Nous vous avons présenté leur dernière galette, très réussie, la semaine dernière. Moins de deux semaines après la sortie de « Les terriens », le groupe mené par Christian Olivier revenait dans le Gard, à Nîmes, où ils n’avaient pas joué depuis de nombreuses années. Bien décidés à nous présenter leurs nouvelles créations, tout en rappelant à notre bonne mémoire leurs anciens succès, les Têtes Raides ont rendu cette soirée encore plus belle.
En première partie des Têtes Raides ce samedi à Paloma, l’un des groupes montant de la scène rock française nous était présenté : Iaross. Ces trois musiciens vont commencer leur prestation face à un public de la grande salle, en configuration assise pour l’occasion. Le chanteur accompagné de son violoncelle, et des ses deux compères à la guitare et à la batterie, va tout de suite nous emmener dans son monde, un monde envoûtant puis de plus en plus entraînant au fil des chansons. On comprend vite les récents hommages qu’a rendu le magazine Francofans à ce jeune groupe prometteur, qui pendant 40 minutes nous a joué les chansons de son opus sorti l’année dernière: « Renverser » !
Au fil des chansons, le rock s’immisce dans le set, presque électrique avec deux guitares entourées de la batterie, avant un solo de guitare envoûtant ; et un morceau, Ici, où le guitariste Colin Vincent (chanteur du groupe Volin) se met au piano pour donner encore de nouvelles couleurs au jeune groupe. Les trois hommes vont finir leur prestation très réussie avec leur chanson hommage aux printemps arabe : Décors en bataille, qui nous interpelle par la finesse de l’écriture. Iaross a réussi à nous séduire par sa musique captivante, qui rappelle Des fourmis dans les mains, et la justesse de ses titres. Un groupe qui, nous ne le cachons, s’annonce comme très prometteur…
S’il y a des groupes qui n’ont plus rien à prouver, et qui pourtant prouvent beaucoup de choses concert après concert, c’est bien les Têtes Raides, qui tournent depuis plus de 30 ans sans que la lassitude m’incombe les spectateurs, et sans que leurs textes et leur musique ne vieillissent.
C’est, pour cette tournée, cinq musiciens qui entourent Christian Olivier que l’on ne présente plus. De fait, ce sont une contrebasse, un synthé, une batterie, une basse, quelques guitares et leur célèbre accordéon qui encombrent la scène.
Force est de constater que malgré la sortie récente de l’album, ce dernier est déjà bien rodé. Dès la première chanson: Vers où je vas, le côté rock prend le dessus, les guitares crissent, on sent que l’album est taillé pour la scène ! Puis ensuite on découvre Alice en live, la fumée omniprésente sur toute la chanson va laisser place à de beaux jeux de lumières pour la belle Modérato ! Lorsque arrive Les terriens, où le chanteur littéralement envoûté et envoûtant va haranguer la foule encore timide et assise, ce dernier tape de tout son saoul et de toute sa hargne sur un baril disposé sur le devant de la scène. Avant que ce dernier ne tombe son célèbre chapeau, pour la seule fois du concert, pour la magnifique Oublie moi, l’interprétation se fait avec force et finesse. Il aura fallu attendre la 6ème chanson pour qu’enfin l’accordéon pointe le bout de son nez, nous demandant avec force: Viens !
« Si tu connais un raccourci, là où les rêves se confondent »… c’est cette phrase qui marque une première coupure au dernier album, en passant par un Raccourci inattendu à l’album « Fragile » ! Et d’un coup le ciel se met à défiler sous nos yeux, « sur mon carnet je t’écrirais, la cicatrice de mes plaies », le bleu d’un tranchant abyssal ne nous empêche pas de comprendre la finesse de Mon Carnet. Bien qu’ils soient des « anciens » maintenant, les Têtes Raides ne se privent jamais de rendre quelques hommages à leurs glorieux anciens, et parfois cela nous surprend, pour le meilleur, comme à la fin de la tâche, quand Christian Olivier entonne quelques paroles de Gottingen, clin d’oeil à Barbara, avant de fredonner Les Anarchistes, « y’en a pas un sur cent, et pourtant…ils existent, le poing levé, l’espoir en bandoulière ! ». Et il y aura plus tard dans la soirée d’autres hommages: le premier à Serge Gainsbourg, avec une reprise de La chanson de Prévert, puis à Boris Vian avec une étonnante interprétation de Je voudrais pas crever.
L’album « Les terriens » passé en revue, le groupe reprend également quelques anciennes chansons, Civili, Journal, Chamboultou et Mon slip (où la trompette va commencer à déchaîner les foules) en tête de file. Alors que le chanteur commence à croire que le public en face de lui n’est pas vraiment celui des Têtes Raides, il va faire résonner quelques notes de son accordéon, poussant le public à reconnaître la belle Ginette, qui descend du plafond comme par magie, et qui éclaire à elle seule toute la pièce par ses envolées magnifiques et sa lumière euphorique. Alors on entend « c’est debout Ginette ! » et la foule jusque-là assise (hormis les fans qui n’ont pas hésité à aller se masser vers les crash barrières au début du concert), et un peu groggi par cette configuration de salle sans doute inadaptée à ce spectacle, se lève, et reprend en cœur ce titre phare.
C’est un peu tard, les 6 compères quittent la scène…pour un instant seulement, car Ginette n’a pas fini de valser que c’est son compère Gino qui va prendre sa place, et là les fans ne vont pas attendre qu’on leur demande pour chanter en cœur cette magnifique chanson qui s’étendra sur de longues minutes d’extase. On reste par la suite dans la slave des G avec Gerard et Georgia, seul hommage à l’album « L’an demain », malgré les demandes teintées de désespoir d’un homme un peu trop entêté demandant Le Condamné à mort. « Les clans des rues, les clandestins, les cris des chiens hurlent à la ronde », L’iditenté, cette chanson phare du groupe va être reprise en coeur par une foule toute acquise à la cause des ménestrels. Ménestrels qui quittent la scène, pour mieux y revenir une deuxième fois, afin d’interpeter quelques derniers titres, dont Au Café de la Marine, sans micro mais avec force, puis Qu’est ce qu’on s’fait chier qui collait on ne peut moins avec la situation, avant de faire revivre Vian et de finir de fort douce manière avec Saint Vincent, en osmose totale avec le public.
Une très belle réussite que la venue des Têtes Raides à Paloma, ce groupe immortel continue de nous faire rêver et de faire la fête après toutes ces années. S’il n’y a pas de pays pour les poètes et les baladins, qu’ils continuent à vaquer au hasard des villes et des scènes, afin d’en faire profiter un maximum de gens, de faire vivre la poésie et la musique.