« Das kapital, das kapital, das kapital » ! Ces mots résonnent comme si les Vulves Assassines comptaient en l’espace de 3 minutes mettre le système capitaliste à ses pieds. Imaginez alors sur près de 33 minutes ce qu’elles seraient capables de faire !
3 ans après le puissant, décapant et exaltant « Godzilla 3000 », les Vulves Assassines sont revenues aux affaires en octobre 2022 avec leur nouveau cocktail libertaire et féministe, « Das kapital », pour rappeler quelques règles de savoir-vivre. Un bon sens social et politique, sans langue de bois, où l’humain est placé au cœur du système, sans soumission ni aliénation.
Si les Vulves sont complètement décomplexées sur scène et galette, elles n’ont pas l’habitude de prendre de gants pour faire passer ses idées et ses convictions. Déjà, sur « Godzilla 3000 », les Vulves Assassines avaient fait baisser la testostérone ambiante avec un album bourré de morceaux frappadingues (Godzilla 3000, Chômeur-branleur, Colis suspect, C’est moi qui t’baise, La cumbia de Mileva…). Un album sale, enregistré au fond d’un garage, dopé au rap/punk/teck, qui reste plus que jamais d’actualité.
Sur cette nouvelle volée de bois verts, les Vulves Assassines continuent de dépeindre les dérèglements de notre société et les sujets ne manquent pas. Souvent comparées à Sexy Sushi ou à SCHLAASSS, le groupe reste dans le sillage musical laissé par son précédent skeud en modifiant ses contours.
Ce qui est certain c’est que, dans l’ensemble, « Das kapital » est plus propre que « Godzilla 3000 ». Moins nerveux musicalement, ce nouvel opus est aussi moins cru. De là à croire que les Vulves ont ravalé leur colère, ce serait se mettre le doigt dans l’œil. Tandis que le côté teck recule, le côté punk s’affirme. La mutation est en route…
Toujours adeptes des tracks hybrides, les Vulves Assassines n’ont pas perdu leurs penchants cosmiques et extra-terrestres : Conspiration, sur un faux départ dub, se paie « une orgie de reptiliens », bien aidé par les 4 éléments « qui nous montrent la voie ». Sous ses airs de compo conspirationniste entêtante, les Vulves dégainent des arguments tout simplement irréfutables : « un carré est un rond, une odeur est un son ! ». Implacable. Dans un univers musical qui sature, le digital prend le pas derrière celui qui tire les ficelles.
Tu veux baiser reste dans cette ambiance plutôt électro avec un refrain millimétré qui va tout droit vers l’entre-jambe de ceux qui trainent trop sur le net. « Une beurette, c’est bon pour les tartines (…) c’est simple, si le Maghreb vous fascine, achetez un plat à tajine ». Le ton est donné.
Après ces coups bien portés, l’électronique s’affirme davantage sur le titre éponyme de l’album, Das kapital, qui reprend une posture plus agressive que l’on pouvait retrouver sur des titres antérieurs. Les Vulves lâchent les chiens contre le capitalisme qu’elles rejettent en bloc, avec un dégoût flirtant entre punk et teck.
Ces côtés sauvage et incontrôlable s’expriment d’ailleurs dès le lancement de l’album avec Queen kong. On sent d’emblée que les Vulves ont souhaité continuer de taper fort et juste (« c’est l’heure de la fureur de queen kong ! »). Cette fois, elles manient plus les mots et les représentations pour faire passer leur message : « tu voulais la tuer pour sa fourrure / mais c’est ta peau qui lui servira de chaussure (…) tu l’as traqué pendant des mois / mais maintenant c’est toi la proie ! ». Ou comment un brûlot électro futuriste, biberonné au punk et recouvert d’un rap hurlant, met à terre tous les auteurs de féminicides.
Sur cette vague hurlante, les guitares arrivent… Elles viennent d’abord Je suis belle, susurrant un « je suis un mâle, dis-moi que je suis fort » avant d’exploser sur les dictas fantasmagoriques de la femme parfaite.
Les guitares s’épaississent aussi sur Tour de France, rappé et malmené, « petit plateau, gros mollets », qui fait rappeler les Nova Twins dans le style. Mais elles déboulent aussi pour défendre La retraite et s’installer sur le camion sono à un moment plus que bouillant. La Retraite, « … à 60 ans, on s’est battu pour la gagner / on se battra pour la garder ! », est un pavé jeté dans la marre politico-sociale pendant que les derniers gouvernements cherchent à nous faire travailler au-delà de l’âge moyen où l’on est en bonne santé.
Afin de contrecarrer la riposte, les Vulves Assassines dégoupillent par anticipation : « le préfet hurle à la mort, il appelle sa horde / mettons nos enfants aux abris, allons abattre l’ogre ! ». La boîte de Pandore ouverte, c’est cocktail à la main que la compo s’embrase.
Remontées comme jamais, les Vulves continuent de tirer à boulets rouges sur ce système dicté par la loi de la finance. Paul danse, symbole du capitalisme et de l’ultra-libéralisme, se voit refaire le portrait à l’aide d’une dernière envolée spéculative : « tu danses mal / Paul finis ton verre, dégage / prend ton Uber, Paul / reviens jamais dans les parages / t’es qu’un esclave ».
En mode marteau-piqueur, Sauveur du monde s’apparente à une fausse solution et le combo nous le fait savoir : à coups de beats incisifs et de riffs bien aiguisés, les Vulves se jouent des genres contre ceux qui se donnent une bonne conscience écologique. En adoptant un côté rugueux puis un côté poppy, « oui, tu as acheté des chaussures en plastique mais pour chaque paire achetée un petit arbre est planté ! », les Vulves ont un message : « je te fous sous la douche… et je te coupe l’eau chaude ! ».
Ce n’est jamais simple de sortir un deuxième album, surtout après le tour de force du premier album. Les Vulves Assassines signent un second opus à leur image, rentre dedans et persuasif, en prolongeant ce qu’elles avaient commencé à explorer sur « Godzilla 3000 ». Pari réussi. A retrouver en live pour encore plus de plaisir.
Vulves Assassines, « Das kapital » (11 titres, 33 min.), disponible depuis le 21 octobre 2022 (autoproduit). En téléchargement gratuit sur Bandcamp.