La Phaze met un terme à sa carrière… en tirant la sonnette d’alarme

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séparation la phaze 2012

La news date de début août dernier. Désolé pour ceux qui n’étaient pas encore au courant… Malheureusement, les faits sont là : La Phaze presse le bouton stop et en profite pour lâcher un dernier coup de gueule comme on les aime. Pas tant que ça car il est surtout révélateur de ce qui nous trotte dans la tête depuis quelques temps déjà.

Décidément, le mois de décembre prochain va voir trois grands groupes alternatifs français quitter la scène en laissant beaucoup de regrets et de sueur dans les salles de concerts. Marcel et Son Orchestre, La Ruda… et donc La Phaze appartiendront dans un peu mois de deux mois au passé. Ça va faire bizarre…  D’ailleurs, en fin d’interview, Damny (chanteur de La Phaze) reprend cet fil directeur : « c’est un peu les mêmes gens, ceux issus de la famille alternative, qui arrêtent… le circuit a vraiment changé. On n’est pas là pour faire de la musique un divertissement, il y a aussi une histoire d’éthique, on raconte des choses mais on les défend ! ». Le cadre est posé.

10 ans de carrière, 10 ans de gros son pour un groupe qui est longtemps apparu, à sa manière, comme un rescapé d’une scène alternative française qui voit ses revendications en berne. Ou du moins, les miettes de la vraie scène alternative française, celle de la fin des années 80 et 90. Ceux qui avaient mélangé astucieusement le punk et le jungle s’étaient attribués une étiquette propre et sans bavure avec le pungle comme étendard. Un cocktail explosif qui allait subitement tomber en rade d’essence. Oui, d’essence, car le problème est ici : l’essence même de la scène alternative française est menacée, pire, elle est en train de s’éteindre.

La Phaze a donc pris la décision d’arrêter son aventure en 2012. Une fin de cycle, en référence à leur mythique album. Que ces raisons soient vraies ou fausses, cela nous importe peu, le discours de Damny est sans appel.

La dissolution est brutale, personne ne s’y attendait vraiment. A la question de savoir pourquoi ne pas lancer un break comme il se fait un petit partout, Damny répond de manière directe : « les breaks, on les a déjà fait entre les albums (…), mais cette idée d’arrêter macérait depuis déjà quelques temps ».
Alors, pourquoi arrêter ? Sur ce coup-là, pas de langue de bois ou de fioritures, Damny est cash au micro du webzine Apathie : « la scène alternative est morte et il n’y a pas de relève. Ok, il y a encore les potes comme les Tagada, les Lofos qui tournent, ce sont des baroudeurs qui tiennent le pavé depuis des années, mais la relève punk/rock en France n’existe pas. Les jeunes, aujourd’hui, sont focalisés sur autre chose », et Damny dit que La Phaze s’en est rendu compte au fur et à mesure des dates… « Sans parler de faire la révolution dans les concerts », Damny ne souhaite pas passer « pour le mec sur scène qui fait une parodie. J’ai toujours mes valeurs, ma façon de penser… mais vraiment, par rapport au groupe, on avait peur de ne plus être crédible (…). Je ne veux pas engraisser la machine, c’est tout ».

Assez résigné mais aussi blasé du monde de la musique d’aujourd’hui, Damny est finalement dégoûté du système : « toi tu te tapes des fois 900 bornes dans un bahut pour faire un festival où tu vas passer à des heures pas possibles durant des années, alors qu’un mec sur internet, s’il se tape le buzz pendant 3 mois, se ramasse 50 000€… et va jouer dans le même festival que toi ! Attends, c’est complètement décalé. Les jeunes aujourd’hui font leurs choix, mais ils voient plus la musique comme un divertissement que quelque chose qui défend une idée… et je répète, on ne change pas notre fusil d’épaule, mais je ne veux surtout pas que La Phaze passe pour une parodie du truc, non ».

A la question de savoir si La Phaze n’a finalement pas été dépassée par la machine du système, Damny n’hésite pas à prendre à contre-pied son interlocuteur en réaffirmant que « le groupe s’est mis en danger artistiquement sur chaque cd » (et c’est bien vrai !). Et c’est qui revient irrémédiablement sur le tapis fait office de boule de neige : « aujourd’hui, tout le monde peut faire de la musique. C’est bien, ça montre qu’elle se démocratise. Mais d’un autre côté, il n’y a plus la notion de temps pour le côté créateur. Puis quand tu regardes chez les jeunes, ils veulent faire de la musique pour quoi ? Pour être connus ! Nous, on n’a pas commencé la musique pour ça… ».  

Bien décidé à tirer la sonnette d’alarme, Damny enfonce le clou : « les gens qui viennent voir des concerts dits ‘alternatifs’ ? Il en reste, heureusement, mais ça vieillit. C’est mortel de les croiser, on est ravis, car c’est aussi grâce à eux qu’on a existé… mais ce que je ne vois pas, c’est aucune forme d’insoumission de la jeunesse. Mon rôle, c’est aussi de jouer pour la jeunesse, pas pour des personnes déjà convaincues ! ». Et au-delà de sa propre musique, Damny en profite pour faire un lien avec les labels : « ils sont voués à disparaître. Les rôles de dénicheurs de talents, toutes ces conneries, tu ne peux plus le faire… pas parce que tu ne veux pas, mais parce que tu ne peux pas. Et même du côté des artistes, il n’y a plus la démarche d’aller voir un label. Par exemple, tu prends un gamin qui enregistre un son dans sa piaule, il la balance le soir sur YouTube, Dailymotion, Vimeo. Tu penses vraiment qu’il va aller chercher un label ? A quoi ça va lui servir ? Le rôle du label est que ça va lui permettre d’exister. Or il existe déjà virtuellement grâce au nombre de vues que sa vidéo aura sur la toile ! Les labels ne vont plus exister, c’est certain. D’ailleurs, certains vieux labels devraient lâcher la rampe, ils ne s’en rendent pas compte, mais ils sont complètement hasbeen (…). Certains ont trop gardé cet héritage des 80’s, où les labels devaient formater les disques pour qu’ils puisent être vendus à des millions d’exemplaires. Si un jour je suis naze sur scène, j’espère qu’on me le dira ! »

En parallèle de ce coup de gueule, les amateurs de La Phaze voudront peut-être savoir ce que vont devenir les différents membres du groupe, alors essayer de nous quitter sur des notes un peu plus joyeuses :
Arnaud, le guitariste, vient d’enregistrer un album solo électro/rock/noisy/pop, bien que plus orienté dance-floor que guitare. Son projet s’appelle Dead Hippies, et il n’y a pas encore de sortie prévu pour le skeud.
Cédric, va continuer son aventure Undergang, il va d’ailleurs sortir son 4e album.
Guillaume, batteur, joue toujours dans un groupe de folk/country/rock, The Cash Stevens, tout en souhaitant développer sa marque de batterie « Thinh Drums ».
– Enfin Damny travaille avec une chanteuse sur « Mac Guffin », un projet auquel il est aux machines et où il supervise un peu le tout. Le projet sera plutôt orienté trip hop, mix entre Portishead, Morcheeba et Wax Tailor. Il ne cache pas qu’il a « envie de prendre un peu de repos avant de repartir concrètement sur un nouveau projet plutôt…énervé ». On attend de voir ça.

Pour terminer sur une note plus ludique, Apathie demande à Damny si La Phaze sortira un jour ou l’autre ces excellents inédits (Colère Noire, J’écris, Le Corbeau, des remix…) qui n’ont jamais été proposés sur des galettes, compile ou un album du genre : « oui, forcément, les disques durs sont plein ! On est en train de penser à ça. Mais on n’a pas envie de sortir ces genres d’albums pour finir, ce sera gratuit ! ».

Enfin, pour le fun, il est demandé à Damny quel est son album préféré de La Phaze. Réponse ? « Fin de Cycle » (ah bon ?!). Son morceau préféré : Assaut Final… et celui qu’il aime le moins ? Secure World. Quel le morceau le plus représentatif ? R.A.S !

En mot de la fin, une dernière piqûre de rappel : « J’espère détecter un peu plus d’insoumission chez les jeunes. J’espère que les prochaines années me feront mentir ». On l’espère aussi.

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