Des mots et des maux dans la seconde Gâpette !

17 min de lecture

La tempête annoncée est entre nos mains, l’objet en lui-même est beau, bien fini, un produit déjà plaisant à la vue. Le graphisme, les couleurs sombres et rougeoyantes ainsi que ces silhouettes joyeuses au milieu de la tempête et des vagues nous invitent à ouvrir cette pochette pour fondre dans l’univers de la Gâpette…  Attention, accrochez bien vos bretelles, remplissez un ballon de piquette et sur votre caboche vissez bien votre béret, car effectivement après la pluie vient la tempête ! Une belle tempête.

la gapette

Le premier titre de cette galette ne nous offre aucun round d’observation, et c’est sur des airs de banjo qu’il commence ! Une première escapade où l’on suit Rodo le chanteur, durant un peu moins de 5 minutes, dans ses pérégrinations existentielles parties de simplement 4 accords… Des paroles qui vont défiler au rythme d’une musique entraînante variant des moments très folko et des moments plus étranges. Les paroles d’un personnage qui se voile la face au départ, puis par la suite essayant de mettre au clair ses pensées, en passant par des états de stress, de questionnement, de désespoir. Et plus on avance et c’est en fait un amour éphémère qui lui torture l’esprit tout le long de la chanson… Mais sur des airs de guitare électrique et d’accordéon, c’est Un peu comme les chats dans ce cas de figure qu’on espère toujours avoir 7 vies ou qu’il vaut « Mieux vivre seul que pas accompagné ! »

La ballade se poursuit, et ce sur des airs de piano avec La lettre à Eloïse, une belle chanson toujours très dense dans le texte, qui traite de l’absence d’un père dans la vie de cette Eloïse. Un homme ignorant, redoutant, puis fuyant sa paternité qu’il compense par une soif insatiable de voyages… Une lettre d’un père mourant à son enfant qu’il n’a pourtant pas connu… Extrait :

« C’est l’histoire de ma vie / traquer les maladies / repartir aussi vite / mon instinct me le dicte / Mais je pense donc je fuis »

La Gâpette nous emmène ensuite à la rencontre d’un personnage souffrant de « skyzophrénuit » qui dépeint un mal-être de notre époque, l’angoisse et la fuite de la nuit, la fuite de la solitude, le fuite de soi même, la fuite dans un état second… Un morceau léger et cuivré, accompagné de violon pour l’occasion, qui vient ravir nos oreilles sur l’histoire de cet homme sombrant dans les méandres de la nuit.

« On dit que la nuit porte conseil / et que tout les chats sont gris / moi je n’l’étais pas la veille / cette nuit j’en ai croisé un / il m’a montré le chemin / celui qui tue la nuit / celui qui trompe l’ennui / et je le suis… »

Les histoires se suivent au coeur de cette tempête, et vient le tour de l’homme et le lapin, ou comment leur rencontre a totalement changé la vie de l’homme, l’a annihilé. En voulant éviter un lapin sur la route, ce qui est fort louable, ce monsieur en a perdu ses jambes, ses dents et sa virilité… Et le regard des autres lui pèse… Une personne qui a vu son destin basculer sur ce simple coup de volant, qui en demeure triste mais qui se console en chantant son histoire sur des airs d’accordéons entraînants. Heureusement que ce n’était pas un sanglier. Une ironie du destin liée au lapin qui en deviendrait presque rigolote !

Rigolote est un terme convenant parfaitement à La Sole Dorée. Légère et entraînante, cette histoire de poisson nous donne envie de chanter et de fredonner avec La Gâpette sur cette belle suite d’accord que laisse dans son sillage marin [La-Sol-Do-Ré] ! Pour jouer avec de beaux instruments ils sont affutés, tout comme pour jongler avec les mots !

Mais La Gâpette sur cet album ne joue pas uniquement avec les mots, mais également les maux de notre société. Sur des airs un peu plus champêtres, valsés, franchouillards, Le quotidien retrace le manque d’ouverture d’esprit où nous conduisent les habitudes, les médias uniformes, les ragots et rumeurs, la routine… Parfois pour s’occuper, pour ne plus s’ennuyer, on se sent obligé de parler, de supputer, de juger les uns et les autres car au final on a rien à se dire d’intéressant… Une très belle chanson qui met un petit coup de pied dans la fourmilière de nos habitudes dans nos rapports entre humains ! Ne serait il pas plus intéressant de s’intéresser aux autres ? De s’émerveiller de choses anodines ? De vivre et discuter avec les autres plutôt que de se laisser griser par les engrenages de ce monde ?

« Dans une sorte de haine, est ce la nature humaine ? / La mienne, ça me gêne, ça traîne ma peine / ça traîne mon dégout quand je rencontre en sortant / un monsieur je-sais-tout qui ne sait rien m’apprend / un nouveau faits divers issus de la boulangerie »

Et pof ! Un deuxième gentil coup de pied dans la fourmilière, mais celle de notre société, celle de notre fuite vers vers l’avant dans la toute croyance de la technologie et de la croissance… A qui la faute ? questionnent-ils. Pour peut-être engager une réflexion sur nos responsabilités individuelles sur les chemins que l’on prend et que l’on a déjà pris ! « à qui la faute? on n’sait pas où on va mais on avance tout droit » . Un questionnement sur nos vies accélérées où l’on ne prend plus le temps, sur notre de perte d’humanité, sur notre croyance en un progrès salvateur, sur la destruction massive de notre environnement… Des questions qui titillent notre esprit, mais en aucun cas moralisatrices ! Mais A qui la Faute du coup ? « ni toi, ni moi, mais nous tous à la fois ». 

« faut-il s’offusquer qu’au ministère de l’écologie on soit capable d’en voir un qui regarde la pluie quand tranquillement un autre chie dans l’eau potable »

La solution à tout ça ne viendrait elle pas à Choisir la route… ou bien le vide ? Quelle chanson ! Max Raguin du P’tit son vient prêter sa voix dans cette chanson alliant parfaitement l’accordéon, le banjo et les cuivres ! Un morceau qui s’écoute tout seul, au fil des paroles de cet homme qui a perdu le fil de son chemin dans le monde. Sa vie ne tient plus qu’à un fil, mais au final il retrouve sa route en allant au devant de sa peur de vivre !

« Mais qu’il est bon de résister / passé-présent face au future / une vie entière à conjuguer / tout nue tout seul sans impostures / et je fleuris quand c’est aride / choisis ta route jamais le vide »

Une interlude musicale de deux p’tites minutes pour reposer nos pensées après ces flots de mots, et d’airs différents, que la tempête de La Gapêtte nous distille sans relâche chanson après chanson. Si tu veux ma mémoire suit, comme pour nous inciter à réfléchir, à revenir sur les morceaux précédents, ou même à revenir sur nos propres souvenirs… Puisque Les deux mémoires enchaîne, et traite du terrible et dur syndrome d’alzheimer avec une émotion touchante… Sur des doux airs cuivrés on accroche au personnage et nous sensibilise grandement à ce terrible alzheimer qui s’inflitre chez de plus en plus de personnes dans notre temps moderne…

« La tête peut oublier ce dont le coeur se souvient / les deux mémoires ne sont pas liées… / ça en arrangerait certains! / Le nom de sa maladie, jamais elle ne s’en rappelle / Alzheimer quand à lui, se souvient bien d’elle »

C’est donc aux Bistrots des comptines que l’on va se réchauffer prendre un ballon de rouge, poser le béret, et se sécher en croyant que la tempête se termine… C’est notre coup de coeur. Une chanson absolument emballante, qui reprend les comptines qui ont marqué notre enfance ! « Une poule sur un mur… », « L’alouette gentille alouette… », « Pirouette cacahuète… », « Il court il court le furet… », « Une souris verte… ». Avec une habile scénarisation, et des références distillées au moment des rencontres avec ces comptines, on les redécouvre 30ans après ! Celles du monde adulte et actuel. Un passage bien difficile de l’enfance naïve avec des promesses pleines de couleurs, de spontanéité, de joie et de vie ! …à un monde adulte dur et sombre, où la sinistrose ambiante fait partie du quotidien, où l’incertitude du futur oppresse, où l’économie et l’industrie prime sur l’humain, où les injustices sont criantes… Ne mentirions-nous pas à nos enfants sur ce qu’est le monde dans le quel ils vont réellement vivre ? Un monde de marionnettes ? Mais pas celle du spectacle de la vie, mais du spectacle de notre société ! Une chanson terrible, entraînante, dressant un constat à travers des métaphores bien choisies ! On ne se lassera jamais assez du super clip réalisé par Stéphanie Marguerite (Le Café, Oldelaf) :

« Tout au fond j’entend des verres exploser / Le patron vient m’expliquer / que les marionettes ont été abusées / elles ont perdu la tête et boivent pour oublier »

Une nouvelle interlude nous permet ensuite de digérer tout cela, en nous emmenant en Restonie ! Un pays où les cuivres nous transportent par leur mélodie au rythme de l’inusable accordéon ! Pendant un peu moins de 4 minutes on se détend, on gamberge, on réfléchi à ces comptines… Avant que la suite n’intervienne. Polis P’tits Chiens, comme si en résonance de tout les maux décris auparavant, on trouverait les responsables de tout ça… Soit. Et si ce n’est pas le cas, cela fait tout de même un belle chanson en hommage à nos politiciens, aux technocrates qui administrent nos vies, aux beaux costards sortis tout droit de l’ENA… Une chanson qui fait du bien, qui tape sur cela à coup d’accordéon, de guitare, de saxophone et de mots !

« Mais les hommes ne sont pas des pourcentages / Ils mangent, ils boivent, ils dorment et ils travaillent / Ils n’ont qu’un bulletin de vote en otage / et le rue pour unique représailles »

En résumé le musicodrome a écouté un album qui lui a plut. Une belle pochette de qualité, une track-list plutôt longue (50 minutes environ)… et riche. Riche en accordéon, riche en banjo, riche riche en trompette et saxo, riche en histoires, riche en paroles et jeux de mots, riche en thèmes, riche en expressions, riche en ritournelles ! Une belle tempête donc qui promet de réunir sur son chemin un paquet d’âmes joyeuses et festives ! La Gapêtte à aussi réussi à écrire des titres à doubles lectures traitant de maux de notre époque, sans être pour autant moralisateur, c’est humain et ça ne mange pas de pain.

Certainement un spectacle à ne pas louper sur scène, car oui La Gâpette avec cet album est bel et bien une preuve que la musique se veut humaine et vivante ! Le musicodrome tire son béret à La Gâpette, et conseille de rejoindre sans hésitation les vagues de leur tempête. En pensant déjà à l’éclaircie, ou au cyclone prochain…

FICHE TECHNIQUE

Tracklist
1. Un peu comme les chats
2. La lettre à Eloïse
3. La fuite
4. L’homme et le lapin
5. La sole dorée
6. Le quotidien
7. A qui la faute ?
8. Choisir la route
9. Si tu veux ma mémoire
10. Les deux mémoires
11. Au bistrot des comptines
12. Restonie
13. Polis p’tit chiens

Album : 2ème
Durée : 53 min
Sortie : 27 novembre 2015
Genres : Chanson française / Rock / Muzouche’n’roll
Article rédigé par Jackonthemoon

Jack'

Jardins partout, musique tout le temps.
"Une société normalisée est à la fois répressive et rationnelle, mais la rationalité la rend plus normalisée et plus répressive. Dans cette perspective, rationalité, répression, normalisation, seraient indissociable" J.Dreyfus.

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