Dans ce jardin botanique de Villeneuve-sur-Allier, le chaos a transcendé la foule pour un festival peu commun.
Pour sa sixième édition, le festival du Château Perché a choisi un lieu unique : l’arboretum de Balaine, de Villeneuve-sur-Allier. Ce décor naturel à la grandeur centenaire a accueilli dix mille festivaliers sur onze scènes à l’esthétique soignée.
Cette année, la formule a été étendue sur quatre jours et trois soirs. Un patrimoine à la fête sur fond de musiques diverses – techno, house, rock, trance, ambient, cumbia. De quoi ravir un publique éclectique. En parallèle, des activités favorisant le lâché prise : yoga, atelier de respiration orgasmique, spectacle de transformiste, et j’en passe… Le Château perché est à part, et il se différencie aussi de ses pairs par sa philosophie intrinsèque qu’on résume par cette injonction : perdez-vous pour mieux vous découvrir.
Aucun programme distribué, nul plan pour vous repérer dans le dédale labyrinthique du parc. Quelques pancartes pour vous guider à l’intersection d’une patte d’oie, des noms de scènes choisis avec minutie, et voici que la carte magique du festival se dessine au fil des heures dans votre esprit. A vous ensuite de vous laisser porter à votre aise, comme des insectes au paradis (thème principal du festival).
Pourtant, avant que l’imbroglio ne s’emplisse d’insectes lumineux et d’entomologue curieux, il fallut passer à travers quelques péripéties. Il faut dire que Perchépolis, le collectif auvergnat organisateur du festival a joué de malchance cette année. En pleine canicule, les nuits s’annonçaient chaudes et les journées torrides : les corps nus et les jeux d’eau auraient pu ravir ce weekend, mais Zeus en a décidé autrement. A l’heure d’ouvrir les grilles à la foule, les nuages au loin sont noirs, le ciel se remplit. Le risque d’orage est très élevé et la préfecture met plusieurs heures avant d’autoriser finalement l’ouverture de l’événement. Les festivaliers ont dû attendre la délivrance tantôt dans la cohue devant le camping, tantôt dans les bouchons à l’entrée du site, tantôt allongés dans l’herbe du joli parc devant la gare de Moulin pour les plus chanceux…
Malgré ce départ poussif, nos perchés gardent le sourire et se lancent corps et âmes à la fête malgré le retard.
Nous voilà finalement déambulant sans but dans le parc du château jeudi soir, à la découverte de lieux mystiques préparés avec soin. Le détail des décors oniriques des scènes, la science des jeux de lumière dans les arbres, les espaces aménagés dans les clairières et forêts qui parsèment le parc vous transportent dans un monde à part où la liberté s’exprime dans toute son amplitude.
La fête est bel et bien lancée. Les perchés se travestissent et s’enlacent dans les lacets arborés, s’attroupent en essaim et s’animent au son des sets sous les canopées calfeutrées du parc. Le paradis est ouvert, et il y en a pour tous les goûts.
Les festivités continuèrent malheureusement d’être perturbées dans le weekend, l’orage gronda régulièrement, jusqu’à fermer le site l’espace de quelques heures à la fin de journée du vendredi, et empêcher plusieurs scènes de jouer la nuit du samedi. Une bâche de fortune faisait même son apparition de temps à autre et donnait à la situation une tournure loufoque.
L’eau fût néanmoins salvatrice, les quarante degrés de vendredi midi auraient difficilement été tenables à la longue. Les averses orageuses n’ont d’ailleurs pas découragé nos insectes à l’aise en climat humide.
La poussière du parc était tombée, la chaleur écrasante venait de laisser place à un environnement plus vivable et c’est ainsi que le fond sonore des nuits fût accompagné du clapotis de la pluie et du sourire des festivaliers courageux.
Enfin, le dimanche vit réapparaître un ciel bleu clairsemé de nuage moins menaçants, accompagné d’une température agréable ; et le festival put consoler sa disparition imminente et fatale dans la satisfaction douce d’une mission d’ouverture des âmes accomplie.