Slumb « Plague » (2025)

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Il s’est écoulé quatre longues années avant de voir débarquer le successeur de « Play dead ». Slumb a pris son temps : cela leur a permis de continuer d’affiner leur univers, toujours plus hybride, toujours aussi saisissant.

Le duo Julien Marchal et Senbeï s’est reformé. « Play dead » a explosé dans un amas de poussières. C’est du moins ce que Adagio, en ouverture, nous fait comprendre dans ses premiers instants. Porté par des instruments à cordes, on est même un peu surpris dans cette entrée en matière percutante qui nous amène vers d’autres contrées sonores. Les machines arrivent et s’installent, Slumb est en place, et avec une voix pour nous guider. Ça y’est, « Plague » est lancé.

Sa découverte va se faire telle que les artistes l’ont construit. D’abord, c’est vers Lagoon que le périple se dessine : on retrouve bien-là les virées colorées de Senbeï, la toile de fond hip hop, les samples bien placés du cinéphile et les virages électroniques assumés. C’est chaud, cela fonctionne, mais on attend davantage la griffe de Julien Marchal sur ce morceau de plus de 5 minutes.

Il suffisait de demander. En écoutant la violence d’Overload, en compagnie d’un Miscellaneous particulièrement actif en ce moment, cela nous ferait presque nous méprendre.

En réalité, il ne faut pas se laisser berner par les apparences : à l’image de ce Overloard justement, Slumb peut se montrer tout doux, avancer à pas feutrés dans la pénombre, pour finalement lâcher les reines au MC qui fait apparaître une supernova. La compo en a toutes les caractéristiques : une explosion subite qui dégage assez d’énergie pour éclipser tout autre chose dans sa galaxie… et finit par s’effacer lentement. Une démonstration de toute l’ingéniosité et de toute l’alchimie de Slumb, où l’ombre est lumière (pour reprendre un célèbre album d’IAM).

Dans cette planète où les musiques électroniques côtoient le piano de Julien Marchal, l’enchaînement avec Saturn ghost est tout à fait pertinent : l’ambiance vaporeuse laissée par les « dégâts » de la track précédente, une poussière d’étoiles se met à scintiller, prête à nous éblouir une nouvelle fois. En alternant les changements de rythme, un nappage électro enveloppe l’auditoire. Des mètres sont grappillés, on gagne en altitude, le piano nous y accompagne, les beats aussi, la mise sur orbite se profile.

En lévitation, The letter arrive à point nommé : ambiance trip hop, Julien Marchal reprend le contrôle de la machine et une plume qui danse se met à scratcher… La feuille chiffonnée ne changera rien, on ne voudrait jamais sortir de cette boucle temporelle qui a fait arrêter le temps.

Pourtant la chute s’amorce : pas celle annonçant en emballement musical, pas encore, plutôt celle qui nous propulse dans le monde déformé par les humains. Cette redescente est bouleversante : Aurus, au chant, satellise nos esprits endormis avec un Bricks in a wall de très haut vol. Sur des penchants clairement pop, on arrive à avoir les poils qui s’hérissent, un peu comme sur des compos du premier album (excellent) de Woodkid. Une sorte de frisson puissant qui nous amène à cette question posée : « why don’t you stop and disobey now ? ».

Mis en face ses responsabilités et le grand désordre actuel, Left over voit revenir Miscellaneous au micro pour chercher à réveiller les consciences. En regagnant la terre ferme, cela s’agite, forcément, le point de contact secoue et les machines reprennent leur droit. Et ce sera pour un dernier tour de piste car Where the lions weep offre un salut salutaire, tout en symphonie, dans un écrin de soie, qui n’est peut-être pas si bien caché…

La froideur de la pierre de l’album précédent a donc laissé place à quelque chose de plus tendre, peut-être même quelque chose de plus brut. Sur ces un peu plus de 30 minutes, Slumb a réussi à nous surprendre à nouveau : l’alchimie des genres et la symbiose entre ces deux artistes ne sont plus à démontrer. « Plague » se découvre dans l’ordre, les yeux fermés, pour mieux l’explorer et se l’approprier.

Slumb, « Plague » (8 titres, 33 minutes) disponible depuis le 4 avril 2025 chez Banzaï Lab.

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