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Dans ce printemps qui est, encore, quasi-volé, L’envoûtante est revenue hausser le ton avec une nouvelle galette complète baptisée « Espoir féroce ». Histoire de garder le cap sur l’essentiel sans se laisser berner, histoire de rester aux aguets dans ce monde sans pitié.
Deuxième album pour le duo toulousain L’envoûtante qui a dévoilé 9 nouveaux titres venant s’ajouter à leur discographie existante. Même si celle-ci nous avait jusqu’à présent échappée, rien ne sert de courir : Tillous et Viougeas aiment réaliser un travail de sape avant de s’attaquer avec précision à la racine des maux de nos sociétés modernes. Un peu comme le ferait un Marc Nammour avec La Canaille ou une Casey avec Zone Libre. C’est donc baignés dans des influences pleine de rage que les deux gaillards préparent leur sortie avant de frapper fort, là où ça fait mal.
L’auditeur, balloté dans un univers qui ne cesse de bouillir au fil de ces 40 minutes, comprend vite à qui il a affaire. Le drapeau noir est peut-être hissé, mais ici c’est avant tout le maniement de la plume qui en fait une arme. Sachez d’emblée est le titre parfait pour lancer les hostilités. Les machines sont déjà configurées pour être en pleine bourre et le digital tutoie un rap affûté : le duo a des comptes à rendre, c’est une certitude. Remonté comme un coucou, L’envoûtante troque sa part de gaulois contre celle du maquisard.
Je ne sais pas me battre, mais je sais me cacher
Cette entrée en matière n’est qu’une main tendue vers un poing qui est déjà levé : levé d’abord contre ceux qui cherchent à gangréner notre esprit, ceux qui manipulent les algorithmes pour mieux nous faire « choisir », comme si le temps de cerveau disponible de Le Lay sorti dans les années 2000 paraissait déjà bien déconnecté (Désirs bourgeois). Dans ce slam aiguisé qui flirte par moment avec le post-rock, L’envoûtante lance la traque, ou plutôt sa traque, « il n’y a pas d’hommes libres sans privation », et galvanise sa lutte « en espoir féroce ».
La punchline de l’album placardée, le groupe compte bien se servir de tous les moyens à sa disposition pour faire passer son message : des nappages électroniques envahissent les ondes et le groupe appelle tous les artisans du son ou de la nuit à mettre de l’offensif dans leur festif. Avec un clin d’œil bien placé à Zebda ou encore les Massilia, L’envoûtante vire en tête pour dénoncer les groupes aseptisés galvanisés par la recherche de blé (Dans ton festif). L’ensemble prend vie comme si Casey s’embrasait avec Diabologum ou même encore Expérience, « Nous (en) sommes encore là ».
Artisan du contre-pied, L’envoûtante ne cherche pas forcément à tricher pour avancer : il va d’ailleurs exceller sur un percutant J’ai pas lu dompté à coup de « j’ai pas lu Camu mais j’ai lu Casey » déclinés à toutes les sauces, pour poser les bases. C’est d’ailleurs avec un groove clairement assumé qu’il apparait décomplexé pour s’inspirer. Le duo s’amuse des règles incomprises de Démocratie chifoumi qui explosent littéralement sous les coups de butoir de ses assaillants, L’envoûtante se digitalise pour mieux s’en protéger.
Derrière cette facette hybride, le duo va toutefois accepter de baisser sa garde : sur Périphérie fait pas rire, un joyau d’une réalité criarde qui, malgré sa douceur, se met à dépeindre un monde défaillant en tout point. De l’échec social à la crise économique, le système a fini par faucher tout ce qui ont tenté de l’affronter. Bien décidé à « arrêter demain », L’envoûtante finit par craquer avec un Demain j’arrête haletant, boosté par une liste saccadée de tout ce qui est à recracher pour ne pas imploser.
Pas de doute, cette préconisation est à appliquer pour ne pas se faire happer. L’envoûtante est revenu vous hanter.
L’envoûtante, « Espoir féroce », disponible depuis le 12 avril 2021 sur le label Petrol Chips.