« Pourquoi tu t’barres en courant ? T’es pas au courant ? Le temps passe trop vite évidemment. » Ces mots de Kacem Wapalek résonnent encore. Maître des mots, Kacem s’immisce sur scène devant un public déjà acquis à sa cause. Son chapeau vissé au crâne, le rappeur autodidacte lyonnais assure.
Slameur, beatmaker, rappeur, Kacem Wapalek touche à tout. Mais ce soir c’est bien ses qualités d’élocution et sa plume qu’il nous présente. Le parcours de ce personnage n’est pas sans rappeler la conférence de Maxime Delcourt sur le rap français et ses collectifs. L’homme au chapeau s’est révélé sur le tard mais a été une figure marquante du collectif lyonnais l’Animalerie, partisans d’une scène hip-hop identitaire et locale. On découvrait déjà ses talents de freestyleur au côté de Lucio Bukowski sur le canapé chez Oster Lapwass. On les a retrouvé ce soir avec un flow hyper-technique et sa maîtrise des jeux de mots dont il a fait sa spécialité. Kacem Wapalek jongle sans cesse entre sens dissimulés et subtiles sonorités. Il nous transporte le temps d’une scène sur le chemin de la poésie et de l’énergie partagée. Et aussi vrai qu’1 et 12 font 13, tu verrais qu’le droit chemin c’est très étroit (“treize et trois”)
Un remerciement au public, un jeu de mot léché et la promesse d’un retour dans la soirée plus tard, il disparaît derrière les rideaux noirs. Comme première partie la Barakason ne pouvait rêver mieux. Le temps de reprendre nos esprits, Rodrigo Ogi arrive sur scène et pose un flow qui n’est pas sans rappeler le hip-hop des années 90. Sur des fonds de samba et de brega, Ogi déploie ses textes dans son brésilien d’origine dans un style parfois nonchalant. En effet dans le cadre du festival Metropolis, la Soufflerie a cette année mis à l’honneur le Brésil, et Ogi est la tête d’affiche de cette soirée de clôture. Le public bouillonnant laisse place à un public qui veut se faire séduire, plus critique, moins compréhensif peut être. Après avoir goûté aux textes subtils du poète rhodanien, la barrière de la langue semble un obstacle à passer, autant pour Ogi que pour nous. Au fil du concert, le public devient réceptif et voyage le temps d’un instant à Sao Paulo.
Finalement, Kacem revient sur scène pour partager le micro avec Ogi et présenter le fruit d’un petit moment passé ensemble, la veille au soir. Le morceau fait tomber le dernier rideau entre le public et Ogi, Kacem Wapalek en est l’interprète, dans son sens de traducteur. Une certaine harmonie apparaît, il n’y pas plus de frontière, de barrière de langue, seulement de la musique. Universelle. Touchante. Ogi salue la foule qui l’applaudit et laisse Kacem seul, libre de partager ses derniers instants avec le public, dans l’exercice qui l’affectionne le plus, le freestyle. Sur des débuts désordonnés, ses paroles se construisent et les rimes plurisyllabiques se multiplient. Première et dernière partie, Kacem a, dans ce désordre, exaucé nos désirs.
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