Tagada Jones « Descente aux enfers » (2011)

8 min de lecture
Critique Tagada Jones Descente aux Enfers 2011

Huitième album pour les rennais des Tagada Jones et une sérieuse envie de repartir du bon pied : après un album « Les Feux aux Poudres » catastrophique en 2005 et un « Les Compteurs à Zéro » plus encourageant (2008), les Tagada Jones sont à la recherche d’un second souffle depuis le départ du deuxième chanteur, Gus. Alors, qui va descendre en enfer sur ce dernier opus ?

Une chose est sûre : le double héritage de « Manipulé » (2001) ou de « L’enver du Décor » (2003) pèsent encore sur les consciences. Véritable explosion de sens et de guitares en ébullition, les Tagada nous avaient habitué au meilleur. Alors, forcément, dès que le bas blesse, tous crient à la re-mobilisation. Elle a été tentée, plus ou moins sur les deux dernières galettes, et la copie rendue tend dangereusement autour de la moyenne. « Le Feu aux Poudres » était cruellement lisse, sans saveur, trop linéaire. Les samples, eux, avaient quasiment disparus dans la fuite de Gus et « Les Compteurs à Zéro » fut attendu au tournant. Le départ de Gus consommé, l’envie de prendre un nouveau départ s’est manifestée. Pour un rendu bien meilleur, plus soigné, plus varié. Alors, au fond, ce troisième album post-Gus avait de quoi laisser de bons présages…

Sur cette nouvelle galette, il suffit d’une écoute pour comprendre que les Tagada Jones bougent encore. Mais de se rendre compte que les dés sont jetés : l’album est un concept, une philosophie, une manière de vivre. Il raconte l’histoire d’un personnage, sa vie, ses luttes, sa révolte contre la société néo-libérale. Un pétage de plomb. Une transition aussi. Autant mentale que musicale, mais n’arrive pas non plus à masquer les lacunes apparentes. Le rock poussif des deux précédents opus se serait-il envolé ? « Yech’hed Mad », en ouverture, n’a besoin que de deux minutes pour donner le ton : « putain qu’est ce que ça fait du bien de s’ennivrer (…), même si je dois finir complètement bourré, je ne serais jamais aussi minable que la société ! ».

La « Descente aux Enfers » amorcée, on peut croire que les Tagada sont retombés dans leurs travers : « Zéro de Conduite » ou encore « La Raison », interprétées dans un registre typiquement punk/rock californien, sont cruellement passe-partout et sans relief. D’autant plus que « Le Moins Que Rien » manque d’entrain. Malgré ce début en demie-teinte, la nouvelle machine paraît bien huilée. Bourrées de convictions, les compos suivantes s’enchainent sans temps mort : parti dans l’idée de proposer des pistes courtes (la moyenne des morceaux est de 2’50 min), le groupe souhaite que l’efficacité soit le maître mot de l’album.

La fougue, caractéristique majeure des Tagada, se retrouve dans de nombreux morceaux tels que « Les Connards » ou « Les Chars d’Assaut », c’est déjà un bon point. Ce qui est regrettable, c’est davantage le côté quelque peu réchauffé de ces compos, un rock énervé mangé à toutes les sauces. D’un point de vue mélodie, beaucoup de travail a été réalisé, c’est incontestable, cependant encore trop de compos prennent du plomb dans l’aile : nouvel exemple avec « L’otage », trop parlé, pas assez hurlé. Il faut se réquinquer dans « Descente aux Enfers » ou « Lutter », bougrement métal, pour ne pas boire la tasse.

Rythme intense, des effluves de sueur comme toile de fond, un Nico toujours hurlant, le combo guitare/batterie gagne en violence et en dénonce en souvenirs du bon vieux temps sur « Alerte ! Alerte ! » qui rappèle les débuts plus punk du groupe. Saignants envers les USA et bien sûr Sarkozy, les Tagada Jones se moquent ouvertement des dommages collatéraux et on apprécie les riffs virevoltants des guitares électriques, incisives et en véritable ébullition. « Les Nerfs à Vif », lui aussi, aurait pu avoir sa place sur l’énorme « Manipulé », où les machines refont (enfin !) leur apparition. A la limite du trash métal, « la tension monte, cela ne va pas tarder à dégénérer ! ».

Pour les amateurs de l’ancienne époque, celle où Gus sévissait encore avec ses samples, il faut attendre clairement le morceau bonus, « La Traque », en featuring avec hExcess, sonnant clairement indus métal, pour se requinquer. D’ailleurs, pour le délire, La Phaze a une nouvelle fois été invitée à collaborer sur l’album pour apporter son ‘pungle’ traditionnel avec « De Retour à La Réalité ».

En d’autres termes, les Tagada Jones avaient promis une fin métal indus qui fut finalement assez discrète. Comme sur « Les Compteurs à Zéro », les mélodies et le côté punk/rock sont toujours présents, même si les influences métal sont mises en avant. Percutant ? Oui. Intense ? Oui. Renouveau ? Non. Dans la continuité du précédent album, même s’il a nettement gagné en violence, trop peu de morceaux ont gardé leur identité hardcore connue précédemment. Les fans de la première heure seront déçus, celle des derniers opus probablement satisfaits. Comme si le groupe cherchait, aussi, à attirer un public plus ample. Les Tagada sont bien sur la voie de la guérison, mais il reste encore un peu de chemin…
Pour celà, le rendez-vous se fait toujours en live.

La machine infernale sévit encore…

FICHE TECHNIQUE

Tracklist
1) Yech’hed mad
2) Zéro de conduite
3) Le moins que rien
4) Les connards
5) Les chars d’assaut
6) Alerte ! Alerte !
7) La raison
8) Descente aux enfers
9) Lutter
10) Les nerfs à vif
11) L’otage
12) La traque (feat. hExcess)
13) De retour à la réalité (feat. La Phaze)

Durée : 38 min
Album : 8e
Sortie : 26 septembre 2011
Genres : Punk / Métal
Label : Enragé Production

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