Gari Grèu « Barka » (2020)

7 min de lecture
chronique gari greu barka 2020
Temps de lecture : 3’20

Comme tout lézard qui se respecte, Gari Grèu délaisse le temps d’un album ses camarades du Massilia Sound System ou du Collectif 13 pour capitaliser le soleil. Si ses compagnons de route ne sont jamais bien loin, Gari s’offre une nouvelle échappée belle, en solo, près de 8 ans après la sortie de son premier album.

« Barka ». Un simple ‘merci’, en burkinabé, pour réchauffer l’esprit. En étant assis sur les rochers aux Goudes, le cœur peut, parfois, être moins lourd. Il n’oublie pas ce qui constitue la nature humaine, ce qui la lie et ce qui la renforce. Ce « Barka », il est pour tous ceux qui acceptent d’être ce qu’ils sont, ceux qui ont des choses à partager ou à défendre. Derrière « Barka », il y a des rencontres, faites de rires et de larmes, et surtout du vivre ensemble. Tout un tas de valeurs humaines que l’on sait bien ancrées dans l’univers marseillais.

Pour permettre à « Barka » d’exister, Gari s’est entouré de visages connus pour ceux suivants les épopées du Massilia Sound System ou des sorties du label It’s OK : d’abord, il y a les inconditionnels échappés du Massilia, Dj Kayalik et Blu, mais aussi JaMin, un artiste découvert en 2019 avec son premier album et sa fameuse mandoline. Enfin, l’atypique Tartare a également participé à l’écriture de ce disque, aux côtés de Gari. L’aïoli est bien montée puisque 11 compos sont créées.

Pochette signée Designmakers (d’après une photo d’Hélène Boyer)

L’écoute, faite d’une traite, laisse s’installer un premier constat : cette nouvelle création est différente de « Camarade lézard » (2012), que ce soit par les thèmes abordés, l’ambiance générale ainsi que le ton employé. C’est loin d’être étonnant connaissant les multiples influences du personnage. Les écoutes suivantes font ensuite apparaître un album hétérogène dans sa construction où plusieurs tendances se distinguent.

Impossible de ne pas s’engouffrer dans la première tant elle fait hérisser le poil ! Il faut dire qu’elle illumine ce « Barka », comme si elle était son essence la plus profonde… Les titres d’ouverture et de fermeture sont deux véritables joyaux que l’on ne voudrait pas lâcher. Avec Bois sacré, une guitare rock pleure sur un fond world, et la réalité des peuples en souffrance est mise en musique. Touché, d’emblée.

Quand il n’y aura plus de soleil, plus de lune, que vos milliardaires auront tout acheté, vous vivrez dans l’obscurité. Il n’y aura plus rien, plus d’âmes, plus de thunes, les fleurs, les arbres, l’espoir auront crevé…

Plus loin, le titre éponyme de l’album va récidiver, encore plus fort, avec une symbolique décuplée. Avec les machines de Kayalik susurrées, les cordent jaillissent au milieu de la nuit pour accompagner les appels répétés de Gari à entrer dans la danse « car mortels vous n’êtes pas morts. Et rebelles vous êtes plus forts ».

Entre ces deux pépites se cachent ensuite plusieurs horizons explorés. On ne peut qu’être charmé par Yes papillon, joute poétique au bruit de la vie, ponctué par un admirable « quand la Terre tremble, il n’y a que l’ivrogne qui marche droit ». On peut, aussi, être surpris par l’entraînant Comme une lionne, bien aidé par l’ukulélé, pour finalement voguer vers des contrées plus reggae. Pourtant, c’est bien un étendard « chanson » qui va finir par imprégner l’écoute attentive de ce « Barka ». Avec un accordéon en guest, celui-ci invite le banjo pour un tango improvisé avec La Rue Kétanou : Les retrouvailles dans les rues de Noailles se dévoilent, Marseille se découvre d’un fil, et ce qui l’anime aussi (La valse des valises).

Cette ballade nous amène aux côtés de Moussu T e lei Jovents (Nos pieds) pour un autre voyage, « faites ce qu’il vous plait ». « Il suffit d’ouvrir la porte, le soleil nous escorte », pour ne pas oublier de vivre la vie. En essayant de prendre le mal à la racine, Le jardinier tente alors de jouer avec les mots à défaut de lui jouer un tour… La faucheuse, endormie, ne l’est jamais vraiment, et le cœur s’emballe. La pression retombe finalement sur deux titres, Stop net (c’était dans le nom) avec Guizmo (Tryo) qui rappelle les créa’ du Collectif 13 (dommage) et aussi sur Luttes d’artiste, réaliste certes mais lancinant, qui déséquilibrent un peu l’album.

Au milieu de ces aléas de la vie, une dernière pépite s’y glisse et elle aurait pu faire office de premier single de ce « Barka » : Merci de la partager est une invitation à l’ouverture vers l’autre et à l’acceptation de soi qu’il serait bien difficile de refuser. Avec un refrain entraînant et un morceau aussi ‘solaire’, nul doute que chacun saura apprécier à sa juste valeur cette main tendue vers le métissage et la danse. Écoutez la clameur de JaMin lorsqu’il crie « l’amour ! », laissez-vous porter par la convivialité…

« La vie est courte mais elle est large, merci de la partager ! »

Gari Grèu, « Barka » (disponible depuis le 17 janvier 2020, chez Irfan le Label) / Version également disponible en format Livre de 80 pages illustrées (paroles, rencontres, photos et code de téléchargement numérique)

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