There Is No Alternative. Une phrase bien pessimiste, qui pourtant semble résonner de vérité. Un monde sans alternative, une fuite en avant sans aucun choix possible. There Is No Alternative – c’est ce nom là que Fl’30 & The Rhapsode ont décidé d’arborer. La révolution en bandoulière, des punchlines les pleines poches, T.I.N.A avance d’un pas déterminé sur le sol de la chanson – et plus particulièrement du rap français – depuis 10 ans. Le 7ème projet du groupe, « Nos Désirs Font Désordre – Volet #2 », s’inscrit dans la continuité de leur univers et vient donner corps et profondeur à leur message.
Si le volet #1 de Nos Désirs Font Désordre semait des graines de folie et de colère, le volet #2 son grand frère, lui, claironne la tempête. Dans une “France aux abois”, Radical donne le ton, ne serait-ce que par son titre, mais aussi par l’agressivité de son instru et de son texte. Une révolution qui cogne fort aux portes de T.I.N.A, thème déjà référence du premier volet avec certains titres comme 14 Juillet et ses “rêves passés à l’amende”, ou encore Inexplicable qui souhaitait “remettre du sens là où c’est le profit qu’on encense”. T.I.N.A cogne tellement fort sur les portes de la rébellion que le voisin Vinzoo se joindra à eux pour, lui aussi, rapper d’indignation.
Avec D281, on découvre la solution, avant même que le problème soit détaillé. Une fuite, loin des cartes et loin du monde, un combat pour l’identité, contre l’assignation à personnalité, un monde comme en a créé Damasio par dizaines, nous est présenté ici comme possible. Le son, plus léger que T.I.N.A en a l’habitude, incite au ralliement. Son côté rythmé nous donne envie de courir, la mélodie nous entraîne vers des couleurs plus vives, vers une société plus vivante, alter-ego à celle décrite dans Au Calme, du volet #1.
Et puisqu’il y a 1000 façons de faire passer un message, et qu’une métaphore vaut 1000 mots, T.I.N.A propose une pure transversale Sport/Politique bien enroulée, dans les pieds : on n’a plus qu’à contrôler et ajuster le volume. Chez T.I.N.A, l’instru est toujours au service du flow, présente, envoûtante, entraînante sans être étouffante. D’inspiration Scarecrow, Vice& Versets accompagne leur tristesse, leur résilience et leur colère. Cette colère, ils la mettent au service de leur art, de leur musique, sans pour autant chercher la lumière des projecteurs. Bien sûr, chacun d’eux rêve d’être Tapi de Velours, le temps d’une soirée, le temps d’une chanson, ils prennent une envolée, ils prennent le melon, pour nous faire vriller, pour l’autodérision.
“Grosse minasse qui s’écrase sur les montants des salaires des patrons”
Et sans prévenir, fin stratège du rythme et de la surprise, T.I.N.A vient proposer un Interlude Jazz au beau milieu du cri rap qu’est cet album. Il faut croire que depuis le volet #1, des choses ont changé et que maintenant il y a autre chose que le rap qui sort… De quoi nous mettre l’eau à la bouche pour leurs prochains projets !
Le rap, ils y reviennent, évidemment, c’est leur fer de lance, comme en témoigne l’instru pesante et obsédante de La Tchatche. Tchatche que les MC de T.I.N.A semblent maîtriser, avalant le beat comme une locomotive avale les rails, inlassablement, déroulant flow et verbe d’une manière automatique, mécanique – souvent très juste, parfois un peu trop. Heureusement des refrains aux mélodies bien senties, comme celui de La Gallup, permettent de récupérer notre attention, sans renoncer à la qualité du message transmis !
Les trois derniers sons de l’album ont des featuring, qui remettent un coup de fraîcheur, de nouveau, à la dernière partie de notre écoute. Du punch, un côté plus vintage, le rap comme dénominateur commun, les artistes qui viennent épauler T.I.N.A (L’Ancien, Cosmo&Tupan, Beufa) apportent une vraie touche qui éclaire le projet et son propos sous un autre jour. Non Merci !, dystopique à souhait, nous propose d’activer le « Mode Esquimau ». Pour finir, Art Dégénéré vient mettre la couverture sur cet album, avec calme, froid et détermination. Il conclut l’album comme une quatrième de couverture qui brise la quatrième mur, parlant de ce dont il parle, expliquant ce qu’il explique et pourquoi il l’explique.
On ne peut que souhaiter à T.I.N.A de continuer sur cette route, proposant le changement, arborant fièrement des paroles justes et révolutionnaires, qui siéent si bien aux sonorités que le groupe apporte sur scène.
“Il y a peut-être une raison, à toutes mes insomnies”