Et de deux ! Après un premier essai réussi avec leur album éponyme, le Collectif 13 revient en ce début d’année avec un nouvel opus sous les bras. Amoureux de la scène et agitateur d’idées, ce collectif-là aime faire d’un concert un moment de fête et de partage. Une fois encore, il arrive à nous le retranscrire sur une galette studio…
Au regard des membres qui constituent le Collectif 13 (Tryo, Massilia Sound System, La Rue Kétanou, Le Pied de la Pompe, Alee, Syrano, Le P’tit Son, Ordoeuvre), le curseur de notre agitotron est monté au maximum lorsque l’annonce de « Chant libre » venait succéder à « Collectif 13 » en ce 18 janvier 2019
Le suspense est de courte durée : d’emblée, après une première écoute attentive, les sens s’affolent : si « Chant libre » s’inscrit bien dans une continuité musicale de « Collectif 13 », les influences s’affinent, le ton change, les masques tombent… Ces poids lourds de la scène hexagonale alternative se sont décidément bien trouvés. Les écoutes suivantes ne seront que délice !
Forcément, et c’est aussi le dénominateur commun de ces gars-là, l’amitié est mise en exergue dans cet album. L’humain, si important dans nos sociétés modernes où l’esclavage continue d’exister mais sous d’autres formes, est ici au premier plan. Ce n’est pas un hasard si Collègues ouvre l’album, explosif et uni, ou si Mon frère, fort doux, le clôture.
Complices à souhait avec leur 20 ans, en moyenne, d’activisme musical, les membres du Collectif 13 vont d’ailleurs jouer de l’autodérision tout au long de ce voyage. Là où Collectif 13 la régale, c’est notamment sur ces morceaux où le sérieux laisse la place à l’humour et le décalage : oui, Tu vas t’y faire de retrouver ces têtes de « ravi » qui ont encore des choses à dire… surtout quand elles bougent sur des notes cuivres presque rockabilly. Et cela ne se fera pas tant qu’ils n’ont pas écumé les principales régions de France, banjo sous le bras, faux air trad’ poilant (Ce qui nous plait) qui ferait presque penser au Voyager intelligent de Oai Star.
Dans ce voyage des langues et des cultures, ils ont avalé des kilomètres ! Mise bout à bout, la carrière de l’équipe dépasse le centenaire. Alors n’allez pas les qualifier de « dinosaures » du genre car ils n’en ont plus Rien à foutre : avec ce brûlot reggae qui décoiffe, ils envoient un message fort à tous ceux qui croient que l’habit fait le moine. Ici, c’est la chaleur humaine qui prime, pas de quartier, c’est le mélange total ! Et quand il s’agit de causer coiffure, les cinq chanteurs crâne d’œuf s’empressent de répondre « on ne se coiffe pas / on ne se coiffe plus / on est collectif et tondus / nous on n’se coiffe pas avec un pétard, on l’fume ! » (Collectif et tondus).
Peut-être. Jeune dans la tête et les idées, assurément ! Collectif 13 ne manque pas non plus de garder la tête froide : après 20 ans de vie d’artiste, les choses changent mais la passion reste la même (Tout petit déjà) alors que le statut d’intermittent n’évolue guère, même quand l’accordéon joue au funambule (Invisible). Au milieu de ce monde cupide, où le matraquage des cerveaux est devenu une obsession pour ceux qui tirent les ficelles, la machine infernale semble bien dure à stopper. Baigné dans cette ambiance 3.0, le digital s’empare des ondes et Collectif 13 coupe le Réseau. A deux pas du chaos, la toile s’effrite et le monde bascule. A croire qu’un point de non retour est déjà atteint, la colère monte d’un cran et la folie s’empare des consommateurs consommant sans somation (Last black friday).
Si le profit, lui, n’a pas de frontière, le collectif hisse le drapeau noir et déboulonne ceux qui s’assoient sur les droits de l’homme. Ici, pas de quartier, un milliardaire moumouté est dans le viseur, ceux qui crachent sur l’égalité des peuples au Darfour ou à Calais aussi (Trumperie). Avec les percus de Danielito, la pilule est moins dure à avaler mais elle n’en laisse pas moins un goût amer. Plus loin dans le désert, ce n’est pas Dubaï, la dévoreuse de sable, qui embellira le tableau malgré un oud aussi diabolique que la ville.
Conscient des maux qui rongent notre quotidien, Collectif 13 fait un rappel à l’ordre, comme si nous ne devions pas oublier que l’homme s’inscrit dans un système bien plus large que celui qu’il vit au quotidien. « Chant libre », c’est un peu comme l’agroécologie : les choses doivent être vues comme un tout. Pour qu’un système marche en respectant le monde dans lequel on vit, il faut forcément prendre en compte d’autres composantes passant par des dimensions à la fois économiques, écologiques et sociales. « Chant libre », c’est une Place au soleil qui se laisse approcher à condition de s’autoriser à lâcher prise et de, parfois, fermer les yeux (Il arrive).