Le 6 mai c’est tout un monde, c’est une date qui sonne comme un angélus inlassablement boudé par son église. Le nouvel album de Soan, « Retourné vivre » sort après-demain, et ses fans, eux, ne boudent pas leur plaisir. Pour ce quatrième album, Soan rêve son retour à la vie, au grand dam de ses détracteurs, offrant un magnifique bol d’air à la chanson française, au rock, à la poésie. Cet album est incontestablement à écouter !
Soan c’est une gueule, c’est des mots, c’est une émotion rare qu’il transmet à travers ses larmes de voix. De ce point de vue, l’artiste s’inscrit dans la lignée de Léo Ferré ou Mano Solo, avec cette capacité à capter l’attention, les oreilles et l’âme de son auditoire en quelques mots. Ce quatrième album ne dénote pas, et continue d’offrir son pesant d’émotion.
La force du timbre de Soan s’exprimerait-ils plus facilement quand il le partage le temps d’une chanson avec une autre voix, féminine celle-là ? L’auteur doit le croire, et à raison. Comme les duos réalisés avec Melissmell ou La Demoiselle Inconnue (désormais connue sous le nom de Camille Hardouin), son duo sur Colocation avec Djazia Satour offre une touche de douceur, et de sentimentalité mêlée à une passion enfantine mais mature qui fait du bien à l’album. Le duo de Coco laisse bouche bée, par la justesse du texte et de l’interprétation.
Bouche bée justement, c’est le titre de cette douzième chanson, cette putain de douzième chanson qui reste accroché aux caboches, on retrouve là le Soan qui nous réchauffe en nous laissant face à nous même, en dépeignant magnifiquement l’Humanité dans ce qu’elle a de moins beau, comme Mano Solo savait si bien le faire.
« Il était une fois Adam et Eve / mais tout est parti en couille / malgré les efforts de la rouille / sur le dos du glaive / puis une autre fois Che Guevara / mais la révolution crève / un peu plus chaque jour / comme moi ! »
Soan c’est aussi une idée de liberté. Par la musique et par ses engagements, les chemins qu’il prend. En retournant vivre, comme il se plait à nous le rappeler indirectement dans ses chansons, loin du fatras du monde, il s’est autorisé la liberté de changer. Et la liberté de changer s’assimile souvent à la liberté de faire grincer des dents. En s’offrant Adonaï, un morceau de rap, ou de nouveaux airs électronique sur Eyah Eyeh, Soan montre qu’il n’a pas peur de frotter au lointain. Si nous n’accrochons pas sur Adonaï, qui ne permet pas d’autant mettre en avant la voix du chanteur, on acquiesce les deux mains tendues ce coup de gueule généralisé et justifié, cette folie qui nous empêche de ranger Soan dans les classes pre-dessinées par ce monde.
Et la preuve se dessine tout au long de l’album, où les styles sont variés, sans hésiter à emprunter les chemins rompus de lourdes guitare rock sur Fakir.
Et puis comme toujours dans les albums du chanteur, qu’on range trop facilement dans la classe de « chanteur passé par la télé-réalité », il y a ces petites pépites, il y a ces morceaux qui font prendre conscience de l’étendu du talent du chanteur. Brassens en est témoin : sans travail, le talent n’est qu’une sale manie. L’attente de cet album ce justifie pleinement par l’orchestration au millimètre de l’album, où l’espace musical et émotionnel entier est envahi, où Soan a su s’entourer des musiciens dont il avait besoin pour sortir ces 16 titres.
Ces pépites, nous disions donc. Elles arrivent dès la troisième chanson, Pustule. Comme le nez au milieu de la figure, cette chanson frappe l’album d’une trace indélébile. A la manière dont Conquistador envahissait « Sens interdits« , Pustule couvre de sa puissance cet album. Le choix de s’offrir seulement accompagné d’un piano est payant, la baffe est complète, la tête s’en remet difficilement.
« Qu’est ce que j’ai fait de cet indien / qui voulait passer la colline / à s’en noircir des moleskines / d’aventures / emmène moi même en peinture / de paysages en lointains… »
Et puis on a Un verre sur deux, et puis on se retrouve avec Petit Cadeau, qui à eux seuls justifie qu’on aime Soan, sans rien enlever au reste de l’album, elles marquent, elles dessinent de beaux attributs à ce disques.
Soan c’est aussi de l’irrévérence, et qu’elle est belle l’irrévérence quand elle ne s’inscrit pas dans les différents codes de la société. Je suis Charlie est un moment hors du temps, bien loin des simplistes chansons qui ont marqué l’après 7 janvier 2015. Politique, censé, réfléchie, avec du recul, cette chanson a tous les atouts de la chanson qui pense.
L’artiste a changé de route. Il est retourné vivre. Il a quitté la lasciveté d’un microcosme qui ne dit pas son nom, et il en sort ces seize titres cohérents et différents ! En changeant de label, en passant par le financement participatif, Soan s’offre d’âpres relents de liberté. La liberté, la révolte et la poésie sont frères et sœurs. Cet album en est la preuve.
Pour le voir en Live, c’est facile : Le 13 mai à Narbonne, le 25 à la Cigale. Pour le reste : à suivre, avec attention !
Nb : des morceaux seront partagés dans l’article par la suite, lors de leurs sorties officielles.
FICHE TECHNIQUE
Tracklist
1. Coco
2. A côté
3. Pustule
4. Colocation
5. La chute
6. Fakir
7. Un verre sur deux
8. A la fin
9. Adonaï
10. Petit cadeau
11. Anaïs
12. Bouche bée
13. Quand je serais
14. Eyah Eyeh
15. Seven glories
16. Je suis Charlie
Durée : 52 min
Sortie : 6 mai 2016
Label : Note A Bene
[…] vivre” (chroniqué ici) arrive vite à point nommé. Colocation, bien entendu, apparaît comme un des incontournables, […]
Bonjour et merci à vous, mes préférées bien sur sont PUSTULE et COLOCATION!!!