Ils crament presque autant de fumigènes que ce qu’ils reçoivent de cannettes pendant leurs concerts : si on connait bien le degré d’agitation qui anime la bande de Krav Boca, on ne s’attendait pas à la retrouver en ce début d’année avec un nouvel album. Pourtant, il va falloir s’y faire : le collectif n’est pas du genre à attendre sagement que les choses se fassent toutes seules !
Bon, ok, ils y ont pris goût : pour la quatrième année consécutive, les toulousains de Krav Boca dévoilent une nouvelle galette quasiment un an après la précédente. En passant pas mal de temps sur les routes à sillonner les salles obscures et divers lieux alternatifs des rives nord et sud de la Méditerranée, c’est à se demander où est-ce qu’ils trouvent le temps ! En pleine tournée de leur film-documentaire DIY A la fin des nuits, Krav Boca a donc continuer à travailler d’arrache-pied avec David Castel (qui a notamment bossé avec Psykup) pour nous présenter ces 10 nouveaux titres dès l’arrivée du printemps.
Après avoir mis la barre très très haut avec « City hackers » (2020) et « Barrikade » (2021), Krav Boca est donc attendu au tournant sur ce « Pirate party », qu’on se le dise. Et nul doute sur le fait que nous ne soyons pas les seuls à avoir une oreille affûtée pour cette nouvelle sortie : d’une part, le groupe a clairement basculé dans un rap/punk très énervé qui ne cesse de gagner en intensité ; de l’autre, les aficionodas à suivre la clique sont de plus en plus nombreux donc, forcément, les attentes aussi. Alors, qu’est-ce que Krav Boca nous a concocté ?
D’abord, il faut commencer par le début : rien qu’à voir l’artwork de ce « Pirate party », on comprend bien que Krav Boca souhaite mettre en lumière le monde de la nuit, celui des quartiers ou des lieux peuplés de personnes abîmées par la vie qui viennent se retrouver pour la rendre meilleure. Car si, au fur et à mesure des albums, les revendications politiques et sociales constituent un véritable fil rouge des sujets arpentés sur chacune de leur compo, « Pirate party » les dépassent. Forcément, elles sont toujours là, mais elles s’inscrivent dans quelque chose de plus global, comme un vecteur utilisé pour les aborder de manière collective et festive.
Car la noirceur est toujours là. Ceux qui suivent Krav Boca depuis « Sanatorium » l’ont bien compris : en réalité, peu de choses ont changé (même si le groupe ne porte plus la cravate sur scène, clin d’œil à leurs débuts !). Pire, il n’y a pas un jour où l’on ne se dit pas que la société se déshumanise. Et la nuit, ce sombre cocktail empire. En ouverture, Nemesis, en est déjà le reflet : c’est à l’aide d’un rock saillant et d’une mandoline bien présente que Krav Boca débute l’album. Un morceau signature qui colle à la peau, celle qui est bien souvent scrutée, au cours d’une Garde à vue malmenée. Attention à la vengeance de la maltraitance !
Cette patte musicale, ce punk/rap à la mandoline, elle se reconnait dès la première écoute et on la retrouve sur chaque album et plusieurs morceaux : « Pirate party » ne fait pas exception à la règle. Comme les précédents titres cités, Eclipse (en feat. avec Jaul, Hrwas) s’inscrit dans cette mouvance. C’est rock, on suffoque, ça sent le soufre, et c’est finalement lorsqu’on croit que l’espoir se meurt qu’il renait ! Dans un autre registre, Arraché (avec Ratur) interpelle l’auditoire malgré un calme saisissant : là où chacun vient y dépeindre son quotidien et ses compromis, c’est une mandoline en maître qui lance un « on ira danser au milieu des fous » en guise d’échappatoire.
Comme si on attendait ce fameux ‘point de bascule’ dans l’univers musical du groupe, ACAB envoie un premier signal : le mode apache est enclenché, « Géronimo, foulard au milieu des gyro ! » est porté, et Krav Boca envoie avec Rationalistas un punk/rock puissant, survitaminé à coup de scratches ! Premier coup de bélier. Signal, en écho, arrive à point nommé : accompagné d’un beat marteleur, Sponty trace la voie et les guitares suivent. Pas de doute, une lueur perce la nuit !
Le second coup de bélier ne tardera pas : avec TN punx, Krav Boca réalise-là très certainement le morceau le plus agité qu’il n’ait jamais fait ! Le curseur se déplace encore un peu plus sur l’échelle de piraterie du groupe : du punk en boîte, un condensé d’énergie qui virerait presque vers le métal, et voilà que tous les adeptes des musiques, cultures et idées alternatives ont un nouveau son de ralliement. Ce n’est pas Abyss, plus loin, qui démontrera le contraire avec ces hurlants « waaah ! ». Krav Boca a sorti le fer à souder et travaille le métal sur d’anciennes friches industrielles.
Glissant violemment vers la fin de l’album, Krav Boca a encore du grain à moudre en stock : sous les ondes, Control nous entraîne vers les bas-fonds, boulets aux pieds. S’engageant dans des méandres proches de la fusion, les toulousains rappellent la difficulté d’y voir clair dans un monde où notre quotidien est contrôlé par le tout numérique. Comme des chaînes invisibles venues du ciel.
« T’as rien signé mais t’as cliqué, on se passe de ta permission »
Dans cette moiteur ambiante, Krav Boca ne va pas laisser passer l’occasion de conclure cette « Pirate party » avec le titre éponyme de l’album en métissant les codes et les influences ! Le groupe vide la pression avec un morceau digne des Punish Yourself, un coup de grisou gore’n’roll/métal industriel complètement allumé et débridé, avec un peu de grec en plus !
Puissant et étonnant… jusqu’au bout ce « Pirate party » !
Krav Boca, « Pirate party », disponible depuis le 20 mars 2022 (Bandcamp ici).