Cyril Mokaiesh est de retour, avec un nouvel album, sombre et dur, mais très juste, comme toujours. Ce disque se dessine à travers ces flots de mots qui nous cognent et nous font réfléchir, avec ces chansons qu’on écoute, qu’on remet, qu’on remet encore, et encore, pour en saisir toute la susbtantique moelle. « Clôture » sonne comme le tocsin annonçant l’urgence de changer. De monde. De société. De vision. En commençant par dire non.
Tout d’abord, à l’heure où la musique se dématérialise, pour ne pas dire se déshumanise, Cyril Mokaiesh apparaît (comme beaucoup d’autres que nous suivons) comme un résistant de l’objet disque. Quelle belle surprise au moment de découvrir ce CD, que cette belle pochette ainsi que ces nombreuses cartes postales,aux slogans incisifs et tristement réalistes, tirés des chansons de l’album. Comme un acte de résistance.
« Les gens font ce qu’on leur dit, c’est terrible
Combien de fois faut-il mourir pour être audible ? »
Nous avons découvert Cyril Mokaiesh avec « Du rouge et des passions », où il s’inventait Communiste et se prenait à dresser un constat plein d’amertumes et d’envie de Mon époque. Qu’on se le dise, c’est toujours son époque, notre époque, qu’il décortique par ses mots, avec sa voix et surtout ses émotions. Rare sont les artistes qui dégagent autant d’émotions dans la déclamation, dans le chant, dans le cri, dans les larmes. C’est du sang issu de la veine de Léo Ferré qui coule dans les veines de Cyril Mokaiesh, indéniablement.
Qui de mieux que Bernard Lavilliers pour chanter en duo : La Loi du marché, sanglante de vérité, tristement encrée dans le présent, dans notre présent messieurs dames.
« On vous laisse nos hivers
Et notre dignité
De quoi vous distraire
Pour quelques années »
Bien sur, Cyril Mokaiesh ne peut s’empêcher de parler d’amour, comme solution d’urgence aux maux qui l’entourent. Et ses histoires sont aussi celles du temps latent, du temps que l’on regarde passer durant ces petits moments de vie qui forment une somme, qui dessinent un humain en somme. 62 Rue Buffault, Ostende, l’écriture est d’un autre temps, il faut s’accrocher pour ne pas se faire débarquer du bateau qu’est cet album « Clôture« . Musicalement on sent une progression, sans doute plus intimiste, comme si la force des mots ne résultait pas uniquement dans la manière qu’on a de les pleurer, mais également dans la force qu’on met à les enrober.
Musicalement on passe par toutes les émotions à travers cet album. Le fantasque Giovani Mirabassi accompagne à nouveau, comme sur l’album « Les Naufragés« , de son piano le chanteur sur la sublime Une vie. Peut être la chanson la plus prenante de l’album, qui ne s’écoute pas sans forcer les yeux à se plisser. La douceur d’Elodie Frégé accompagne Houleux, dans une écriture « à l’ancienne », avec le mot en exergue, le verbe en avant, la douceur de partout. A l’inverse la violence, nécessaire et utile, accompagne l’atmosphère pesante de Seul, pour un interlude assez déstabilisant mais salvateur dans l’album. Encore un coup de gueule, contre ce monde de mercenaires barbares, nécessaire ! Une entorse à la solitude de nos mondes.
« Une vie, à compter les nuages
Une vie, sans terre et sans bagages
Sans cris Ni bavardage
Qu’on ne soulage, qu’on ne soulage…
Une vie, fidèle à son poème
Une pluie, d’or et de chrysanthème
Une vie, sans Dieu ni traitre
A la fenêtre, à la fenêtre
Ce n’est, qu’un cours voyage… »
Et comment parler de cet album sans évoquer cette baffe, cette clôture, cette détonation, cet hymne qui ne peut pas en être un, ce texte qu’il faut agripper pour ne pas lâcher. Tenir à tout prix. Ces cinq minutes hors du temps nous laisseront une note poivrée de l’album. Il ne pouvait pas en être autrement de ce titre. Clôture. D’un album. D’un monde. D’une histoire. D’une aventure définitivement raté, avec malgré tout l’envie de croire qu’une rotation peut changer, qu’une fin n’est pas écrite au présent. Les guitares électriques s’immisçant au fur et à mesure, pour une intensité maximale, ponctuée de haut et de bas, mettent à merveille les mots de Mokaiesh en avant.
« Si vous croyez que ces actes sont vains, détrompez vous ! Vous êtes en train d’inventer une puissance nouvelle, celle qui pense et qui commence par dire non à tout ! »
Pour dire vrai, à la première écoute, l’impression était que cet album était dans la lignée des précédents, sans grande surprise. Au fil de la découverte, de sa redécouverte, le caractère éminemment novateur et complètement anti-conformiste de l’album nous est apparu comme évident. « Clôture » est un disque comme on n’en fait plus, taillé avec des larmes, écrit avec du cœur et de la hargne, arrangé musicalement avec beaucoup de sève, de celle qui font pousser les rêves.
Cet album est destiné à tous ceux qui n’ont pas peur de se laisser entraîner dans des remous houleux et qui grondent, qui observent le monde et usent des mots pour le lui faire savoir, et tenter d’inverser la courbe. Pas celle du chômage, celle de l’humain.
FICHE TECHNIQUE
Tracklist
1. La loi du marché (avec Bernard Lavilliers)
2. Je fais comme si
3. Novembre à Paris
4. Houleux (avec Elodie Frégé)
5. Ici en France
6. Blanc cassé
7. Une vie (avec Giovanni Mirabassi)
8. Seul
9. Ostende
10. 32 Rue Buffault
11. Clôture
Durée : 41 min
Sortie : 20 janvier 2017
Discographie : 4 ème
Genres : chanson française / rock / slam
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