A Barjac depuis quelques années, et comme nous le disions lors des précédents jours, la programmation s’ouvre, s’élargit, s’embellit ! Preuve que la chanson est vivante et multiple. Un mélange de styles et de générations savoureux s’opère petit à petit, pour l’instant sur scène, demain dans le public. La journée d’hier en était la preuve la plus fracassante, avec deux mondes bien distincts, l’un sous le chapiteau, l’autre sous les étoiles du château !
Marion Cousineau, électrique et frais au possible !
Sous le chapiteau c’est Marion Cousineau qui ouvrait. La désormais franco-québécoise était de retour à Barjac, après avoir participé aux scènes ouvertes l’année dernière, cette fois sous les projecteurs pour un set entier, assumé, sans ailes. Si le parcours de la chanteuse commence à décoller, il n’est pas étonnant de la retrouver ici aujourd’hui, reste à assumer ce statut d’étoile montante de la chanson devant le public terrible du chapiteau.
Et dès le début le côté surprenant, original et frais de la chanteuse nous envoûte, et tout le public avec nous ! Armée parfois de son piano, c’est quand elle se retrouve seule avec sa basse qu’elle prend une autre dimension, qu’elle apporte une touche musicale rare dans la chanson, pour ne pas dire inédite. Sa poésie à elle est armée pour traverser les océans, pas étonnant qu’elle ait décidé de les franchir régulièrement, les textes sont beaux, incisifs, réfléchis, avec une maturité assez impressionnante.
Même lorsqu’elle rend des hommages, elle qui « n’a pas d’ailes » le fait avec brio. Saint-Max de Leprest est un petit bonbon, toujours aussi sucré lorsque c’est Marion Cousineau qui le reprend, de même lorsqu’elle se frotte à Drouot de Barbara ou Cap au Nord d’Anne Sylvestre. La chanteuse est de cette veine.
Lorsque la jeune chanteuse termine son concert derrière son piano, le public se lève. Il se relèvera encore une fois, après un rappel des plus touchants, a cappella, avec la bien nommée Je pars. Le public de Barjac est dans la poche. Entièrement. Et c’est mérité.
Govrache impressionne et convainc.
Voilà plus de 4 ans que nous avons découvert David Govrache, grâce à son Homme trottoir, sur Le Musicodrome. 4 ans que l’on se dit, petit à petit, qu’il ne manque pas grand chose au jeune chanteur pour passer un cap, pour monter à l’étage dessus. Peut être que ce cap a été passé hier. L’avenir le dira !
Govrache, cheveux en arrières et sourire en avant, s’est pointé sur scène, sans artifices ni instruments, devant un chapiteau plein à craquer et chauffé par le soleil et Marion Cousineau. « Bonsoir m’sieurs, dames, vous auriez pas une pièce ou deux ? ». C’est bien par l’Homme trottoir que l’artiste se présente, sans un autre mot, le public est déjà scotché.
Puis ce sera une heure de pur bonheur, de textes profonds et dis avec une malice et une classe assez incroyables. Tantôt à la guitare manouche, c’est encore plus lorsqu’il nous slame ses textes que l’on prend des claques. L’ivresse s’inscrit dans la lignée des chansons de Dimey, comme quelques autres, quelques histoires volées à des morceaux de vie, dans des bars, au comptoir des âmes cassées et des gueules perdues. Ces chansons-là sont « à l’ancienne », inspirées de quelques écrins d’histoire. Si ce ne sont pas les mieux écrites, elles sont touchantes au possible !
Le Bleu de travail, Merde chuis prof, Le Dormeur du râle, on tend l’autre joue à chaque chanson, c’est intelligent, pertinent, on sent que le bonhomme a roulé sa bosse et a connu des choses avant de les mettre sur le papier. Govrache est un artiste engagé, un vrai, un bon, qui va parler des ouvriers avec une sincérité désarçonnante, et cela fait du bien !
Il terminera son set, en faisant lui aussi se lever le public de Barjac, lui aussi dans son intégralité, avec Les pigeons, sorte de fable métaphorique sur nos capacités d’humain à être menés au pas. On ne saurait trop vous conseiller d’aller la découvrir sur scène, avec les autres.
Le chapiteau était radieux, de jeunesse, de fond, de forme. Radieux de poésie et de fraîcheur. Un bol d’air frais dans cette fournaise gardoise, qui a de quoi mettre le sourire à tous les pessimistes, qui voient en la chanson un art en perdition, dont le futur est sombre. Govrache et Marion Cousineau, sont, entre beaucoup d’autres, la preuve qu’il reste de belles heures à la chanson à texte, sous toutes ses formes, sous toutes ses couleurs, de toute sa beauté !
Pascal Mary et Marie-Paul Belle se partagent un piano pour deux !
A 21h30 ce sont deux artistes qui ont roulé leur bosse qui viennent présenter leurs deux tours de chant. D’abord Pascal Mary se présente, avec un texte de Francis Blanche pour l’indispensable instant des souffleurs de vers, puis devant le piano, micro pavillon à la bouche, pour entonner, a capella, Les funambules.
Puis une fois installé derrière son piano, le chanteur n’en sortira que pour s’adresser au public de Barjac, toujours avec beaucoup d’humour, un humour qui contraste avec la rudesse de ses chansons. Mais il aime en jouer et est capable d’également faire des chansons beaucoup plus légères, que ce soit sur sa fille, sa mère ou sa grand mère, tous les échelons de la famille y passent.
Globalement, le set est bien ficelé mais manque cruellement de fond. Peut-être qu’au Musicodrome nous commençons à devenir plus exigeant sur le fond en venant à Barjac, peut-être que le contraste était saisissant par rapport à Govrache et Marion Cousineau. Alors bien sûr il y aura quelques bons moments, la chanson anti-cléricale sur sa réunion de famille du 25 décembre est à croquer, la chanson de Pascal Mary sur son père est douce et agréable. Mais en sortant du concert, rien ne nous a marqué au point de discuter et de s’échanger des anecdotes, des moments du concerts dont nous parlerons encore dans quelques années. Ce concert manquait de flamme et de consistance.
Puis c’est Marie-Paul Belle qui prend la place devant le piano. Elle s’élance pour un tour de chant de presque une heure et demi où se côtoient des titres très anciens de son répertoire, mais qu’une partie du public attend avec impatience (La parisienne…), à des chansons inédites, ou presque inédites sur scène. Certaines chansons sont décalées, et nous font sourires, comme Les petits patelins qui est un bel hommage à ces lieux que l’on aime tant. Le public semble déjà sous le charme de la chanteuse, pour notre part nous attendons de voir.
Marie-Paul Belle se fait une joie de présenter chacun de ses auteurs, qui sont nombreux et tous aussi célèbres les uns que les autres. Mais la plupart des chansons, écrites il y a des décennies, ne trouvent plus l’écho aujourd’hui qu’elles avaient sans doute. N’écrit pas La chanson des vieux amants ou La mémoire et la mer qui veut.
Certaines moments du concert sont touchants, Wolfgang accroche le public par son énergie, Celui, une chanson en hommage à son amitié platonique avec Serge Lama, est très belle, Un peu d’angoisse et de café est également touchante. Mais globalement, tout comme pour le concert de Pascal Mary, cela manque cruellement de fond, on ne ressort pas chamboulé du concert, on n’en ressort pas tourmenté, pas interrogé, par surpris, et cela manque pour ressortir convaincu d’un tel co-plateau. Les thèmes abordés semblent parfois désuets, même si on peut apprécier la performance de la chanteuse, qui, hormis un oubli sur La clé, qu’elle a décalé à plus tard dans son tour de chant, aura assuré de bout en bout.
De bout en bout jusqu’à la fin, avec Pascal Mary de retour sur scène, pour reprendre Dis, quand reviendras-tu, en expliquant que c’est Barbara qui lui avait donné cette vocation qu’elle trimbale depuis plus de 40 ans maintenant ! La note finale était plus savoureuse.
Les deux concerts du soir nous auront apporté le même constat, ils nous ont laissé sur notre faim par leur manque de fond, par la forme aussi, mais c’est sans doute là une question d’habitude. Sans doute est-ce le marqueur d’une époque où la légèreté était de mise, ou les interdits n’étaient pas les mêmes et les thèmes des chansons différents, nous paraissant un peu creux aujourd’hui.
En bref, ce sont bien deux mondes qui ont co-existé à Barjac hier, sous le chapiteau puis sur la grande scène, entre les deux, notre cœur ne balance pas.
A suivre !