Présent sur scène au Festival Yeah! pour présenter leur premier album Adulting, le groupe Claptrap a bien voulu se prêter au jeu de l’interview. Retour à Lourmarin autour d’une table de café avec Eric Pasquereau, Julien Chevalier et Rachel Langlais.
Pour commencer, pourriez-vous nous expliquer comment est né le projet Claptrap ? Quel a été son cheminement ?
Eric avait un projet (qui existe toujours) The Patriotic Sunday qui a commencé comme un projet solo et qui est devenu un groupe qu’on a accompagné avec Paul, batteur de Claptrap, moi et d’autres musiciens. On a fait deux albums ensemble puis ça s’est arrêté et quelques années après, on est tous revenus aux nouvelles. On avait envie de refaire de la musique ensemble. Eric nous a contactés et on a décidé de jouer avec un autre musicien (Vincent – Electric Electric) pour faire de la chanson pop mais en poussant les choses dans d’autres directions. Avant on était plus dans un formalisme influencé par les trucs anglo-saxons des années 60-70. Là on voulait explorer des choses différentes, des sonorités brésiliennes. Ça a été un peu ça le point de départ et le fait d’essayer des instruments différents (synthétiseur modulaire, guitare acoustique, mandoline, percussions). Il y a également eu beaucoup de recherche de timbres.
Et vous aviez déjà joué ensemble avec cette formation ou hier soir était une des premières dates ?
Oui, on a déjà fait une vingtaine de concerts ensemble. En revanche c’est la première fois qu’on jouait sur une aussi grosse scène avec cette formation.
Et quel a été votre ressenti avec le public alors ?
A l’origine on devait jouer en bas sur la petite scène. Cela a donc été un peu compliqué pour nous de nous retrouver sur la grande scène après les nombreux petits plateaux que nous avons faits. D’autant plus dans le cadre d’un festival de musiques actuelles où tu es là pour faire la fête. Nous proposons une musique qui demande un minimum d’attention, qui est un peu moins frontale que ce qu’on s’attend à découvrir. Je pense tout de même que les gens qui avaient envie d’écouter notre musique ont pu le faire. En revanche, il y en a un certain nombre qui s’en foutait pas mal. Mais c’est le jeu. Sur le coup je ne l’ai pas forcément bien vécu mais on n’a pas à rougir de ce qu’on a fait.
La confrontation du public reste intéressante de toute manière ?
Oui même si on était quand même sur des choses plus festives dans la cadre du Yeah!. Ce qui est intéressant ici c’est qu’ils peuvent proposer des choses assez différentes qui amènent à faire un grand écart entre différents styles.
Je ne vous cache pas que l’album est assez désarçonnant à la première écoute
Rachel : Je ne crois pas qu’en faisant la musique que l’on fait chacun de son côté on se dit d’emblée « on va faire de la musique exigeante ». Ce qui nous pousse, c’est plutôt l’excitation de faire de la musique, de chercher et de s’amuser avec ça plutôt que de faire un truc que tu entends tous les jours. On est plutôt dans cette démarche là. Après les gens ils prennent ou pas.
Eric : En fait, tu fais la musique que tu as envie d’entendre avec tes références personnelles.
On voit que les festivals sont repartis de plus belle malgré les nombreuses réflexions qui ont été portées autour de la nécessaire sobriété de notre société
C’est pareil pour toute la société. C’est comme si il nous était arrivé un truc et que personne n’avait retenu la leçon ou en tout cas c’est comme un nouveau rapport du GIEC : « ha ouais c’est chaud » mais tout le monde continue pareil. C’est un peu dommage.
D’ailleurs à quel moment s’est construit le projet Claptrap ? Pendant le confinement ?
Nous avons écrit la musique avant le confinement. On a commencé et fini l’enregistrement du disque puis on l’a mixé à distance. Par contre en parallèle on a travaillé sur la colo pendant tout le confinement.
De toute façon on avait prévu d’attendre. Puis Vincent est parti (remplacé par Rachel) ce qui nous a conduit à tout reprendre puisqu’on ne l’avait pas encore joué en live. Le covid ne nous a pas trop pénalisés finalement.
Du coup, comment on reprend un projet comme celui-là ?
Julien : En fait on a eu un peu de bol car quand on s’est retrouvés, c’était pour adapter l’album au live, et cela correspondait à l’arrivée de Rachel.
Eric : Cela a ajouté un nouveau souffle au projet. On s’est d’ailleurs mis à écrire de nouveaux morceaux pour le set.
Quand on lit le descriptif de votre album, c’est un certain esprit de « bal » qui est mis en avant. Mais vous, vous le présenteriez comment ?
Dans notre imagination on faisait un album de musique du monde. D’un monde qui n’existe pas. Et on avait cette impression que c’était de la musique « dansante », en tout cas dotée d’un côté groovy, lancinant et chaloupé. On s’est peut-être avancés sur le côté dansant à la vue des réactions du public hier soir mais il y a quand même cette idée de côté chaloupé.
Personnellement je trouve que les claviers amènent un vrai contraste dans l’album
Julien : Nous on s’en rend plus compte mais on a des amis qui nous disent que même si cela ne donne pas l’impression comme ça, que cela reste de la musique assez dansante avec pas mal de choses qui contrastent entre elles, aussi bien dans les rythmes, que dans les mélodies, que dans les textures de sons. Et je pense que cela vaut le coup de s’y plonger.
Eric : C’est sûr que c’est de la musique qui demande plusieurs écoutes. C’est du slow listening, pas du fast-food. Il faut l’écouter plusieurs fois.
Nous, ça nous va bien de décrire Adulting comme un album de musique du monde d’un monde qui n’existe pas !
Ça avait un coté drôle pour nous de pouvoir nous dire que c’était bien de la musique du monde. C’est un peu le mélange de toutes les influences des individualités qui amène à la création d’un socle commun qui conserve ces différences. A l’époque où on composait, il y avait aussi un jeu à l’intérieur du groupe afin de se surprendre les uns et les autres, de manière à éviter de s’engouffrer dans un truc. Il y avait beaucoup de jeu entre nous. Cela fait longtemps qu’on fait de la musique ensemble et il fallait que ce soit excitant, que cela nous file une petite claque. En tout cas pour nous, ça a réussi.