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Il y a tout juste 1 an, « Au cœur de l’atome » faisait office de petit événement sur la scène rock hexagonale puisqu’il permettait au groupe Demago de signer son retour. Alors, certes, seulement 5 titres venaient le fleurir et, aujourd’hui, 5 nouveaux sons viennent le compléter.
Le second album en mode long format de Demago aura donc vu le jour 12 ans après leur première (excellente) sortie. Maun et Bleach nous l’auront présenté en deux temps. Comme pour mieux nous le faire savourer finalement… « Au cœur de l’atome », en mars 2019, nous avait d’abord plongé dans un monde subitement envahi de noir, un noir puissant aux arômes acides, limite amers. Il faut dire que beaucoup n’arrivent pas à se défaire de cette amertume qui ne parvient pas à s’effacer avec le temps. A l’image d’un Paris ne répond plus, Demago porte encore les stigmates d’une année 2015 marquée par le sang. « La mort attend son heure », certes, mais l’esprit est déjà meurtri. Les machines viennent en renfort d’un rock puissant, Demago s’est digitalisé.
Plus loin, nos sens déraillent (Carré blanc) et l’ambiance quasi-mystique brouille les pistes. Face à l’Homme déshumanisé (La part du gâteau) et une planète aux abois, les nappes synthétiques plongent l’écoute dans un brouillard épais et collant. 5 dernières minutes haletantes, cinq dernières minutes en apnée. Rock et fusion. Une fusion d’excitation et de tristesse après quatre titres qui sont à deux doigts de nous provoquer une dépression. Finalement, c’est avec une belle touche d’optimisme que Demago clôturait ce premier round avec Demain n’est pas loin, véritable ode aux lendemains meilleurs.
Et cet espoir bleuté aperçu en fin d’EP va être une main tendue pour se lancer sans hésiter dans ce « BatTement ». Son ouverture, menée par l’initiateur Je savais que j’étais né pour ça, apporte ce souffle chaud et ce gazouillis printanier pour nous sortir de la torpeur. Il aspire à autre chose, à une seconde chance, piano en soutien, au milieu de nos envies et de nos contradictions… avant que le monde ne s’écroule et ne bascule dans le chaos. Puissant.
Cette incessante bascule des émotions tient sur un fil et Demago est Toujours en équilibre. La vie est courte, c’est indéniable, et une guitare tente de rallumer la lumière. Une lueur pour lâcher un final groovy qui déboule sans crier gare, bien aidé par une ligne de basse démoniaque. Si le changement n’a finalement pas été pour maintenant, On me dit ramène vite l’auditoire sur Terre (« nos rêves ne sont plus que poussière ») et l’union nationale sacrée de l’après Charlie a fini par exploser en plein vol. Demago a choisi de pousser, encore, le bouton de l’intensité.
Tandis que la société est en pleine crise existentielle et en recherche de repères, Demago nous pousse dans nos derniers retranchements avec Qui suis-je ?. Tel « un messager des terres silencieuses », l’avant dernière piste de l’opus finit par calmer le jeu mais elle a surtout pour vocation de nous questionner, en tant qu’individu avec une pensée propre, sur ce que nous souhaitons vraiment. Le cœur de l’atome ? Piloter ? Contrôler ? Prendre de la hauteur ? Le dernier voyage est un aller simple, sans retour, interstellaire et hors du temps, résolument post-rock.
« Je suis le silence dans tes veines »
Le message est passé. Promis.
Demago, « BatTement », disponible depuis le 5 février 2020 (10 pistes, 46 minutes).