Festival Rocktambules, Jour 2 : Lofofora, Sidilarsen, Kill The Young et Blankass à Rousson (30) 02.06

18 min de lecture

Après une première soirée haute en couleurs, le festival des Rocktambules de Rousson (30) retrouve des sonorités plus familières avec un second jour 100% rock’n’roll. Pour son 15e anniversaire, au moins 2 500 personnes sont annoncées… « A la chaleur des missiles, ce soir la nuit sera courte, mais elle sera chaude ! ». 

Comme la veille, cette seconde journée de son a commencé assez tôt : le rendez-vous était pris à 17h pour écouter successivement deux autres groupes tremplin (Du Bruit dans les Caves, Bad ASs Igor) ainsi que le gagnant de la session de 2011, Aezen. A croire que le public roussonnais a fait de Aezen son chouchou, la performance des alésiens fut encore de très haute volée ! S’ils savaient pertinemment qu’ils ne pouvaient pas remporter le prix du meilleur tremplin deux années de rang, il est indéniable de reconnaître que les avis récoltés dans la foule ont une nouvelle fois été positifs : le métal d’Aezen est net, sans bavure, sa fusion efficace et puissante. Là où les habitués ont assisté à leur deuxième show sur les planches des Rocktambules, un constat a sauté aux yeux : Aezen, bien qu’amateur qu’il soit, a nettement gagné en maturité scénique.

Derrière l’engouement d’Aezen, un autre groupe s’est particulièrement bien démarqué des autres prestations et décroche, presque sans surprise, son billet pour l’édition 2013 : Du Bruit Dans Les Caves. Les nîmois n’ont pas fait de manière pour conquérir le public gardois : le côté vocal davantage mis en avant, le punk a côtoyé la pop, les riffs de guitares ou le chant ont parfois fait des rapprochements avec Noir Désir mais le succès fut au rendez-vous. A présent, la place était chaude pour les anglais de Kill The Young.

L’effet « Kill The Young » n’aura pas eu lieu

Kill The Young

Même si Kill The Young n’était pas la vedette de la soirée, l’équipe des Rocktambules devait certainement penser que les trois frangins britanniques auraient eu le don d’attirer davantage les foules… Pourtant, en programmant les mancuniens peu avant 20h, les festivaliers ne se sont pas forcément déplacés plus tôt. Les groupes tremplins n’attirant que peu de monde, Kill The Young a du se demander durant plusieurs longues minutes ce qu’il faisait dans les prés de Landas. Commençant son set devant une cinquantaine de personnes (la majorité étant sur les pelouses ou aux buvettes), Kill The Young a toutefois joué le jeu.

En proposant un punk/rock assez simpliste, la tranche d’âge des 15-20 ans est plus vite comblée que le reste des festivaliers… Les récentes compos peinent à convaincre, heureusement que des hits du premier album ne tardent pas à débouler : on retrouve du rythme sur Origin of Illness, No Problems connote de près ou de loin avec Nirvana mais a au moins le don de faire rapprocher la foule. Les anciens temps nettement meilleurs, le groupe sent le vent tourner : il ressort des placards un certain All The World pour imposer sa pâte.

Tentant d’élever les ébats, les claviers prennent la relève sur le tube Skin & Bones. Les choeurs confèrent un côté sombre au groupe visiblement méconnu aux yeux du grand public. Si les premiers rangs semblent connaître les paroles, des éclaircies sont apparues de part et d’autre : We Are The Birds and The Bees donne des frissons, presque dark, assaillis par les machines et une mélodie plus qu’entraînante. Une fois le public plus réceptif, les nouvelles compos issues de « Thicker Than Water » (2011) sont progressivement incorporées : Rousson bascule sur le désormais tube punk/pop Darwin Smiles

Après avoir assuré un show intensif (il faut bien le reconnaître), l’ambiance a finalement été très inégale : peu de monde, paroles manquant de mordant, et surtout un public qui ne s’est pas laissé si facilement combler par une musique régulièrement entendue sur les grandes ondes. Les fans ont apprécié, mais le pari international sur Kill The Young laisse à désirer.

Blankass : simple mais efficace !

Blankass

Les quelques gouttes tombées durant Kill The Young n’ont pas affecté l’enthousiasme des festivaliers, Blankass peut se préparer à enchaîner son troisième passage aux Rocktambules depuis sa création. Toujours aussi souriant, Blankass était heureux d’être là. C’était écrit au feutre indélébile sur leurs visages… il faut dire que les Rocktambules n’ont jamais douté d’eux en les programmant à l’époque comme « groupe découverte » puis en « groupe confirmé ». Pourtant, il peut sembler curieux d’avoir programmé la pop/rock gentillette de Blankass avant les agités du bocal de Lofofora et de Sidilarsen.

Peu importe, le public, bien plus nombreux, s’approche de la fosse. D’un autre côté, il y a un peu de crainte : si « Eliott » (2005) ou « L’homme Fleur » (2003) étaient convaincants, l’accueil a été bien plus mitigé sur le petit dernier, « Les Chevals » (2012). Mais si l’on peut reprocher au groupe d’avoir des paroles simplistes et banales, Blankass a rendu une copie plus que positive ! Astucieusement, il a su jongler entre ses différentes périodes musicales : la ballade acoustique de Qui Que Tu Sois a répondu à la canaille de Au Costes à Côté. Sur Fatigué, un des hits incontournables de la discographie du groupe, la bonne humeur s’est rapidement propagée à Rousson avant de reprendre à la volée, le refrain du track.

En flirtant plus encore avec la folk, Blankass a bien sûr interprété le belle complainte de La Croisée pour basculer dans des sonorités bien plus anciennes, avec l’accordéon, comme sur Ce Que Tu N’es Pas. Et tout en se laissant bercer par les envolées du groupe, Blankass a alterné avec ses fraîches compositions : le Rendez Vous et L’empreinte, très légers, sont dominés par un synthé… et la pop gagne du terrain. L’intensité passe à l’échelon supérieur sur les tracks en anglais, King Of The World et Killer Inside, aux frontières de l’électro pop. Si des morceaux tels que Je Me Souviens de Tout ou J’attends Depuis Si Longtemps sonnent cruellement Gaëtan Roussel, Blankass n’a pas tiré un trait sur son passé : après le rappel, La Couleur des Blés, hit qui a révélé le groupe en 1996, pouvait être interprété dans un registre festif. Basculant brutalement dans un délire punk, le groupe s’est fait plaisir.

Pour ce énième passage de Blankass à Rousson, le résultat est similaire aux fois précédentes : le public a accroché même s’il n’a été qu’à demi réceptif aux appels du pied du chanteur. Une musique qui n’a pas forcément fait mouche auprès des fans de Lofofora ou Sidilarsen déplacés pour l’occasion, mais une nouvelle déclinaison du rock présentée dans la soirée.

Sidilarsen vole la vedette…

Sidilarsen

Si David, le chanteur de Sidilarsen, confessait après le concert qu’il pensait être un peu lésé par rapport à l’engouement envers Lofofora sur la page Facebook du festival avant leur show, ses doutes ont du vite s’estampiller. A croire que les organisateurs ont retenu la leçon de la veille, la tête d’affiche est passée en dernier pour éviter que la foule n’abandonne le dernier groupe avant la fin (Mauresca en a fait les frais). Du coup, une foule compacte s’amasse contre les barrières et l’enfer, lui, peut commencer !

Histoire de faire basculer un public qui n’attend que ça dès les premières notes, Sidilarsen a choisi de lancer les hostilités avec un brûlot qui transpire déjà la sueur : avec de grosses vibrations, Back to Basics et sa face sombre indus assaillent Rousson avec ses « transforme tes pulsions en vague de chaleur… back to basics, back to basics now ! ». Les ondes digitales et les riffs de guitares prennent le contrôle, un nouvel assaut s’amorce : A Qui Je Nuis Me Pardonne se moque bien des conséquences qu’il peut avoir, les déflagrations se multiplient. Et comme si le début de set manquait d’intensité, Sidi veut maintenir le cap : avant de débattre sur les mauvaises habitudes des électeurs gardois, Sidilarsen hurle s’il y a « une chance de retourner la France ? ».

Métal, fusion, techno, dance-métal, Sidilarsen touche à tout : les albums « Eau » et « Biotop » sont repris pour le plus grand plaisir de tous… Complètement saturé et dévoré par les beats, Fluidité transforme Rousson en un immense dance-floor, Surhomme provoque la transe en martelant le fracassant « tout ce qui est éjectable… est buvable ! ». Rien Pour l’Instant ne fait qu’enfoncer le clou dans un fracas de guitare, de scratchs et de machines en ébullition ! En essayant de garder des liens avec les sonorités plus « propres » de « Machine Rouge » (2011), Le Meilleur est à Venir ne fait qu’annoncer la suite sous de bons présages… car il n’y a « personne pour nous retenir ! ». Chose vite confirmée avec la machine infernale de La Morale de la Fable, oldschool.

Les aises musicales se faisant plus amples, Paradis Perdu recharge les batteries et se voit surboosté tandis que Fantasia, obscur et puissant, se pare de samples hip hop. Comme si le temps s’était accéléré, l’heure du rappel résonnait déjà. Impossible de prendre le temps de retrouver ses esprits, Sidilarsen avait encore de l’énergie à revendre : comme l’excellente reprise de Prodigy, Breathe, ou le fusionnel Samira.
Une chose est sûre, Sidilarsen a conquis la foule pour se transformer en un rouleau compresseur démoniaque. De là à dire qu’ils ont volé la vedette à Lofofora, on est probablement proche de la vérité…

Lofofora : comme un goût amer

Lofofora

La réputation d’un groupe, aussi grande soit-elle que celle de Lofofora, est un élément infaillible pour faire déplacer les foules. Malheureusement, il y avait comme un duel à distance ce soir entre les Rocktambules et Montpellier. A l’un, la bande à Reuno devait combler les fans hardcore qui s’étaient déplacés en nombre, et d’un autre… un concert inédit des Sheriffs. Cruel dilemne. Ce qui est sûr c’est que les deux événements se sont grignotés de l’affluence.

En tous cas, il y a encore du beau monde devant les barrières à 1h passée. En proposant un show de plus d’1h30, Lofofora a décidé de frapper fort. A tour de rôle, les différents albums sont explorés. La dérive de l’homme et sa cupidité sont déversées sur Les Gens avec une ligne de basse dévastatrice. Dur Comme Fer, la période faste de Lofofora, tombe le masque… Comme le symbole d’une jouissance retrouvée, Le Fond et la Forme entraîne les prés de Landas dans les profondeurs abyssales. « La route est longue » beugle Reuno, ce n’est plus à prouver : le groupe n’hésite pas à piocher dans ses premiers brûlots comme « Peuh ! » (1996) pour recracher un Macho Blues et lancer un Appel au Secours (« Dur Comme Fer », 1999).

Pourtant, même en laissant une grande place aux anciennes compos, la mayonnaise tourne… Après un début assez poussif, la fosse commence à se réveiller, mais uniquement par intermittence. Le son, plus ou moins bien réglé, défit la chronique. En moins de 45 minutes, le seuil inférieur des 1000 personnes restantes est franchi. Revenant à des choses plus récentes, De Mémoire de Singe est passé au crible, « c’était le prix à payer… non personne ne saura jamais ce que l’on aurait pu faire (…) n’ayez pas de regrets ! ». Plus punk et plus rythmé, la fosse connaît un second souffle sur Enfant du Chaos : il faut dire que Reuno se démène pour tenter de relancer la grande armada du crew. Mais les nouvelles compos ne changeront pas la donne : en cherchant son Elixir, on n’apprécie la facette rock’n’roll qui revient au galop ! Entre Les Conquérants, Le Visiteur et les effroyables Cannibales, Reuno peut interpréter à sa guise Ma Folie.

Descendu en dessous de la barre des 500 personnes, les dernières forces dans la bataille sont jetées : retour au premier album de 1995 avec L’oeuf, Justice Pour Tous et une dédicace aux arbres, Lofofora peut terminer sur un incontournable Buvez du Cul appréciable mais déjà vidé de sa substance. Ce soir, est ce que le groupe a montré plus de retenue qu’à l’accoutumée ? Est ce le public, malgré des amateurs du groupe, qui n’a pas suivi ? Le set n’est pas forcément à pointer du doigt, loin de là, mais le concert laisse un incroyable goût amer : il a manqué quelque chose pour que ça prenne. La chose qui fait que le festivalier ait envie de rester. En face, la machine était rodée mais un grain de sable est venu tout enrailler.

Crédits photos : Photolive30

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