[HORS FORMAT] Le 10ème pour les Fatals Picards !

14 min de lecture
Les Fatals Picards Country Club 2016

Le groupe Les Fatals Picards, fleuron industriel de la chanson des années 2000, chantant le nord, vantant la Picardie, sort son premier album depuis ce qui a localement dû être un tremblement de terre : l’arrivée du groupement régional baptisé « Hauts de France ». Fin définitive du radicalisme de gauche, la « nouvelle ère » que peut-être nous pourrions peut-être dater de l’après « Le sens de la gravité« , semble s’affirmer durablement. Il s’agit du dixième album environ (à EP près), d’une série entamée il y a une vingtaine d’années.

Manifestement en plein désarroi, le groupe a perdu sa base géographique et se tourne d’emblée après un interlude déluré vers un groupe social dont le fond anthropologique historique ne sera vraisemblablement que peu ou pas impacté par le nouveau découpage régional : Les Bretons. En collaboration avec Les 3 fromages, des bretons bien que leur nom évoque la savoie, le premier titre de cet opus embrasse les gammes locales à la Soldat Louis, la voix d’écorché en moins. La voix haute puis descendente, basse, puis de nouveau haute mais sans grande amplitude façon sinusoïde tassée, vous donne le couplet… Et le refrain ! Sur une construction typique de ce que savent produire nos voisins, A la vie à l’armor est une ode aux bretons, un hommage à leur omniprésence constaté par tous au travers du fameux drapeau !

Sur Pourquoi, on trouve des parallèles avec BOUM (« Le sens de la gravité ») en termes musicaux.  Indicateur de la teneur de l’album ? Pas sûr. Goldman, Renaud et Téléphone font l’objet ici des couplets du titre : un pamphlet musical contre la prolifération des reprises (ratées). Une rage comme certains d’entre nous les adorent !

L’amour à la plage est un de ces titres typiques dont on ne sait ni ne peut savoir d’où Les Fatals Picards nous les sortent… Une mélimélodie à la soupe disco avec une ligne de basse digne des années 70, une voix chevrotante sur des couplets fadasses et un refrain inaudible façon chat écorché… C’est non !

Un interlude qui pourrait servir d’intro à un nouveau titre qui s’appellerait « La Ferme au bord de l’eau« , et on souhaite de repartir du bon pied !

Des airs de Canal St Martin sur le titre Tais toi et creuse. Une mélodie légère et un air de « ne pas y toucher » pour des paroles en fait profondes qui touchent à première écoute. Un cynisme que l’on reconnaît bien sur fond de critique du retour à l’esclavage moderne (comment peut-on « revenir » à quelque chose de « moderne » ? Vous vous le demandez hein ? Je vous emmerde j’aime ma figure de style, alors si ca vous va mieux, lisez « Retour à l’esclavage, moderne. »). Les références cinglantes à la réputation de torchon sale que sont en train de se construire les Qatari, pierre par pierre et à la sueur du front des autres, et les mépris répétés pour les « grands rendez-vous sportifs » dans une moindre mesure, pour les hérésies écologiques et sociales plus généralement, trouvent généreusement leurs places dans un titre alternant jeux de mots complètement péraves (ou trop complexes ?) et d’autres bien mieux sentis. Dans la tendance actuelle puisque Tryo sortait dans Vent debout récemment un titre très proche, au moins sur le thème : Qatar 2022 ! Tais toi et creuse est un pur produit des fatals alliant humour et engagement. Eux tels qu’on les a connus, et tels qu’on les a aimés !

Manifestement toujours à leur quête de nouveaux horizons, on croirait qu’ils ont produit le titre suivant avec La Compagnie Créole… On se laisserait peut-être prendre à gigoter si on avait eu cet objectif initial de se faire une petite soirée zouk. Mais ce n’est que rarement notre objectif lorsque nous enclenchons un CD des FP… Décidément, ces voyages à travers le temps et les gammes ubuesques, s’ils donnent naissance à des morceaux musicalement acceptables, voire originaux, peinent à faire sortir des titres « complets » que l’on pourrait écouter ailleurs que cachés dans une playlist saugrenue, saoul et très tard dans la nuit.

Sur le modèle (on en a décidé arbitrairement, cette chronique est placée sous le signe des comparaisons) de la très réussie Chinese Democracy, le titre suivant, Fils de P, comme Poutine, est une critique ouverte du personnage sur fond de mélodies orientales du meilleur goût. La mélodie. Originales, plutôt bien trouvées, les paroles font mouche. Traduction latente possible d’un fond de russophobie dont Emmanuel Todd dresserait une analyse bien plus pertinente que la mienne, serait-ce le républicanisme conventionnel du groupe qui s’exprime ? Incontestablement percutant et drôle, le titre touche à ce que le sociologue considère il me semble comme un marqueur révélateur (pourrait-on dire ?) et en tous cas à un sujet clivant. La fin du titre, sur une note ironique, renvoie au titre culte des Fatals Picards, Bernard Lavillier, dont ils ont pour partie repris le concept général (On comprend ! Ca marche !) et donne, en deux mots, une touche de légèreté au titre. Une dénonciation forte et réussie à classer en tête des titres à écouter de l’album ! Quitte à en parler après.

A La fête de l’école, on croit retrouver Kevin et sa soeur ! Kevin est blasé et fataliste mais il prend à coeur son rôle de papa. La soeur, elle… N’est plus là. Elle a compris où et quand il fallait être ou ne pas être. Un titre bon enfant et drôle détaillant froidement les platitudes du quotidien lambda d’un bon père de famille. (Bon enfant, bon père = chiasme ?)

C’est M. Sauvagnargues qui devait être content sur le titre suivant puisqu’il a pu ressortir la partoch’ de Et puis merde je vote à droite. Le magnet du jura poursuit le rodéo géographique du groupe, à la nuance près que le terroir local n’étant sans doute pourvoyeur d’aucune particularité musicale, on retrouve le bon vieux rock historique sur ce titre. Et le voilà notre découpage régional ! Il est évoqué, mais alors avec si peu de rancoeur qu’il est difficile d’affirmer qu’il s’est agit d’un choc de premier ordre pour le groupe… Déluré et léger, le titre marche sur la tête, sans queue. Poser le cerveau et apprécier !

Nous avons choisi notamment pour des raisons de taille de l’article, de passer sous silence certains interludes masqués dans l’album. Mais impossible de passer sous silence le 5ème… Un interlude de 4 minutes 05 construit comme une chanson, couplet refrain et on recommence… ?! La magie de Noël vue par les Fatals Picards, c’est, sacrilège, une pique, qui tire vers la négation même, lancée à Mon père était tellement de gauche, c’est l’expression par différents personnages de leurs visions respectives de ces fêtes. C’est drôle et déjanté encore une fois.

L’album se termine complètement dans le même registre par un titre au nom évocateur : Le reich des licornes. Fou de ce voyage nous allons jusqu’à imaginer que ces licornes sont prêtes à nous transporter jusqu’au Japon. N’est-ce que mon fantasme ou le refrain emprunte, via la voix, des accents de J-Rock à la D’espairs Ray (Zetsubou Romance…) ?! Retour sur terre, musicalement nous en sommes très loin et il s’agit tout simplement d’une histoire pour enfants adaptée à la sauce du groupe ! Un point tout particulier à la licorne cocue qui serait en fait un Triceratops… Comme l’éléphant qui prend la défense de l’autre, quelque part, il fallait y penser !

En conclusion, pas dit que, tel que c’est énoncé dans Le Chanteur, Les Fatals Picards soient devenus un « groupe de variété ». De la variété atypique ? Sans aucun doute. Chargée d’humour décalé ? Moins qu’avant, mais cette caractéristique reste. Etonnants, Les Fatals Picards continuent de se démarquer, pour le meilleur comme pour le pire. Des titres particulièrement percutants sont les vestiges d’un temps où un album des Fatals Picards était plus lourd d’engagement qu’une chronique de Trotski dans son Journal d’exil. A ce titre, cet album est à nos yeux, réussi. D’autres marquent moins (Le chanteur, Le défribrillateur) ou laissent clairement circonspect (L’amour à la plageInterlude 6;Le Club très étrange). Les tentatives, comme, il est vrai, nous en avions déjà observées, d’aller chercher d’autres choses ailleurs, dans d’autres mondes musicaux, ne nous ont pas toutes convaincus, loin s’en faut. A la manière d’un Finkielkraut, nous nous posons sans doute en réactionnaire du milieu musical, la chair dans une prestigieuse académie en moins (Il faut que j’arrête les comparaisons avantageuses j’en ai conscience…), les fans, la classe et la reconnaissance (SIC ?!) en moins, l’éloquence, les connaissances et la concision en moins, les plateaux TV, le fric et l’audience en moins, la berline et le costard en moins, mais enfin voilà, si ca ne tenait qu’à nous et le plus humblement possible : pour le 11ème, un retour à l’époque regrettée de « Pamplemousse mécanique » et « Le Sens de la gravité » serait souhaité… Un concentré de politémique, à mi-chemin entre la polémique et la politique finalement !

Clip « A la vie, à l’armor »

FICHE TECHNIQUE

Tracklist
1. Interlude 1 : le répondeur Fatals Picards Country Club
2. A la vie, à l’armor (feat. Les 3 Fromages)
3. Pourquoi ?
4. Le chanteur
5. L’amour à la plage
6. Interlude 2 : Trouville sur mer
7. Tais-toi et creuse
8. Interlude 3 : le Crotoy Beach
9. J’aime, j’aime, j’aime
10. Fils de P.
11. Interlude 4 : Poutinka
12. La fête de l’école
13. Le magnet du Jura
14. Interlude 5 : la magie de Noël
15. Le défibrillateur
16. Interlude 6 : le Club
17. Le Reich des licornes

Durée : 51 min
Sortie : 14 octobre 2016
Genre : Rock

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