Rencontre avec Geoffrey Rabier, président du festival des Rocktambules de Rousson (partie 1/2)

22 min de lecture

Le festival des Rocktambules de Rousson fêtait sa 15e édition cette année. Avec Zebda et Mauresca Fracas Dub le vendredi soir puis Lofofora, Sidilarsen, Blankass et Kill The Young le lendemain, les Rocktambules ont encore attiré plus de 4 000 personnes cette année. Autour d’une bonne mousse, nous avons rencontré Geoffrey Rabier, président des Rocktambules, pour évoquer 15 ans de festivals, d’expérience, de ressentis, tout en gardant comme fil directeur cette édition anniversaire.

En déclinant l’interview en deux parties, cette première séquence commence à l’origine du festival pour finalement arriver à 2012. Bilan de l’année, choix de programmation, organisation, différents points ont été abordés. Dans la seconde partie, nous aborderons des questions relatives à l’évolution du festival, le « mal gardois » en matière de culture ainsi que des points plus personnels évoqués par Geoffrey Rabier.

Dimitri : Tu es le président du festival des Rocktambules de Rousson, d’où est venue l’idée de créer l’évènement ?

Geoffrey Rabier : Tout est parti de « l’association pour le festival de Rousson ». Elle a été créée bien avant que le festival des Rocktambules soit lancé puisqu’elle a 26 ans ! L’asso a été créée par nos parents. Ils avaient lancé un festival latino-américain qui se passait également dans les près de Landas. Au bout de 8 ans, ça s’est un peu cassé la gueule… et un soir de beuverie, l’idée de créer un festival de rock est apparue.

J’imagine que c’étaient avec des groupes locaux que vous aviez lancé la 1ere édition ?

Geoffrey : Des groupes locaux effectivement, mais surtout Pigalle, et d’entrée ça donne déjà du poids au festival. Une fois ce premier test passé, on a cherché comme tout organisateur à faire évoluer le festival qui, après 10 ans, est devenu un rendez-vous ancré dans le paysage gardois. Chacun balance ses idées, ses envies, et on voit tous ensemble quelle pourrait être la meilleure formule.

Concernant l’organisation, c’est un turn-over régulier ou au contraire un noyau dur qui tirent les ficelles ?

Geoffrey : L’association tourne autour d’un noyau dur depuis 5 ans. Les anciens ont bien tenu le festival pendant 10 ans, à nous, les plus jeunes, d’assurer la relève et surtout de le faire pérenniser dans le temps. Attention, on est un noyau, on est un groupe, mais on est ouverts. On fait rentrer régulièrement d’autres personnes dans ce noyau car on sait très bien que l’on n’est pas éternels et que l’on ne fera pas tout le temps ça… Même si c’est avant tout une passion.

L’association pour le festival de Rousson compte combien de membres ?

Geoffrey : C’est très variable. Une grosse vingtaine dans l’année, plus d’une centaine durant la période du festival.

Tu pensais que le festival arriverait à ce qu’il est aujourd’hui ? Pouvoir attirer plus de 5 000 personnes chaque année, il y a peu d’événements gardois qui ont ce potentiel-là.

Geoffrey : Honnêtement, le nombre de personnes nous importe peu. L’essentiel n’est pas là…

Ok, mais il te faut toujours être au dessus du fameux seuil de rentabilité.

Geoffrey : Oui, bien évidemment. Il est clair que si on n’attire pas X personnes chaque année, il faut que l’on rentre dans nos frais.

Quand tu regardes l’évolution constante du festival Skabazac par exemple, même s’il n’existe plus aujourd’hui, cela ne te fait pas envie ?

Geoffrey : Je me répète, le nombre de personnes n’est pas le truc le plus important. Attirer par exemple 10 000 personnes, il faut pouvoir ! Est-ce que l’on est prêt à supporter toutes les contraintes que cela entraîne, je ne sais pas. Nous, on est en règle dans tous les domaines, et déjà à ce stade-là ce n’est pas simple. Que tu aies un restaurant ou que tu organises un festival dans un champ, tu as énormément de contraintes et cela ne s’arrange pas.
Après, on cherche surtout à proposer un événement culturel qui soit accessible aux gardois car le département manque cruellement de culture ! Même si cet avis n’engage que moi, heureusement qu’il y a la Meuh, Bord de Cèze et nous pour proposer quelque chose aux gardois !

D’ailleurs, puisque tu parles de la Meuh, quelle est votre approche ? Vous travaillez ensemble ou cela reste deux partis qui s’organisent chacun de leur côté ?

Geoffrey : On a failli faire un tremplin commun cette année. Malheureusement ça a été compliqué de le mettre en place mais l’idée était intéressante. Après il faut préciser aussi que ce sont deux modes de fonctionnement différents : eux sont plus jeunes, ils sont encore dans le bain scolaire, le turn-over est important d’une année sur l’autre… Alors que nous, il y a peut-être un peu plus de bouteille donc on peut se permettre de faire moins de réunions, etc. D’autant plus que nous sommes complètement autonomes. Mais attention, ceci n’est pas une critique. Chaque année la Meuh fonctionne bien, donc c’est une méthode qui marche aussi.
D’ailleurs, on fait des réunions communes… c’est de bonne guerre avec la Meuh. Après, quand tu proposes des événements culturels, tu es forcément obligé de travailler ensemble à un moment donné, c’est dans l’intérêt de tous.

Sidilarsen

Concernant l’édition 2012, quel est le bilan de cette année ?

Geoffrey : On est bien en-dessous de ce que l’on faisait les années précédentes : on tourne autour de 4 000 entrées. 2 500 pour le vendredi, 1 500 pour le samedi. Un bon vendredi, c’est clair, mais un tout petit samedi. Même si l’on n’a pas encore le décompte exact.

Pourquoi ces chiffres ?

Geoffrey : L’affiche, tout simplement.

Pourtant, et ce n’est que mon avis, j’avais tendance à ne venir que le samedi depuis trois ans, et cette année, les deux soirs étaient vraiment équivalent…

Geoffrey : Attention, quand je te dis « l’affiche », je ne dénigre pas la qualité des groupes qui sont venus chez nous cette année, loin de là. Le seul problème, c’est quand tu as le même soir (ndlr : samedi) plus de 7 000 personnes à Montpellier pour le concert d’adieu des Sheriff. Tu imagines très bien que ton samedi soir sera affecté !
Il est clair que lorsque nous avons calé les dates du festival, ce concert-là n’était pas encore programmé, donc… Mais c’est pas grave ! On s’en fout. Les concerts étaient bien, les gens présents ont fait la fête, c’est l’essentiel !

Vous êtes quand même rentrés dans vos frais ?

Geoffrey : Si l’on prend le bilan propre à cette année 2012, on est légèrement en-dessous. Cependant, lorsqu’on prend en compte les investissements que nous avons fait depuis plusieurs années, on est dans nos frais. Des investissements réalisés sur 4-5 ans, si tu veux un exemple je peux te citer les verres consignés. Donc oui, on s’est plantés sur le samedi, mais tant pis. Peut-être que l’année prochaine, c’est nous qui aurons une grosse surprise à proposer ! Et je ne te lâcherais rien (rires) !

Je sais bien… Même son de cloche du côté de la Meuh (rires) ! J’essaie de cuisiner Nicolas, le président de la Meuh 2013, en vain !

Geoffrey : Tu lui diras que c’est mon petit commercial préféré (rires) ! D’ailleurs, on a déjà des idées, des premières pistes pour la prochaine édition. Tu es obligé de commencer tôt, de prospecter. Mais de toute façon, à l’heure actuelle, je ne peux rien te dire ! On a aussi des idées de groupes pour 2014 !

Concernant l’ambiance sur le festival, plusieurs points à éclaircir. L’édition 2012 a vu le premier groupe international programmé, Kill The Young. Est-ce que vous misiez réellement sur leur renommée pour attirer les festivaliers ? Car on ne peut pas dire qu’il y avait spécialement foule au moment de leur passage…

Geoffrey : Déjà, ils se sont régalés ! On a pas mal discuté avec eux, même si c’était en anglais forcément donc parfois galère, mais ils ont apprécié. On ne peut pas dire que nous ayons spécialement misé sur eux mais c’était une envie de certains membres de l’association de les faire venir. Ensuite tu peux remarquer que nous les avons programmé très tôt dans la soirée, donc si c’était notre atout nous les aurions fait passer sur la fin.

Sur le papier, je les aurais programmé après Blankass, mais j’ai compris qu’entre Blankass et les Rocktambules, il existe des liens assez forts ?

Geoffrey : Blankass, c’est affectif. Comme No One Is Innocent. J’ai limite des frissons en parlant d’eux !

La perf’ de la soirée, en voyant les retours du public, c’est Sidilarsen ?

Geoffrey : Je l’avais annoncé, en interne, comme la grosse surprise de l’édition, et ça n’a pas raté ! Beaucoup ne connaissaient pas et s’étaient surtout déplacés pour Lofofora alors qu’ils ont pris une pris une claque monumentale… Comme pour Bagdad Rodéo l’année dernière ! Mais je me rappelle très bien avoir dis au groupe quand ils sont arrivés sur le site : « ce soir les gars, vous êtes la surprise de la soirée !« . Et ils ont envoyé !

Mais d’ailleurs, puisqu’on parle des groupes, je voudrais aborder un point qui, aux yeux de l’association, est très important : il y’en a toujours qui disent que les prix sont trop chers, mais cherche un concert de Zebda à 15€, on a été les seuls à proposer ça ! D’autant plus que Zebda a joué le même set que dans ses concerts classiques, c’est-à-dire pas dans sa configuration festival. Longtemps la question du prix a été débattue : faut-il inverser les tarifs ? Proposer un vendredi à 20€ et un samedi à 15€ ? Puis connaissant Zebda et les valeurs qu’ils portent, on a choisi de laisser le tarif à 15€.

Zebda

Après, proposer un vendredi soir à 15€ avec Zebda et Mauresca Fracas Dub puis un samedi à 20€ sachant qu’il y avait Lofofora, Sidilarsen, Blankass et Kill The Young (pour ne citer que les têtes d’affiches), il n’y a pas de quoi crier au scandale !

Geoffrey : Tout à fait ! Mais on nous a aussi reproché de ne pas proposer des tarifs chômeurs ou étudiants, et je vais me répéter une nouvelle fois, mais on cherche à proposer une prestation culturelle abordable. Et, pour moi, on est dans les créneaux. Je suis fier d’avoir proposé Zebda à 15€ ! Après que Marine Le Pen ait fait le meilleur score de France chez nous, on a fait venir Zebda, groupe militant qui ne cache pas ses valeurs, à un prix minimum. On est fiers !

D’autant plus que les tarifs n’ont pas énormément augmenté ?

Geoffrey : Si, il y a eu une petite augmentation mais on est y plus ou moins contraints… C’est difficile pour tout le monde, ce n’est pas un secret. On a du mal à attirer les gens en masse, tu penses vraiment qu’on va augmenter les tarifs de notre plein gré ? Ce n’est pas un combat qu’on mène mais je pense que les gens ne comprennent pas tout. Il faut voir ça comme une ouverture culturelle : sans stéréotype, le fait d’avoir programmé Zebda a permis d’ouvrir le festival aux Prés Saint-Jean et je te garantie que si on a réussi à faire venir rien que dix personnes des Prés-Saint-Jean, pour nous, c’est un succès ! On le savait, Zebda attire du monde, ça aurait été la même avec Shaka Ponk.

En parlant de Shaka Ponk, les Rocktambules ont pris de court tous les pronostics/rumeurs qui les annonçaient à Rousson cette année. Tu n’as l’impression que c’était pourtant le groupe que tout le monde voulait voir à l’affiche et qui n’a pas été programmé ?

Geoffrey : Oui, bien sûr, surtout avec cette idée (qui n’a pas été forcément bonne) de faire un sondage sur notre page facebook à propos les attentes des festivaliers. On savait clairement que tout le monde attendait Shaka Ponk. Honnêtement, on a faillis les avoir. Mais ce n’est pas de leur faute…

Je pensais soit à Shaka Ponk, soit à Izia à l’affiche cette année, or il s’est avéré que ces deux groupes étaient le même soir à l’Aluna Festival en Ardèche à moins de 45 minutes de Rousson, est-ce-que cela ne vous a pas forcé à changer vos plans ? (ndlr : pour rappel, sur les trois soirs de l’Aluna, il y avait Shaka Ponk, Izia, Lou Reed, Manu Chao, Dionysos, Caravan Palace, Thomas Dutronc, Julien Doré, Hubert Félix Thiéfaine, Ayo, Inna Modja, etc).

Geoffrey : Non, on n’a pas changé nos plans.

Pas de coup de pression ?

Geoffrey : Non ! Je vais t’expliquer pourquoi : l’Aluna c’est la machine à gros budget qui enchaine les têtes d’affiches… et cela se ressent aussi sur le billet d’entrée. Le Gard, c’est quand même un des départements où il y a le plus de chômeurs en France, et face à un festival comme nous qui est dans des proportions financières relativement différentes, à un moment donné, les gens vont faire un choix. Et s’ils font l’Aluna, rien ne les empêche de faire les Rocktambules. Et même si on avait programmé Shaka Ponk aux Rocktambules, on aurait fait le plein ! Ils passent sur NRJ maintenant… (sic). C’est malheureux, mais c’est comme ça. Après on est à chaque fois en contact avec les maisons de production et elles nous conseillent : « pas de soucis », « attention, ils ont été programmés pas loin », etc.

Après quand tu vois l’Aluna, ils ont quand même bloqué la seconde date de Manu Chao à Nîmes, je ne sais pas si t’es au courant de ça ?! A la base il devait y avoir deux dates de Manu Chao La Ventura aux Arènes de Nîmes, et l’Aluna a coincé car ils ne savaient pas quelle affluence ils allaient avoir pour leur samedi soir ! Ils ont fait complets, feu vert pour la deuxième date de Manu Chao à Nîmes… Effectivement, on ne se bat pas avec les mêmes armes : c’est toujours des histoires de gros sous.

(à suivre)

Propos recueillis par Dimitri L (alias Aïollywood) de Geoffrey Rabier, Président du festival des Rocktambules de Rousson 2012

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