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Une fois n’est pas coutume : l’Homme Chinois n’a pas chômé et il vient de dévoiler un nouveau volet de ses désormais célèbres groove sessions. Pour ce cinquième volume, il s’est entouré de deux groupes qui viennent fleurir le label marseillais, Scratch Bandits Crew et Baja Frequencia. Une puissance du feu qui passe par trois, un mélange des styles pour un cocktail explosif.
6 ans après la précédente groove session, Chinese Man a repris ses bonnes vieilles habitudes en tant que boulimiques de son. Même si nous avions été un peu moins emballés par le « Vol.3 » (voir chronique ici), c’est avec un intérêt jamais caché que ce nouveau disque s’écoute. La proposition de 15 nouveaux titres réalisés par 3 groupes aux univers variés a le don de titiller la curiosité. Chinese Man est un électron libre, il peut exceller autant par sa facette trip hop que par sa face hip hop. Il n’hésite pas à faire des sorties de route complètement maîtrisées vers du reggae, du dub et même de la world. Ensuite, Baja Frequencia n’a pas l’habitude de faire de détails quand il s’agit de bass music, entre electro, cumbia et dance hall. Enfin, les Scratch Bandits Crew n’en sont pas à leur premier essai : ça scratche, forcément, et ça distribue des paires de claques dans du velours, à l’aide d’une electro nacrée qui aime humer les saveurs urbaines. Okay, il y a finalement un sacré match sur le papier !
Avant de presser sur le bouton play, balayage rapide de la setlist. 15 titres. Waouh, il y a du grain à moudre ! Mais derrière cette longue setlist, il y a bien une crainte : celle d’enchaîner des titres réalisés par ces groupes mis bout à bout. Dans un tel projet, l’auditeur cherche à être surpris, il s’attend à une mayonnaise faite avec les ingrédients des uns et des autres, bref, écouter un ensemble à la fois nouveau et surtout équilibré.
Avoir un avis et l’exprimer publiquement, cela peut paraître simple mais il se doit d’être constructif malgré son caractère toujours aussi subjectif. Dans tous les cas, la première écoute a fait dégager un avis sur ce disque qui s’est confirmé par la suite. Ce nouveau volet des groove sessions est bon, c’est indéniable, mais il est aussi décevant au regard des talents de ces trois groupes que Le Musicodrome suit depuis pratiquement leurs débuts.
Ce volume 5 est marqué par trois grands ensembles : la crainte exprimée s’est révélée exacte et cet opus souffre de sang neuf, de compositions portant véritablement la griffe de cette réalisation à trois têtes. Le premier ensemble de morceaux correspond à ces fameuses parties de jambes en l’air à trois qui font grimper aux rideaux (pardonnez l’image !) ; le second là où ça matche moins bien et, enfin, le troisième, aux bons morceaux de l’opus… qui auraient pu figurer sur les albums respectifs des groupes.
D’abord, il est impossible de ne pas citer les morceaux qui ‘matchent’ grave, là où les univers de chacun se rencontrent pour mieux se retrouver : Party at Jay’s, avec ASM, Youthstar et Illaman, reflète bien ce qu’est la grande famille de Chinese Man. Un joyeux bordel avec un soleil au beau fixe, où des MC’s peuvent s’emparer du micro pour poser le flow sur des cuivres, à mi-chemin entre hip hop et cumbia, avec des machines à l’unisson en fond. Il s’agit du premier tour de force de l’album, l’équilibre est maîtrisé à souhait. Plus loin, The drop assume complètement cette union libre. Avec cette compo intégralement instrumentale, le talent des trois s’exprime à merveille ! Les Dj’s ouvrent les vannes, la pression va crescendo, la rythmique tape et l’électronique se pare de sonorités venues de terres lointaines. Les percus enflamment le dance-floor, de jours meilleurs s’annoncent.
Et ce voyage de l’autre côté de l’océan ne va pas s’arrêter en si bon chemin : en plein confinement, To the beat transporte en Amérique latine, façon Jumpin’in Havana, en s’en détachant toutefois. On sent bien la patte de Chinese Man, toujours excellent pour dénicher des pépites à sampler ou à retravailler, et il est bien aidé par l’art et la manière des Scratch Bandits Crew et la fusion de Baja Frequencia. Un des meilleurs tracks de l’album, autant par sa portée que dans sa réalisation. Enfin, You can go permet une nouvelle fois de retranscrire cette belle alchimie trouvée entre les groupes, avec les affinités de chacun et, sans aucun doute, on peut y aller les yeux fermés ! Les trois ne forment plus qu’un !
Si ces tracks correspondent bien aux attentes espérées, plusieurs compos paraissent plus difficiles à approcher : d’abord, sur Be mine, l’équilibre obtenu précédemment semble fragile à préserver et il se met à tanguer sur Be mine, saturé à souhait, limite abstract hip hop, venant casser le cercle vertueux. Dans cette noirceur assumée, Beast is loose ne parvient pas à contre-balancer, malgré le retour des habituels MC’s. Bondo do Gigi tente bien de rallumer la lumière, mais le morceau ressemble à un fourre-tout musical des uns et des autres, qui parait de l’extérieur assez fouillis et brouillon. Enfin, le dernier morceau en dedans de ce volume 5 est Leng it off, en mode pelle mêle des trois groupes, où il semblerait qu’ils se soient amusés à sampler un extrait de Day break leaving, des sorciers d’High Tone.
En marge de ce ying et ce yang musical, un dernier ensemble de morceaux vient fleurir cette groove sessions : comme évoqué plus haut, ces morceaux sont résolument bons mais ils auraient été, peut-être, plus pertinent de les voir sur leurs albums respectifs plutôt que sur un opus collaboratif. A l’image de Hold tight, en ouverture, celui-ci sonne très Chinese Man : les beats old school, massifs, font échos à des sorties précédentes, comme sur le volume 3… d’autant plus qu’ASM, Youthstar et Illaman sont de retours aux micros. Seules les 30 dernières secondes, scratchées et digitalisées, portent les marques des deux autres groupes.
Ce petit air de déjà entendu se retrouve quelques pistes plus loin, comme sur This one, très Chinese Man, très One past avec sa pause orientale, ou sur Ayalamih, la compo trad’ avec ses notes dub/cumbia. Chaque protagoniste façonne des compositions un peu plus à son image : sur Break down, Scratch Bandits Crew s’entend davantage, entre les samples et les scratches, et c’est à la fois doux et soyeux. Ce titre aurait très bien pu figurer sur « Stéréo 7 ». Sur No man, c’est au tour des Baja Frequencia de s’emparer des ondes. On voyage, ça se métisse, la chaleur se répand ! L’appel de Not so samba, avec son invitation trip hop scratchée sous les tropiques, ne déroge pas à la règle…
En conclusion, ce « Groove sessions, Vol.5 » est, dans l’ensemble, assez bon… Dommage cependant que l’album souffre d’homogénéité dans l’intégration des influences et des univers des différents acteurs. Nul doute que les amateurs de Chinese Man, Scratch Bandits Crew et de Baja Frequencia y trouveront leurs comptes, nul doute que cette alchimie va s’exprimer en live. A suivre !
Chinese Man, « The groove sessions, vol.5 », disponible depuis le 21 février 2020 (15 titres, 49 min.)