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En ce samedi 8 février 2020, Le Musicodrome est allé à la rencontre de Roche La Molière, plus particulièrement de son centre culturel l’Opsis. Ce fut pour nous l’occasion d’assister aux concerts, aussi poétiques que complémentaires, de Tom Bird et Leïla Huissoud. Entre histoires de vie, romances en tous genres et coups de gueule justifiés, ces deux artistes nous ont régalés de leur guitare seiche et de leur clé de sole tout au long du repas musical de cette soirée.
Assis dans cette superbe salle de l’Opsis, surplombant la scène, nous attendons sagement de nous faire embarquer dans un voyage. C’est Tom Bird qui arrive avec Alex pour nous proposer de monter à bord, à leurs côtés. Pour Tom Bird, la soirée est un peu particulière, puisqu’il joue dans la salle où son spectacle a été créé. Pour autant, il nous amène tout droit en poésie, cette somptueuse région où les mots ressemblent à des fleurs, les rimes à des sourires. Le carillon nous berce, le piano nous enveloppe, et la voix de Tom nous éclabousse de douceur.
Les morceaux s’enchaînent, les instruments s’échangent, toujours nos mirettes en prennent plein la vue, et l’on est captivés, sans pouvoir décrocher les oreilles de ces histoires, si vraies, si tristement vraies, si joliment racontées. Tom Bird se permet de s’éloigner de la chanson pour se rapprocher encore un peu plus de la poésie, avec un texte compté, a cappella. Texte qui aura le mérite d’installer un silence irréprochable dans cette salle au public respectueux, à l’écoute, prêt à recevoir, avide d’être transformé.
J’avance dans la pénombre, et amoureux…. J’en tombe.
La mélancolie de Tom se pare de sons travaillés, d’une texture et d’une esthétique propre, sublimés par sa voix limpide, timide. Timidité qui se traduira durant les interludes par quelques mots donnés, sans trop en faire, juste en « parlant peu, parlant bien… parlant cul ». Le spectacle s’achèvera sur une ambiance onirique, nous laissant déjà entrevoir Demain.
Après l’entracte, c’est ensuite au tour de Leïla Huissoud de faire son entrée. Leïla est accompagnée de Sylvain à la contrebasse et de Thibault au piano. Ce sont d’ailleurs eux qui amorcent le spectacle, pendant que Leïla, dans sa loge sur scène, dos au public, finit de se préparer. Auguste, c’est le nom de son projet, c’est le nom de son album, c’est aussi le nom de la première chanson. Dans la continuité de l’ambiance offerte par Tom Bird en première partie, le ton est doux, un sentiment de joyeuse mélancolie nous absorbe, Leïla et sa voix nous emmènent avec elles pour une danse à trois dans le temps.
Mais sonne l’heure du coup de gueule, pour cette Leïla « en colère un peu partout », qui n’a d’autre nourriture que sa musique, qui n’a d’autre drogue que sa guitare. La voix pousse, le public applaudit, le message transperce les cœurs, et Leïla, peu à peu, décongèle son corps, et le laisse évoluer à sa guise sur cette scène aux ambiances multiples.
Les cigales chantent le déluge, mais n’engueulent jamais l’arrosoir.
C’était déjà le cas lors de sa tournée de l’Ombre (cf L’Ombre à Toulouse), mais les interludes de Leïla sont toujours aussi travaillés, aussi assumés, aussi gênants parfois ; gêne anticipée et cultivée, avec laquelle elle se régale de nous voir ramer. Le public se délecte de cette folle énergie, en rit, en applaudit, en attend la suite avec impatience.
La Mineure, une chanson avec 74 jeux de mots. C’est incompréhensible, pourtant on comprend tout sans rien saisir, ça va trop vite, on est dépassé, on adore. Leïla, au cours de son spectacle, se fera maîtresse dans la gestion méticuleuse de la couleur de ses chansons. Du triste au drôle, du mélancolique au colérique, elle nous accompagnera du rire aux larmes, sans jamais nous lâcher la main. Le terrible Caracole précédera la sur-accessoirisée Chianteuse, avant de faire Un Enfant Communiste toute seule, révolutionnaire comme il se doit.
Gare au pays sans cigales, c’est la porte ouverte aux fachos, y’a qu’à fermer les festivals, et surpeupler tous les cachots.
Leïla proposera aussi deux créations inédites, parlant du Cinéma de Nougaro, traitant de la pseudo-chance des Intermittents du spectacle. Deux chansons à l’esthétique et au message marqués, comme elle en a l’habitude. Puis c’est une enclume qui tombe sur la salle, La Niaise s’est, une fois de plus, jetée par terre, on a peur qu’elle se foute en l’air, on n’ose plus respirer, on ne sait plus quoi faire.
Un duo avec Sylvain, un autre avec Thibault et c’est déjà la fin du concert avec une dédicace à Georges Brassens et son Vendeur de Paratonnerres. Un dernier cadeau, une dernière surprise, Tom Bird revient sur scène pour les rappels. Lui qui avait accompagné Leïla sur sa tournée de l’Ombre, est à nouveau à ses côtés pour nous interpréter superbement Les Tours de Rond-Point, dans une émotion aussi succulente que partagée, nous laissant finir la soirée sur un goût sucré, un souvenir chaleureux. Merci Leïla & Tom pour ces « jolies rondes qui se dansent », merci à l’équipe de l’Opsis pour l’accueil !