S’il est des groupes originaux et indispensables, Barrio Populo en fait partie. Dans le même état d’esprit que les Têtes Raides et leur « Corps de mots« , les jeunes ligériens tracent une route parallèle où il font découvrir un tout nouveau spectacle, « Cris d’écrits ». Mettant en musique certains des plus grands poètes français, et redonnant des couleurs à des chansons et des chanteurs d’aujourd’hui et d’hier, ils apportent un souffle nouveau et salvateur.
Voilà prêt d’un an que le groupe présente ce spectacle avec parcimonie à travers la France. Après une semaine de résidence au Théâtre Albert Camus du Chambon Feugerolles, une représentation était prévue le vendredi 12 février au coeur de cette même salle. La date étant pleine en aussi peu de temps qu’il ne faut pour le dire, une deuxième date, le lendemain, a été ajoutée. Le Musicodrome y était, le public aussi, répondant à l’appel de la poésie pour une seconde soirée de suite à guichets fermés.
Quel groupe peut se targuer de remplir un théâtre deux soirs de suite pour faire écouter de la poésie enrobée de musique à un public? Qui plus est un public extraordinairement varié; des familles venues avec les mômes aux personnes âgées assises pour retrouver un art qu’elles croyaient perdu, en passant par les ribambelles de jeunes gens venus foutre un coup de pied au cul aux idées ambiantes qui veulent que les jeunes ne se cultivent plus, Barrio Populo a su rassembler autour de ce beau projet.
Bien loin de la simple interprétation, c’est un travail extraordinaire qui a été réalisé par les huit jeunes hommes ce samedi soir. La résidence au théâtre Albert Camus a plus que porté ses fruits, elle a permis une éclosion de couleurs et de mots.
En ouvrant le spectacle avec un hommage à Arthur Rimbaud le public était plongé d’emblée dans le monde tout propre et tout beau du Barrio Populo.
La configuration détonnait pour un spectacle du groupe, habitué à faire suinter les scènes et les foules s’amassant à ses bords. Ici les 400 personnes étaient assises. Entre des adaptations de Prévert et Paul Fort, c’est Brassens et sa chanson de Celui qui a mal tourné qui sera le premier « chanteur » adapté. Sur Les Bœufs les cuivres suintent, preuve s’il en était nécessaire que le groupe arrive à jongler entre textes forts et musicalité qui leur est propre.
Puis arrive le premier moment fort de la soirée, pour nous au moins, Ferré est apparu face à nous. Lorsque Victor entame La fleur de l’âge, puis 20 ans, le pari est déjà réussi, les spectateurs transportés.
Ferré et Brassens seront les fils conducteurs de cette soirée, leurs chansons parsèmeront ce spectacle « Cris d’écrits« .
Ils ne seront pas seuls. D’usage quand on est proche de Saint-Etienne, Lavilliers investira les oreilles le temps d’une Grande Marée. Souchon, Moustaki cotoyeront la fabuleuse interprétation de Mon p’tit loup de Pierre Peret. La palette d’auteurs repris par les huit Barrio Populo est immense, et bien loin des simples reprises, ce sont des ré-adaptations très personnelles des chansons qui sont distillées.
Ce qui étonne le plus c’est la diversité musicale. Capables de passer d’un Hard Rock bien énervé sur La Cène de Prévert au slam sur les adaptations d’Appolinaire ou Paul Eluard, le spectacle Cris d’Ecrits prend tout son nom sur C’est extra…
Parfois, Victor sort son carnet, comme pour se rassurer et se prouver que le groupe est de taille pour se frotter aux colosses de la poésie. C’est sans hésitation que la réponse est oui.
Assurant que « les mots font le monde », le spectacle se termine sur Le Mal de vivre de Barbara. Une dernière claque. Entamée timidement avec un piano-chant, les cuivres, les percussions et les instruments à cordes s’insèrent au compte goutte, dans une fausse improvisation travaillée. Une seule envie : tendre l’autre joue.
L’autre joue ramassera aussi sa part de violence, pour le rappel, avec le fameux Dormeur du Val, avec La tasse de café et une nouvelle liberté, celle de Paul Eluard pour terminer.
Travaillé au maximum, avec des musiciens sereins et un jeu scénique à faire pâlir les plus grands, qu’on se le dise : le spectacle du Barrio Populo vaut le détour. Des longs poèmes aux courts extraits de quelques secondes, toutes les unités de temps y trouvent leur compte. Il y a besoin de ses initiatives pour faire tourner un monde, bien loin d’être réactionnaire et replié sur lui même, ce spectacle hommage à la poésie française ouvre des portes et des rêves. Alors on se dit à bientôt, pour de nouvelles chansons, pour de nouveaux mots, de nouveaux monde.