quand ils jouent (trop rarement) en B2B, y’a toujours du love sur le dancefloor, et ça, ça tombe plutôt bien, car en ce moment, on en a plutôt besoin !. Il s’avère que derrières ces fameux Pedro, nous retrouvons Pedro Winter (Busy P) le boss d’Ed Banger et l’incontournable Laurent Garnier. Ce n’est pas souvent qu’on a la chance d’assister à une performance de ce duo électro-house. C’est Busy P qui ouvre les hostilités en mode amusé en attaquant son set sur du Balavoine puis, rejoint par Laurent Garnier, déroulant sur des choses aussi éloignées que Michael Gray, Funkstar de luxe, Antonio Brezza et un final explosif sur Rage against the Machine.

En conclusion nous avons encore passé un très chouette moment au Yeah!, festival atypique et vivant. Nous n’avons malheureusement pas trop profité du village cette année et surtout raté un match de disco foot d’anthologie d’après ce qu’on a pu nous en dire. Mais pas grave, les découvertes étaient au rendez-vous et nous avons kiffé ce retour à Lourmarin. Vivement l’année prochaine !

Crédits photos : Olivier Scher

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