S’en est terminé de cette édition ô combien réussie de Barjac m’en chante, ce qui va permettre aux organisateurs de souffler après plus d’une semaine d’organisation, et aux festivaliers de rentrer emplis de confirmations et les poches pleines de nouvelles découvertes. Mais il n’était pas dit que le dernier soir serait gâché par la pluie, encore présente à Barjac. Eskelina et Debout sur le Zinc joueront, coûte que coûte, sous le chapiteau.
Le spectacle délocalisé, les spectateurs se tassent sous le chapiteau, qui assis, qui debout devant la scène, pour une configuration qui change totalement des cinq premières soirées, à cause des craintes (justifiées) d’orage. C’est devant cette foule prise un peu au dépourvu qu’Eskelina se présente. Eskelina c’est la fraîcheur dans ce monde de brutes, la beauté quand tout est laid, des chansons quand le reste n’est que silence.
Eskelina pour un périple entre Suède et Chanson
A trois, avec une contrebasse et une guitare pour l’entourer comme il se doit, Eskelina jongle entre les différents styles, de la valse à la chanson, elle enchaîne les petites histoires, en français, s’il vous plait, ce qui, venant d’une suédoise, n’est pas pour déplaire au public de Barjac toujours prompt à damner son âme pour quelques bons vers, la rime aguicheuse, le poème à vous écorcher le cœur.
Et Eskelina sait se parer des bonnes personnes pour lui écrire ses chansons, qu’elle interprète avec brio, pour un très bon concert, rôdé et spontané. Batlik lui a écrit cette histoire délirante de cette femme qui assassine son mari, sans remords ni vague à l’âme. Le reste des chansons est principalement écrit par Florent Vintrigner (La Rue Ketanou), qui a su adapter son style à la chanteuse, qui met en valeur ses petits mots, ses petites chansons qui prennent une autre allure dans sa bouche.
Une chanson en suédois aura même l’honneur d’être reprise en cœur par le public de Barjac, pas triste d’apprendre quelques nouveaux mots d’une langue étrangère, mots qui seront rapidement oubliés du reste, sans que la chanson n’en perde de son charme. Entre les lignes et surtout Désordre, on sent la touche de Vintrigner dans les textes, et cette approche très engagée de la chanson, qui se doit de comporter les mots des autres, en plus des siens.
Et quel charme. Quand Eskelina chante Amoureuse, ou Les hommes à poil, comment ne pas rêver être celui là, perdu dans les confins de sa voix. En partant sur Je reviens, Eskelina nous lance un dernier clin d’œil, un dernier clin d’œil à cette langue qu’elle a appris à aimer et à apprivoiser pour maintenant jouer avec comme elle joue des cœurs des spectateurs.
Ce concert nous laissait quelques appréhensions, nous ressortirons conquis par la chanteuse, après une heure d’un concert entraînant, bien construit et de belle qualité.
La surprise Debout sur le Zinc
Ainsi Barjac m’en chante touchait à sa fin sur un dernier concert, avec un public légèrement remodelé pour la venue de Debout Sur le Zinc.
Mais le public fidèle de Barjac m’en chante était bien au rendez vous, investissant tôt le chapiteau pour s’assurer les places assises du fond de la classe. Et dès la première chanson, l’ambiance est posée : un fange du public d’intégristes de la chanson française s’en est pris vigoureusement au groupe et aux techniciens, jugeant après une chanson écoutée assis tout au fond de la salle qu’on « entendait rien aux paroles ».
Et l’attitude de cette (petite) partie du public sera honteuse du début à la fin du concert, allant même jusqu’à ne pas applaudir les artistes et techniciens lors de la présentation finale. Comme quoi l’intégrisme ne demeure pas la propriété exclusive de la religion, et que si ces amoureux de la chanson ne reçoivent pas leurs mots et leurs chansons servies sur un plateau d’argent, si le nombre de décibels dépasse celui inscrit comme étant la limite dans leur sacro-saint coran de la chanson française, alors le groupe ne mérite ni applaudissement ni même une écoute attentive.
Après ce coup de gueule, passons au contenu, car ce concert valait le coup, pour l’énergie, pour les messages, pour l’envie du groupe qui donnera tout du début à la fin du concert.
Venus pour clôturer Barjac m’en chante, les sept compères ont investi la scène en se pliant au difficultés du changement de lieu express, et déboulent sur scène avec une grande spontanéité.
Avance sans moi, La Relève, dès le début du concert, et sans interlude, le groupe enchaîne « vieilles » chansons et chansons issues de leur dernier album : « Eldorado(s)« . Puis vient l’heure de Lampedusa, au cœur et à l’âme pleins de vagues, et comme sur chaque chanson accompagné d’une ribambelle d’instruments donnant de la couleur à ce thème pourtant grave.
Les deux chanteurs alternent les instruments, à la manière des Ogres de Barback, trompette, violon, clarinette, guitare… ces touches-à-tout n’en perdent pourtant pas leurs voix, et se prêtent la réplique chanson après chanson. L’accordéon et la contrebasse, saupoudré avec malice enrichissent le tout, quand la guitare et la mandoline se mettent en avant tour à tour. On sent tout au long du concert un groupe soudé, débordant d’énergie et surtout heureux d’être là, devant un public debout et toujours prêt à danser.
Bien entendu les chansons que tout le monde attend sont de la partie, Si l’idée vous enchante, Les larmes sur ma manche, Les Moutons… La plus-value de la scène est impressionnante, chaque chanson est revisitée de magnifique manière. Il est rare de constater une telle différence et d’être aussi agréablement surpris par l’interprétation des chansons sur scène.
Les adeptes sont là, et entonnent les paroles avec les chanteurs et les musiciens, qui s’en donnent à cœur joie de faire chanter ce public, de le faire participer à la fête que constitue la clôture de ce festival.
En descendant dans le public pour le faire chanter avec lui, Simon Mimoun va même oser se frotter au public « du fond de la salle », dont une partie semble s’être déliée et pousse la chansonnette le temps de quelques mots.
Le meilleur était pour la fin, l’énergie et la chaleur sous le chapiteau allaient atteindre leur paroxysme sur Le train, quelle claque que de redécouvrir cette pépite de leur dernier album. Décidément Debout sur le Zinc sait comment pondre les bonnes chansons, et comment nous accrocher dans leurs ramages.
Puis c’est l’heure du retour, comme d’usage le retour ne comportera qu’une chanson. Mais quelle chanson. Le groupe remonte sur scène pour nous faire sa Déclaration ! Pendant presque dix minutes, la chanson semblait incapable de s’arrêter, incapable de stopper ce concert qui aura délié bien des sourires et donné du cœur à bien des oreilles.
Et quelle sortie : en réponse à la question « quelle dernière chanson voulez vous », le public s’est empressé d’hurler Les Mots d’amour. Et tout le public y a cru quand l’accordéoniste est venu pour présenter la fameuse chanson, avant de chanter deux fois la phrase qui lui sert de titre, pour tout au revoir. Non, Debout sur le Zinc ne chantera pas Les Mots d’Amour. Pour une prochaine fois.
La fraîcheur du groupe et l’accessibilité des musiciens, prêts à tailler le bout de gras dès la sortie de scène nous aura époustouflé et fait terminer ce festival en beauté.
Bravo aux organisateurs pour cette semaine qui redonne de l’espoir en la langue française, et qui laisse entrevoir la longue liste de la relève en ce qui concerne la chanson francophone, qui n’est pas morte, et loin de là ! Bravo également à l’équipe technique, qui a put sauver cette dernière soirée avec maestria !
Barjac, qu’on se le dise : à l’année prochaine.