Stupeflip « The hypnoflip invasion » (2011)

14 min de lecture

Sorti le 28 février dernier, les déjantés de Stupeflip, pardon le Crou, revenait avec son troisième opus « The Hypnoflip Invasion ». De quoi boucler la triptyque entamée il y a 8 ans.

4 ans passé sous silence, on se demandait si le Crou, après le bras de fer perdu face à BMG, s’en relèverait. Devenu le défouloir des médias, Stupeflip voyait subitement son élan stoppé net avec ses albums invendus (« Stupreligion ») sous les bras. Mais au fond, la foi est restée intacte. Cette flamme, cette culture du « culte » a perduré. Il apparaît donc évident que c’est un groupe encore plus fort qui revient sur le devant de la scène en 2011.

Un doigt levé contre les majors : « le Stupeflip Crou ne mourra jamais »

« Plus fort » du moment où Stupeflip vient de crier un immense « merde ! » aux yeux du monde : Stupeflip a sorti son album sans maison de disques. Le concept est une franche réussite : le groupe a demandé un acte de foi aux « adeptes » du groupe : donner 10€ chacun pour avancer les frais d’enregistrement… et sans avoir rien entendu d’un album qui ne sortirait que bien plus tard ! En échange, les souscripteurs ont 10€ de remise sur le pack (vendu 43€), comprenant une édition collector du Cd, un vinyle inédit (et non vendu séparément) et divers stickers, badges et affiches. Trois mois après sa sortie, son single « Stupeflip, vite !!! » a été propulsé en Single de la Semaine sur iTunes ! Il fallait le faire sans avoir l’appui d’une campagne promo de dingue derrière son cul.

Pour revenir à la musique, « The Hypnoflip Invasion » a été mixé au célèbre studio Ferber qui a vu passer des Manu Chao, Noir Désir, Claude Nougaro ou encore Alain Bashung. Précision nécessaire car d’après King-Ju, c’est le premier véritable album du Crou a être mixé (source : Discordance, 2011).

Et cela s’entend ! L’album est de loin le cd le plus soigné du Crou. L’ensemble est équilibré, cohérent, beaucoup moins à l’arrache que dans les skeuds différents. Stupeflip avec un son propre ? Ah. Étonnant. Peut-être le signe d’une certaine envie de se calmer, de grandir aussi. Même si le groupe continue à partir en « elliuoc ».

Stupzik et addiction : la troisième ère du Stup

Entre hip hop, rock et punk, Stupeflip a désormais franchi un pas : les guitares saturées aux rythmes délurés ne sont plus qu’un vieux souvenir… C’est d’ailleurs très surprenant à la première écoute. Les samples ont envahi le son, les dominances sont à la fois très variées. Majoritairement hip hop, l’esprit punk n’est pas non plus refoulé. Les ambiances « pop » ou « années 80’s » avec Pop Hip conservent bien entendu leurs places, l’album se veut aussi moins « noir ». Plus positif, moins casse gueule, les capacités d’addiction des beats sont implacables. La « stupzik » du Crou prend ici tout son sens !

Le concept de ce « The Hypnoflip Invasion » est calqué comme une oeuvre cinématographique (idem sur les deux albums précédents) avec une introduction, des sons et un générique de fin. A propos des textes, Stupeflip ne s’est jamais vanté de trop se pencher sur ses textes, pourtant, beaucoup de compos sont hilarantes : « Gem lé Moch » avec ses « J’aime les moches : les vieilles, sous les yeux qui ont des poches ; les grosses, avec de la brioche ; les thons, avec des poils sous les guibolles ; les monstres qui n’ont pas besoin d’anti-vols » ou « Ce petit blouson en daim » très rétro « j’ai vu dans ce magasin ce petit blouson en daim, ah ouais c’est sûr, il m’ira bien ! […] J’ai vu dans ce magasin cette fille aux jolis seins, j’irais l’essayer demain, c’est sûr, elle m’ira bien ! ».

Même si le Crou a réussi sa chasse à l’homme en tuant Pop Hip, il aura eu le temps de nous proposer ses dernières créations : « Gaëlle », so kitch, non sans rappeler un certain Etienne Daho (!), ou un « Le coeur qui cogne » plutôt orienté Mylène Farmer mixé pop/disco.

Entremêlés à cette pop sucrée, on rentre dans le dur : plusieurs brûlots propres à l’univers monté de toutes pièces par le Crou sont bien sûr présents. « Stupeflip, vite !!! » à gros coups de buttoirs te fracassent le cerveau avec ses beats dévastateurs et une instru de malade sur des répliques « Utopistes debout ! J’ai des lyrics en stock et que plus personne ne comprend, je m’exile à Pétaouchnock… » ou « Cadillac, en peer to peer, revient te chier dans le crâne, faire un petit tas, […], tu préfères te cacher, faire le steack haché, sous vide, t’as du mal à respirer ! Tu crois gérer mais t’es mal digéré ! »

« Check da Krou », façon « oldschool », est dans un flow tout droit tiré de l’époque d’IAM de « Ombres est Lumière » de 1993, tout en s’apparentant comme la compo la plus « rock » de la galette. Approche décapante « Aujourd’hui, c’est comme d’habitude je n’ai rien à dire, je n’ai rien à faire, j’attends que s’écoulent les jours, que s’écoule le temps jusqu’au cimetière ! […] Crou cracra, le crou qui creuse comme une pelleteuse, fais des trous dans le crâne et les oreilles comme une agrafeuse ! ».

Critique Stupeflip 2011

« Hater’s Killah » s’inscrit dans la même lignée de sons sur le bienfait du Stup : « Crou, truc crade cru qui fout une trempe, accro du micro mon style en crrr fout des crampes, ce truc j’le crie comme une truie qu’on peut rien, mes textes pourris pour faire triper les gamins. Ma force était la farce, mais gaffe si ça corse, j’suis fort comme un arbre et la zik est mon écorce ! ». King-Ju, celui qui crie fort, en état de grâce.

Le côté sectaire et volontaire autour du Crou prend du relief sur « Sinode Pibouin », conclave para-religieux pour appeler tous les fidèles au grand retour de la religion du Stup. Rancoeur, règne sans partage, vanité… l’appel est lancé : « Réunion de fidèles pour créer l’étincelle. Saluons nos confrères, commençons la prière ». Au-delà de ces aspects de déviances, il y a toujours un message profond « ils disent qu’ils redistribueront, c’est ce qu’ils veulent te faire croire, mais tu n’auras accès ni au soin ni au savoir. ils te reprocheront tes faiblesses, l’oisiveté : ils te feront payer s’ils te surprennent à méditer. NOUS LES HAISSONS. Mais nous resterons de marbre, nous les annihelerons par une seconde danse macabre, nous serons tous prêts quand raisonneront les cymbales, le Sinode Pibouin scellera leur pierre tombale ».

« Apocalypse 894 », ne fait qu’apporter son grain de sel dans la machine pour prolonger l’hypnose : « Ma technique te snaque, mon meilleur pote c’est mon mac mec, j’aime mon hamac mais ma technique te nique, je suis trop esthétique quand j’ai bu deux gins tonic. Que le grand cric me croque, blablabla, fuck le rock et le baroque, dans peu de temps je serais la coqueluche… Ma stupzik fout des hématomes, y’a pas de mal vu l’état de la zik dans l’Hexagone ! ».

Enfin, comme un appel à une enfance perdue, « Le Spleen des Petits » et « La Menuiserie » renvoient aussi à des valeurs un peu oubliées : une époque douloureuse, où la souffrance débute et y prend sa source… A noter que l’on retrouve de nombreux fils directeurs entre les albums, par exemple « Le Spleen des Petits » s’avère être la suite de « Les Monstres », morceau du premier skeud « Stupeflip » (2003). Constat identique sur « Région Est », titre de 11 minutes qui clôture l’album mais qui symbolise surtout l’annexion de la Région Est à la Stupreligion. La région Est est donc tombée, 6 ans après la région Nord et Ouest, 8 ans après celle du Sud. Sachant que toutes les régions sont annexées, les trois ères du Stup sont donc terminées. Il y aura-t-il une nouvelle ère ? Éternelle question.

« Mon sourire te glace comme un clic clac qui grince, le voilà qui revient, mince, tous les mardis pour te serrer la pince, donne moi le courage d’aller bouffer tous les nuages, écoute mon coeur, écoute la rage, écoute ce texte anthropophage ! Écoute ce mec qui vote réac’, écoute cette mère seule qui craque, écoute le cri des animaux quand on les enfouie dans un sac ! » (« Stupeflip, vite !!!).

Stupeflip, vite ! Le verdict

Dans un premier temps, il est clair que le Crou s’est calmé dans sa musique, dans son délire et dans ses textes. Après il apparaît indéniable que musicalement parlant, le groupe nous propose son meilleur opus. L’effet addictif est impressionnant, le riddim et les beats sont dévastateurs, le flow varié et surtout un rendu à la fois novateur et old school. L’équilibre parfait, le Crou l’a trouvé. Truffé de surprises, de conneries, les textes sont excellents. Pop Hip a gardé sa place sur l’album et peut proposer, contre la volonté du Crou, ses morceaux stupides mais qui font incontestablement partis du groupe. Stupeflip sans Pop Hip ne serait pas Stupeflip. Même constat pour les nombreux « skip » qui cassent un peu malheureusement l’intensité de l’album, mais une fois encore, si le Crou veut continuer à alimenter son univers, ces interludes sont des plus nécessaires. Leur efficacité est sans détour puisque l’immersion est totale !

L’âme du Crou est plus que présente sur cet album, la troisième ère du Stup est une des plus marquante : les fidèles sont appelés à se rendre au monastère, pour les autres, le temps de la conversion est venu.

Croyais-tu vraiment que la religion du Stup pouvait s’éteindre ?
FICHE TECHNIQUE

Tracklist
1) Invasion (intro)
2) Stupeflip, vite !!!
3) La menuiserie
4) Gaëlle
5) Check da krou
6) Le spleen des petits
7) Dangereux (skip I)
8) Hater’s killah
9) Strange pain (skip II)
10) Gem lé moch’
11) Sinode Pibouin
12) 72.8 mhz (skip III)
13) Ce petit blousain en daim
14) Dark warriors
15) Lettre à Mylène
16) Ancienne prophétie (skip IV)
17) Apocalypse 894
18) La mort à Pop Hip
19) Le coeur qui cogne
20) Keep the faith
21) Région Est

Durée : 66 minutes
Album : 3e
Sortie : 28 Février 2011
Genres : Hip Hop / Punk
Label : L’Autre Distribution

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