Petite pause sur deux groupes que Le Musicodrome suit depuis quasiment leurs débuts : Caravan Palace et Deluxe. Les points communs de ces artistes ? Leurs penchants plus ou moins assumés pour l’electro-swing lors de leurs premiers pas musicaux, leur énergie live et un succès rencontré auprès du grand public. Pourtant, aujourd’hui, tout les diffère. Et leur nouvel album respectif en est la preuve.
Caravan Palace « Chronologic » (30 août 2019) -ELECTRO/JAZZ-
Un premier album éponyme incontournable bourré de hits. Une machine à la fois douce, lyrique et survitaminée qui peut s’emballer à tout moment… ou tout simplement déclencher des ballades dans du velours. En alliant les instruments classiques du jazz, une voix et de l’électronique pour rythmer le tout, Caravan Palace avait décroché le jackpot d’emblée. Mais « cartonner » un premier album ne facilite pas forcément les choses, surtout quand on s’inscrit dans le registre de l’electro/swing, difficile à renouveler. En 2012, lorsque sort « Panic », Caravan Palace commence à digitaliser davantage ses morceaux avec plus d’electro mais toujours avec son bon vieux phonographe qui crépite. En 2015, Caravan Palace tente alors le pari de l’electro plein tube avec album smiley (« <|°_°|> »), limite house, s’ouvrant désormais les portes des clubs. Rude changement, dure transition ! Forcément, l’annonce de la sortie de « Chronologic » est accueillie avec prudence. La première écoute aussi, d’ailleurs. 11 titres, 35 minutes, le disque déroule. D’emblée, avec Miracle, les influences de l’opus résonnent et About you, avec Charles X, sont des caps difficiles à passer… C’est plus mainstream, c’est moins mélo, ça manque d’instrus qui restent en tête. Il faut attendre Moonshine, bien que très radiophonique, pour apaiser nos maux et explorer d’autres terrains sonores pour Caravan Palace même si le track a un air de déjà entendu. Malheureusement, le plaisir sera de courte durée avec Melancolia, aseptisé pour être diffusé dans les mass media, avant de retrouver le très house Plume. Passé la moitié de l’album, on se demande si les autres morceaux seront du même tonneau : deux interludes en mode instru (Fargo et Ghosts) démontrent que Caravan Palace n’a pas oublié ses racines. Waterguns, avec Tom Bailley, n’arrive pourtant pas à renverser la vapeur et il faut attendre le dernier tiers de l’album pour être secoué : il y a d’abord Leena, digital certes, mais saccadé pour mieux faire ressortir les cuivres et l’esprit jazzy qui sommeille en eux. Ensuite, il y a la bombe Supersonics groovy Supersonics qui sonnerait presque electro oldschool et, pour conclure, le félin April, seul morceau véritablement lyrique de l’opus. L’écoute s’achève et après les ressentis de « <|°_°|> », ce « Chronologic » ne parvient pas à chasser les doutes. Pour les amateurs de leurs débuts, il y a les deux premiers albums ; pour ceux préférant le côté plus digital et clubbing, les deux derniers albums devraient leur convenir.
Deluxe « Boys & girl » (7 juin 2019) -GROOVE/FUNK/HIP HOP-
Troisième création en mode long format pour les aixois de Deluxe qui viennent de monter leur propre label, Nanana Productions. Si les cuivres jazzy ont toujours occupé une place de choix dans le riche univers de Deluxe, ces derniers peuvent côtoyer des influences différentes au fil des créations du groupe. Après un album « signature » avec « The Deluxe family show » en 2013 aux accents groovy et hip hop, toute la joyeuse troupe avait proposé un second opus étonnant, pour ne pas dire lumineux, avec l’audacieux « Stachelight » (2016). Du groove et de la funk, couplées à des collaborations prestigieuses comme aux côtés de -M- et d’IAM, Deluxe a raflé la mise ! Affichant alors plusieurs tournées sold out, c’est à se demander si les poulains des Chinese Man n’étaient pas en train de dépasser leur maître en terme de notoriété ! Avec un public fidèle collé à ses basques, Deluxe s’est ancré une solide réputation de scène en toutes circonstances et ce n’est pas sa récente tournée acoustique qui prouvera le contraire. En à peine 10 ans de carrière, Deluxe est « à point » : la sortie de « Boys & girl » un peu avant l’été ne peut qu’aller dans ce sens : avec 12 nouveaux titres sous les bras, Deluxe vient de démontrer, une fois encore, qu’il sait y faire. Ici, l’intensité baisse encore d’un cran par rapport à « Stachelight » et des sonorités piochées dans un registre plutôt pop s’invitent à la fête. Souhaitant conserver ses penchants funk et groovy, Deluxe est parvenu à enrichir le tableau de nouvelles couleurs sans toutefois rompre l’équilibre des sons. L’écoute, qui peut être faite en trois temps, laisse la part belle aux approches qu’a voulu retranscrire le groupe : d’abord, il y a les ballades comme la très belle Love, entre acoustique et trip hop, ou l’entêtant Egoraphobia. Ensuite, il y a les créa’ aux sonorités nouvelles, celles davantage travaillées sur ce « Boys & girl », avec le groove pleine balle comme sur Back in time, en ouverture, ou le vitaminé track éponyme. Impossible de passer à côté des envolées hip hop du puissant I got avec le flow dévastateur de Lili Boy ainsi que le très digital Forward, étonnant. Enfin, la boucle est bouclée avec la part belle laissée aux featurings, en seconde moitié d’album, avec les très feutrés No stress (avec Oxmo Puccino) et Leo Messy (avec Stogie T). Ce « Boys & girl » valdingué dans tous les sens, le constat s’avère être implacable : la moustache est encore à la mode en 2019 !