Abstraction : opération par laquelle l’esprit sépare certains caractères des choses. Fête féerique au rythme frénétique.
Du latin abstractus, du verbe abstraho « tirer, traîner loin de, séparer de ». Au 16ème siècle, désignait le fait de s’isoler de la société. « Mais dans toute abstraction, il reste un peu de réalité, comme dans le vide artificiel, il reste toujours un peu d’air ». Pour sa troisième du genre, Mediatone et Vibes avaient fait une belle opération : le Transbordeur avaient ouvert les portes de l’esprit des amoureux de dub, de trance, des deux ou d’aucune. « Dub to Trance », une évolution en rythme et en couleurs, une odyssée dans la fête, un hymne à l’imaginaire. Dans la grande salle, Woobedub et Kanka traçaient les contours de l’abstraction avec leurs dubs roots. Boum ! Les oreilles immisçaient l’isolement pour conjurer les dissonances sociétales. Nous « traîner loin de » la réalité, nous « séparer de » la société, nous isoler pour mieux communier, les dub makers savaient le faire. Dans la petite salle, Brainless et King Hi-Fi faisaient skanker la foule. Car foule il y avait, et difficile d’en faire abstraction : le Transbordeur était très rempli et il fallait chiner les recoins pour exprimer les mouvances de son corps. Mais cette foule, comme souvent dans ces soirées, savait s’unifier pour absterger. Un ensemble de jeunes et moins jeunes épris d’humanité s’accordant pour absorber les basses envoyées par les artistes, nichés dans leurs délicieux temples aux allures cambodgiennes. La vue devait être belle de ces deux belvédères. Derrière, on se laissait happer par ce visage qui scrutait la salle. Le Golem, parfois sympathique, souvent mystique, clignotait de ses yeux hypnotisants. Et que dire des têtes de dragons, crachant le feu de la fête et s’illuminant de leur fureur. L’Octopus avait étendu ses tentacules artistiques avec une décoration vouée à l’Abstraction.
D’un coup de basse et d’un seul, le rythme s’est accéléré. Groove Inspektorz en B2B avec Jiser envoyaient les premiers sons de trance. La transition était actée et l’atmosphère continuait de s’enivrer. Le dub continuait de frapper dans le Club (Bush Chemists/Conscious sounds et Vibronics) et les deux styles se répondaient. Le sas entre les deux salles faisait lieu d’halte entre deux mondes où il faisait bon vivre. Psysex puis Lapsykay tambourinaient la grande salle de leur psytrance mélodique et tout le peuple d’Abstraction se sentait féérique. Boum ! 5h. Silence, lumière : les individus étaient priés de déserter. Le rêve de l’Abstraction, la puissance du son, la folie de la scénographie étaient finis. Il fallait désormais se rattacher à la société. En attendant la prochaine, on se rappellera au bon souvenir de cette fête, exutoire des esprits trop souvent oppressés. Car dans toute réalité, il reste aussi un peu d’abstraction, comme dans le vide artificiel, il reste toujours un peu d’air.