Cela fait un moment qu’il était annoncé, et nous étions pressés de découvrir les nouvelles aventures, les nouvelles rencontres des trois membres Des Fourmis dans les mains. Deux ans que leurs 100 pas nous envoûtent, et le groupe n’a pas pour autant arrêté sa marche. 12 titres à mi-chemin entre différents univers, rapide mise en bouche de ce plat de chef !
Un album Des fourmis dans les mains se décompose en plusieurs étapes. Ici la première est tout particulièrement importante, elle consiste à se jeter sur le livret de paroles magnifiquement illustré, à peine le cd dans la boite aux lettres. S’enivrer de ces textes à nus, un moment seul avec ces quelques mots nous permet de commencer à les appréhender, à nous familiariser avec l’univers de Laurent Fellot, avant d’en saisir toute leur force lorsqu’ils sont combinés à leur instrumentation.
La lecture dégustée, ne reste plus qu’à fermer les yeux, ouvrir ses oreilles et son coeur. Et dès que les yeux se ferment, Le Ciel apparaît, dans une douce complainte propre au groupe, où la mélodie envoûtante se marie avec les choeurs dans une atmosphère que l’on reconnaîtrait entre mille: Des Fourmis dans les mains sont de retour.
Les trois hommes savent manier les univers, et une de leurs caractéristiques est la manière de jouer avec le parlé, ce parlé si souvent oublié dans la chanson! Pleine de réponses sans questions, envoûté par la batterie et le piano, J’ai oublié renoue avec cet univers lyrique, qui a oublié de finir ses cent pas! La métaphorique Gingko est de la même trempe, où l’univers d’un petit arbre qui résiste aux tempêtes s’immisce dans la vie des trois musiciens…
« On aura des oiseaux qui mangeront vos miettes / on vous fera chanter le printemps par vos fenêtres / on vous enverra nos pollens pour vous éviter les rides / et on fera de l’ombre, pour les amants timides »
Chaque morceau est un monde à part, Le bateau est une formidable rencontre qui ne demande qu’à s’enfuir à pas feutrés, et à nous envoûter dans son rock qui se dénoue magnifiquement avec l’aide timide d’une trompette…
« Donne moi juste un peu du souffle de tes lèvres / fais-moi chavirer que jamais je ne me relève / donne moi une gondole, une barque ou même rien / mais fais moi rêver à un différent demain »
A travers un tel cd, on passe par toutes les émotions, des frissons aux larmes, et lorsque le vers est chanté, le trio ne déroge pas à la règle. On se dit qu’on a raté des choses, mais qu’il nous reste tellement à voir avec J’aurais du, où la mélodie transcende toujours la voie inclassable de Laurent Fellot, il en est de même avec Le Nord, et des choeurs sont plus que jamais présent; l’émotion de la prose y est enivrante.
« Je n’ai pas perdu le nord, mon Joe / En fait si, c’est sur / Alors j’ai pris l’aisance de faire ce que je pense / j’ai de bonnes excuses pour faire errer mon coeur dans tous les trains / dans tous les ports »
Si le monde n’a jamais été aussi laid, il n’en est que toujours aussi beau, le nom de l’album fut choisi pour la cinquième chanson, qui sonne comme un lourd constat de la vie qui nous entoure. Mais en rythme nous gardons espoir, nous nous prenons même à rêver à l’aide du groupe. Des énumérations perlent nos pleurs, mais la force de la voix nous fait nous dresser ! Allez, vivons !
Les artistes ne s’interdisent rien, et ce n’est pas pour nous déplaire. La Terre, douce interlude musicale, nous permet de souffler et de nous préparer pour les trois derniers morceaux, qu’il est bon de sauter d’une planète à une autre…
Discrètement, à pas de loup, l’amour envahit l’album, et on le ressent sur Prendre tes yeux, magnifique ôde, pleine de mélancolie et de tristesse, une baffe qui n’est pas sans nous rappeler Mon vieux, de Daniel Guichard…
« On devrait nous dire que quand on aime un vieux et que c’est le sien / ça ne sert à rien d’attendre pour se toucher un tout petit peu la main / sans rien demander, sans rien dire…. »
Si l’attente parait longue depuis qu’ils ont entamés leurs 100 pas, on ne peut que constater que sur ces 12 titres les arrangements sont réalisés au détail près, tout est parfaitement orchestré. On comprend qu’en plus de leurs nombreuses dates à travers la France, les trois compères ont passé un temps considérable sur la mise en musique des textes. Un véritable choc frontalier d’univers disjoints, réunis sur ce cd…
La remise en cause et le questionnement sont omniprésents dans cet album, qui se termine par ce qui le symbolise,une baffe tendre, où le piano tient une importance toute particulière qui met en exergue l’innoncence perdue de nos questionnements enfantins…
« Regarde mon petit, toi qui croyais que les éoliennes faisaient souffler le vent / et bien non / Regarde mon petit, toi qui croyais que les fumées d’usines faisaient naître les nuages / et bien non […] Je n’ai vu que d’immenses feux d’orages de printemps en pluie / je n’ai vu que des oiseaux rester plus libres aux airs purs que ce mot liberté gravé sur mon mur… »
Laurent Fellot, Camille Durieux et Corentin Quemener repartiront dès l’année prochaine sur les routes, entourés ici et là d’autres musiciens, de cordes et de plus si affinité, toujours guidé par la poésie, l’amour et ce soupçon de folie qui fait ce qu’ils sont, alors: bonne route!
FICHE TECHNIQUE
Tracklist
1. Le ciel
2. J’ai oublié
3. Le bateau
4. Le nord
5. Partout des gens
6. Ginkgo
7. J’aurais du
8. La terre
9. Le réveil
10. Les roses
11. Prendre tes yeux
12. Regarde
Album studio : 4 ème
Sortie : 15 décembre 2014
Durée : 52 min
Label : Label Folie