Ils sont suédois (enfin, non, français), absurdes, se prennent pour des ambassadeurs d’une contrée bien éloignée, et font aussi de la musique. D’emblée, le cocktail s’annonce corrosif. Passés à une configuration à cinq juste après la sortie de leur premier album « Best Of vol.1 » (2010), les Rois de la Suède ont donc décidé de modifier leur recette sur « Néon Futur ». Raisonnable ?
Formés par Ivan (fondateur des Fatals Picards) et Mr Poulpe (animateur tv très décalé… et bien connu de la communauté geek), les Rois de la Suède n’ont guère eu de mal à se faire adopter par les français lors de la sortie du premier album, en 2010. Avec leurs allures royalistes des temps modernes, ils ont fait de leur étendard un moyen de dénonce à travers la parodie et le second degré. C’est direct, drôle et sans détours.
Et les Rois de la Suède vont encore plus loin. Tombant les barrières, la retenue s’éclipse aussi : musicalement sans frontière (rock, hip hop, électro, reggae, chanson, fanfare), les quatre gus d’antan s’étaient fait plaisir. Particulièrement cruel (mais si révélateur !) sur « T’es Belle », extrêmement poilant sur « Le Petit Gros de Tokio Hotel », presque discriminatoire sur les paysans (« Il y a la ville ») ou si provocateur sur « Myspace Tu Vas Mourir », « Best Of vol.1 » était un condensé de hits et d’interludes tout aussi délurés les uns que les autres. Enregistré avec les moyens du bord mais ravageusement tordant, la barre était donc haute pour leur nouveau bébé, « Néon Futur ».
Pour rester dans l’esprit « déconne », les Rois de la Suède ont décidé de décomposer leur album en deux parties. La première, intitulée « Face A : Néon », est opposée à la « Face A’ : Futur ». Inutile de rappeler que nous ne parlons pas de vinyle ici mais bien de compact disque…
Face A : Néon
De surcroît, cette première face est avant tout taillée pour le live : musicalement, les Rois de la Suède ont choisi d’améliorer le rendu sonore. Le son est incontestablement bien plus propre et soigné que sur le premier album, mais le mélange des genres s’est nettement atténué. Le virage pop/rock amorcé, les petits délires hip hop ou reggae se sont envolés laissant la place maigre aux tendances électro.
Même si l’on sait que les Rois de la Suède sont davantage populaires pour leurs paroles que leur musique, les textes ne manquent pas de piquant : avec de l’humour et de l’autodérision, le skeud se lance sur un très réussi « Tous les DJ qui font semblant », un track… électronique ! « On vous a fait une place aux Victoires de la Musique option classe techno, mais vous continuez à piquer la place des vrais chanteurs aux Francos ! ».
En acoustique et rappelant dangereusement « Pamplemousse Mécanique » des Fatals Picards, Ivan va se charger personnellement du cas Megaupload sur « Ta Liberté de Voler » : « grâce à toi, le monde de la musique a changé, les petits artistes passent enfin à la télé, les gros ont morflé, Universal a fermé… ah bah non c’est plutôt l’inverse qui s’est passé ! (…) Ça te fera plaisir j’imagine, si je fais le peer-to-peer sur ta copine ».
Avec la conviction de rester dans un esprit bien léché, l’absurde côtoie la fatalité à propos d’une ressource (jugée comme) en voie de disparition : le Nutella. Dans un registre plutôt rock, les Rois de la Suède se mettent à nu pour un très sensuel « Nutelle-moi une dernière fois ». Et pour retrouver des sonorités plus festives, les suédois lancent un appel à l’aide sur « Emmène moi dans ton hélicoptère ». En le dédicaçant à Yann-Arthus-Bertrand, « emmène-moi dans ton hélicoptère, vu d’en haut, comme c’est beau la misère ! », les ambassadeurs ont décidé de dégainer au moindre faux pas.
Malgré ces quatre brûlots, cette première face souffle le chaud et le froid : on se serait bien passé de « Ne Laisse Pas Traîner Ta Mère », punk/rock soporifique, ou des clichés anti-américains réchauffés (« La Petite Biatch des Américains »).
S’il manque de rythme, « Ils étaient mieux avant » redonne un coup de fouet aux paroles perforatrices d’Ivan quand il s’agit d’aborder le sujet de la pauvreté : « les clochards, c’étaient mieux avant, y’en a trop maintenant (…) C’est dur pour tout le monde, ça sert à rien de nous faire culpabiliser ». En état de grâce, les Rois de la Suède se permettent même de donner des leçons en matière d’amour : sur « T’aimer Normal », c’est le contre-pied assuré ! « Je veux juste t’aimer normal… on vivra d’amour et d’eau plate ! Si tu sens que ton coeur s’emballe, t’as peut-être des problèmes cardiaques ! ».
Marquée par les différents états d’âme du groupe, cette première face se caractérise par une intensité très inégale. Avec des mélodies moins accrocheuses qu’à l’acoutumée et des paroles parfois plus sensibilisatrices, les morceaux ne touchent pas forcément leur cible à tous les coups. C’est bien dommage…
Face A’ : Futur
Projeté dans l’espace, le temps peut subitement devenir atrocement long. Dans cette odyssée de l’espace, rien ne se respecte, rien ne se pardonne. En fanfare mode balkan (« Twin Powers »), les Rois de la Suède chargent en LSD pour se remettre en question. Les ovnis existeraient-ils ? Spielberg a-t-il vraiment inventé E.T. pour nous faire pleurer ? En tout cas, il est sommé d’appeler sa mère au téléphone… (« Les Bosses de la Terre »).
L’alcool coulant à flot, cette « Tropicana Party Planet » se poursuit : entre deux étoiles filantes, il n’y a pas de fumée sans feu. En modifiant l’angle de vue, on finirait presque par se demander si les Rois de la Suède sont arrivés en camion… ou en fusée (« Suède Invaders »). En pleine effervescence, « L’odyssée de Tétron CX 38 » va permettre d’en savoir un peu plus, mais « Le Brigadier de l’Espace » vient contre-carrer les plans… Même à des années lumières du monde des humains, les embûches se multiplient.
Après une première partie plus sérieuse, l’invitation dans l’espace des Rois de la Suède mérite d’être amplement acceptée. Entre les délires OVNIS, les soirées tendances en mini-shorts et les nouveaux chants de Noël suédois, les Rois de la Suède démontrent qu’ils sont toujours aussi déroutant. La revanche des Vulcains n’est pas encore consommée… !
Clip « Ta liberté de voler »
FICHE TECHNIQUE
Tracklist
FACE A : NEON
1) Tous les dj qui font semblant
2) Ta liberté de voler
3) Nutelle moi une dernière fois
4) Emmène moi dans ton hélicoptère
5) Ne laisse pas trainer ta mère
6) La petite biatch des américains
7) Ils étaient mieux avant
8) T’aimer normal
9) Pour toi je serais un blaireau
FACE A’ : FUTUR
10) Les bosses de la Terre
11) Twin powers
12) Suède Invaders
13) L’odyssée de Tétron CX 38
14) Tropicana, la party planet
15) La revanche des Vulcains
16) Le brigadier de l’espace
17) Spectron
Durée : 68 minutes
Album : 2e
Sortie : 2 avril 2012 (en numérique) // 23 avril 2012 (en physique)
Genres : Rock / Humour
Label : Adone