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Nous avions échangé avec Dombrance l’été dernier, une époque où son moral n’était pas au plus haut. Quelques mois plus tard, retour sur son année « pandémique » entre espoir et résignation.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Dombrance n’est pas quelqu’un qui se laisse abattre. Producteur de musiques électroniques, il est notamment connu pour l’intégration de figures politiques dans sa musique et ses visuels (réalisés par Olivier Laude). Pourtant, en juillet dernier, il nous avait laissé avec cette phrase sans équivoque : « Il y a trois périodes pour moi en fait. Il y a eu le confinement, puis le déconfinement et maintenant la déconfiture, je trouve« . Deux confinements plus tard et une situation toujours plus catastrophique pour le monde de la musique, nous avons souhaité échanger sur cette drôle d’année avec lui.
Première question et non des moindres, comment vas-tu ?
Dombrance : Mieux que lors de notre dernière rencontre qui était tombée sur une très mauvaise journée pour moi. Il y a eu une vraie respiration cet été et voir que la vie « normale » ne reprenait pas dans la foulée a été une vraie désillusion. Mon approche pour faire face a été de passer en mode survie afin de trouver un sens à tout ça. Et puis, il s’est passé pas mal de choses pour moi juste après l’été. D’abord un déménagement à Colombes qui me permet aujourd’hui de disposer d’un studio « à la maison » et surtout d’une meilleure connexion internet. Mais également le travail sur mon EP « MAKE AMERICA DANCE AGAIN » qui m’a occupé jusqu’en en janvier (et sauvé la vie !).
Peux-tu justement nous en dire plus sur cet EP ?
Dombrance : Pour ne rien te cacher, sa réalisation a été décidée un peu au dernier moment. C’est vraiment l’actualité qui est venue à moi et qui m’a inspiré. Cette élection haute en rebondissements a été une vraie source de création. Je suis passé en mode ours à partir de septembre et n’ai rien lâché jusqu’à sa sortie. C’est d’ailleurs ce timing serré qui explique l’absence de sortie « physique ». Nous souhaitions que l’EP sorte en même temps que les résultats de l’élection américaine (janvier 2021) ce qui condamnait la sortie de vinyles du fait des délais de production. Cependant, du support physique, j’en ferai mais un peu plus tard.
Parmi les 5 titres de l’EP, il y en a un qui concerne Alexandra Ocasio-Cortez ou AOC, figure incontournable de la gauche américaine. Contrairement à tes habitudes, tu as tourné un clip avec des acteurs pour accompagner ce titre ?
Dombrance : Pour AOC, j’avais effectivement envie d’acteurs. Nous venons juste de finir le clip (réalisé par Célia Pilastre) qui sortira le 13 avril. Ce clip représente une vraie nouvelle expérience qui s’est accompagnée de beaucoup d’émotions différentes. Nous avons shooté des choses incroyables et à ce stade, nous souhaiterions en intégrer un maximum. Il faut d’ailleurs que je travaille la musique pour la faire durer plus longtemps (alors que d’habitude on nous demande de réduire). Sans trop en dévoiler, je peux déjà te dire qu’il y a une surprise dans le clip qu’on ne retrouve pas sur le morceau original.
J’ai également fait une superbe captation avec Nicolas Galloux (ODC Prod) dans une très belle salle. C’était un vrai spectacle avec 8 ou 9 caméras, pas un DIY dans la cuisine. Ce sera à découvrir prochainement.
Quand nous avions discuté cet été, tu avais lancé le concept du « j’irai jouer chez vous » , une manière de garder contact avec ton public et surtout de jouer. Tu penses relancer le concept ?
Dombrance : Pour moi, il est essentiel de rester en contact avec les gens. C’est ce que j’ai fait l’an dernier à la suite du déconfinement en me déplaçant avec mon matos directement chez les gens pour jouer. Ce fut très enrichissant, voire complétement fou et j’ai bon espoir de recommencer l’été prochain. Pour moi c’est de toute manière beaucoup mieux que de jouer devant des gens assis. Je préfère largement jouer devant 50 mecs debout que 5000 assis.
Autre manière de garder le contact, les apéros Zoom que tu as proposées dès février puis l’aperojam qui est devenu un rendez-vous hebdomadaire le vendredi. Tu es devenu le spécialiste du concert dématérialisé !
Dombrance : Pour moi, ce qui est important, c’est de partager. Et ce, même si on ne se trouve pas au même endroit (que ce soit sur Zoom ou sur un live Facebook). Et je dois reconnaître que je suis super concentré sur mes aperojam. Je prépare un remix chaque semaine ce qui me pousse à ressortir des sons que je n’avais jamais eu le temps de travailler correctement et de me motiver à le faire. Et puis j’aime bien vivre cette petite tension d’avant concert. Le fait de préparer son truc pendant deux jours et de retrouver cette petite excitation du live au moment de jouer.
Et comme si cela ne suffisait pas, tu joues également devant des enfants dans des écoles ? Peux-tu nous en dire plus ?
Dombrance : Tout a commencé avant le Covid lors d’une session goûter à l’Aéronef (Lille) avant mon concert. La salle propose de jouer devant des enfants avec leurs parents pour un petit set l’après-midi. J’avais trouvé l’expérience plutôt sympathique. Puis en février, c’est l’EMB Sannois qui me l’a proposé avec une classe et enfin le festival Nouvelles scènes à Niort. Je trouve que jouer devant des enfants est génial : les tous petits réagissent vraiment comme les adultes au son (ils râlent quand ça s’arrête et crient dès que ça monte).
Finalement, tu es devenu un véritable caméléon du Covid, capable de t’adapter à toutes les situations possibles et à rebondir en permanence en fonction des annonces gouvernementales
Dombrance : Je me suis mis dans l’état d’esprit de profiter de cette période chelou pour vivre d’autres choses. Et jouer devant des gens différents me plait de toute manière. Je me dis que j’ai pris la décision de ne pas changer de métier, de rester musicien et d’être actif en essayant plein de choses. Je me sens extrêmement privilégié par ma place dans le monde même si j’espère sincèrement que le gouvernement nous soutiendra au moment du redémarrage. Je reste positif en me disant que l’on commence à voir la sortie du tunnel, que les vaccins sont là. Mon principal espoir est de pouvoir rapidement retrouver la scène dans tous les cas.
Tu es d’ailleurs à l’affiche du festival anglais d’Alfresco fin août ?
Dombrance : C’est en effet un grand privilège de faire partie de la line-up de ce beau festival (tête d’affiche avec Daniel Avery ou Paranoid London quand même). J’espère que cela pourra se faire mais j’y crois ! Les anglais ont mis en place un véritable plan de réouverture avec des dates déjà annoncées pour les différents types de lieu accueillant du public. Je m’inquiète plus des difficultés administratives pour y aller en tant que français !
Un grand merci à Dombrance pour sa disponibilité et sa gentillesse. Propos recueillis le 25 mars 2021.