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« Reset ». Qui ne souhaite pas réinitialiser ce bon vieux merdier afin de sortir la tête du sac ? Le confinement a beau être terminé, cela n’enlève en rien à l’amertume du moment. Dans cette morosité ambiante, quelqu’un vient de rallumer la lumière.
Le gouvernement ne semble pas vraiment se soucier de la Culture ces derniers temps, heureusement qu’il reste encore des groupes pour la garder éveillée. Senbeï est un artiste prolifique qui tourne sous plusieurs casquettes : il est The Kid, dans Smokey Joe ou encore le Rogue monsters, avec Al’Tarba ces dernières années. Et surtout, il semble être sur tous les fronts ! Car le bordelais tourne bien entendu en solo et le successeur de l’excellent « Ningyo » (2018) est en préparation. La bonne nouvelle est qu’il est même bien avancé.
Sinon, au milieu de tout ça, il y a Slumb. Si cela semble bien proche du blob qui passionne tant les foules dans les laboratoires, Slumb est plus que jamais vivant et il peut se targuer de réveiller les sens. Le 29 mai dernier, Slumb a quitté sa chrysalide et il s’est présenté à nos yeux sans aucun complexe avec une finesse subtile à souhait. Derrière Slumb se cache, vous l’aurez deviné, Senbeï mais aussi Julien Marchal, pianiste, compositeur et producteur.
Ici, pas de western spaghettis avec un hip hop trempé dans une electro du far-west. Pas d’envolées en Asie non plus, terre qu’affectionne tant Senbeï au fil de ses créations. Ici, l’agitation urbaine est renvoyée au second plan pour rentrer dans une phase de contemplation du monde. Comme si le temps s’était arrêté, Slumb ouvre ce disque avec un morceau qui aurait très bien pu figurer sur une des créations des écossais de Mogwaï, véritables sorciers du rock progressif et du post-rock. Aurora renferme tout ce qu’il y a de plus pur : un début presque trip hop qui pourrait rencontrer la belle « Naphtaline » d’Ez3kiel et les notes au piano cherchent à soigner nos maux. La douceur peut devenir insoutenable et la corde lâche : les éléments se réveillent, les guitares s’élèvent et la batterie raisonnent. Puis plus rien. Un Aurora qui aurait très bien pu s’appeler « Reset ».
D’ailleurs, le titre éponyme se pare d’une voix, avec le featuring de l’anglais Ed Tullett, et l’electro semble occuper une place plus prédominante pour amorcer cette reconstruction. Les sons se digitalisent, l’ensemble s’accélère sans pour autant basculer vers un ailleurs. Les arrangements électroniques restent discrets et la compo offre une bouffée d’air aux accents pop. Raffinée !
Derrière cet écrin, Slumb va repartir sur un terrain qu’il semble, déjà, maîtriser : Sakeshima est un clin d’œil au soleil levant, il en fallait bien un, et le piano épuré de Julien Marchal se charge de dresser le décor. Les contours trip hop de l’EP ne peuvent plus se cacher, ils peuvent briller de mille feux et se laissaient aller. Des cordes s’invitent à la fête et les influences fusionnent. C’est dans ce nappage mélancolique que la magie opère.
Over and done va continuer d’affiner l’identité de ce que va être Slumb : s’il est certainement le morceau le plus proche de l’univers sonore de Senbeï, celui-ci évolue et mute, à l’image de son protagoniste qui veut défricher des sons de tout horizon. L’intensité monte d’un cran puis retombe. L’exploration s’arrête, l’EP est terminé. « Reset ».
Avant de connaître la fin du monde, les explorateurs espèrent juste connaître la sortie des morceaux suivants.
Slumb (Senbeï & Julien Marchal), « Reset », EP disponible depuis le 29 mai 2020 chez Banzaï Lab (4 titres, 16 minutes).