Rencontre avec Isaac Delusion

23 min de lecture

De passage au Rockstore pour la tournée de l’album « Lost and Found« , nous avons pris le temps de discuter avec Loïc Fleury, leader du groupe Isaac Delusion. Une interview qui ne sera pas accompagnée des images du concert le soir même du fait du plantage de mon fidèle Canon 5D. L’interview sera donc illustrée avec des images prises en juin au festival Id-Ile.

Bonjour Loïc. Merci de prendre un peu de temps pour nous afin de discuter de ton projet Isaac d’Illusion. J’aimerais commencer en te demandant comment ça va ? Comment se passe la tournée ?

La tournée se passe hyper bien. Ça fait presque huit mois qu’on est sur la route. On a sillonné la France de long en large et un petit peu l’Europe. Et on fait ça avec beaucoup d’enthousiasme car c’est vraiment le moment où on s’amuse. De tout le processus qui accompagne la réalisation d’un disque, la tournée, c’est le moment où on peut se lâcher et jouer de la musique tous les soirs. En plus y a une vraie communion entre nous et le public depuis le début. C’est une chance de pouvoir vivre ça.

Le fait de repartir avec un nouvel album après une assez longue coupure et un nouvelle expérience seul à la barre, n’est pas forcément simple. J’imagine que cela doit donc te faire plaisir d’avoir une réception positive de la part du public. Il y avait peut être un peu d’appréhension aussi avant de démarrer ?

Disons que là c’était quand même assez particulier parce qu’il y a d’abord eu la pandémie. Cela a mis pas mal de points d’interrogation sur le projet, sur la suite, sur comment ça allait se passer tout ça. Et en plus, on a eu pas mal de changements dans le groupe et on a créé une nouvelle dynamique. C’est vrai que pendant un moment, c’était assez incertain.

Finalement, le fait d’avoir réussi à terminer ce disque et à le sortir, puis de voir sa bonne réception nous a rassurés. J’en tire une leçon un petit peu plus philosophique à savoir qu’il ne faut vraiment pas abandonner ses rêves. Il faut toujours voir le positif et travailler. Quand on a un rêve, il faut aller jusqu’au bout. C’était mon rêve de de ressortir un disque, de repartir en tournée et de revivre ce qu’on avait déjà vécu avant. Donc je remercie la vie mais aussi moi même pour avoir persévéré. Je remercie également les gens qui m’ont aidé à aller au bout de ce processus, les musiciens du groupe et tous les partenaires avec lesquels on a travaillé.

On a eu la chance de te voir il y a quelques mois à Avignon, début juin (ndrl Festival Id-Ile). Ce que je trouve intéressant, c’est que sur l’album, on est sur une énergie assez éthérée et que j’ai été plutôt surpris, agréablement, par l’énergie rock qui se dégage sur scène (mention spéciale à ton bassiste, Nico Boubou). Et est ce que c’est quelque chose qui est voulu? Ou est-ce juste lié au fait d’être sur scène et d’aller un peu plus loin dans ce qu’on a envie de donner par rapport au travail peut être plus intimiste autour de de la création de l’album et des mélodies ?

Ouais, c’est ça. Je pense que ce sont deux phases qui sont absolument différentes mais complémentaires. Et c’est vrai que pour nous, le live, c’est un peu notre terrain de jeu, notre cour de récréation. A chaque tournée, on se retrouve entre potes quelque part et on se fait plaisir. On met les guitares à fond, on met de la saturation. On a envie de faire du rock !

Mais après, pour la partie studio, c’est vrai qu’il y a une recherche d’esthétique plutôt. C’est un travail qui est très différent et je pense que ce qui fait notre patte c’est effectivement ce côté un peu éthéré. Je pense que les gens perçoivent une certaine élégance dans ce qu’on fait et c’est chouette. C’est un peu devenu notre marque de fabrique, donc il ne faut pas non plus arriver avec un truc trop bourrin en cd.

Mais c’est vrai qu’avec le live, on est libérés de tous ces codes qu’on doit respecter dans toute la période de production. Et là, on se fait plaisir quoi. Tout est permis, c’est ça qui est génial, c’est la magie du live !

Ce soir vous allez jouer sur une scène qui plus petite que celles que vous avez fréquentées cet été. Vous aurez assez d’espace ?

On aime bien les salles de la capacité de celle du Rockstore. Parce que je pense qu’on vient vraiment de là. Ça fait dix ans qu’on tourne et la majorité du temps, on a joué dans des salles comme celle là, hyper blindées. Il y a une espèce d’énergie, de chaleur qu’on adore. Et c’est vrai que quand on se retrouve sur des grandes grandes scènes, parfois on est un peu perdus. C’est un peu moins notre notre univers. Je pense que c’est peut-être de la musique qui qui se vit mieux dans cette « intimité » quelque part plutôt que sur des gros festivals.

Revenons sur ton dernier album. Il y a plusieurs collaborations dont une, magique, avec Olivia Merilahti. Ça s’est passé comment ? Qui a fait le premier pas ?

C’est moi qui suis venu la chercher en fait. On se connait depuis depuis un bout de temps finalement. On se croisait dans des festivals de temps en temps quand elle tournait avec The Dø. On a toujours bien accroché et on se retrouvait souvent à parler de trucs autres que de la musique. J’ai toujours gardé ça en tête en me disant que j’aimerais beaucoup faire un morceau avec elle un jour. Je lui avais d’ailleurs déjà proposé quelque chose il y a quelques années. Mais elle tournait beaucoup avec The Dø donc c’était un peu compliqué.

On s’est retrouvés il y a deux ans dans une phase de nos vies où on était à peu près rendus au même stade. Elle a un peu arrêté de faire des tournées, est devenue maman et s’est installée au bord de la mer. Moi, c’est pareil, j’ai une petite vie tranquille au bord de la mer. Je me suis alors dit qu’elle serait peut être disponible pour chanter sur un de mes titres. Et finalement, ça s’est fait assez naturellement. On s’est vus une fois, je lui ai fait écouter la maquette. Elle a enregistré une voix test et ça collait à merveille. Du coup, on s’est motivés pour aller au bout du truc et enregistrer le morceau en vrai. Et ça a été hyper cool. Moi, je suis hyper content de ce titre. C’est un rêve qui se réalise pour moi.

Il est beau ce titre. Il y a un truc qui est vraiment touchant avec vos deux voix qui se mélangent…

Il est super beau, oui. D’ailleurs Olivia est venue la dernière fois à la Cigale le chanter avec nous. Là, elle va venir à l’Olympia le faire avec nous aussi.

Et malheureusement pas à Montpellier !

J’avais envie de revenir à ce que tu disais tout à l’heure par rapport à la pandémie. Qu’est-ce que cette période a changé profondément en toi et sur ta manière de travailler? On a observé des réactions très différentes d’un artiste à l’autre qui ont été plus ou moins touchés du fait de leur sensibilité. Qu’est ce qui s’est passé pour toi ? As-tu eu des déclics particuliers ?

Ou disons que pour nous, en tous cas pour le projet et pour moi en particulier, ça m’a permis vraiment de prendre mon temps et de ne plus avoir cette espèce de pression sur le dos. Parce que jusque là, en fait, on a beaucoup fonctionné un peu dans l’urgence en faisant album, tournée, album, tournée, et on avait des gens autour de nous qui nous disaient « il faut enchaîner, il faut revenir vite, sinon les gens vont vous oublier. Il faut être présent sur les réseaux sociaux, etc. »

Et en fait, avec la crise, j’ai l’impression que tout s’est un peu cassé la gueule et tous les gens qui nous pressaient comme des citrons se sont retrouvés à eux même complètement perdre les pédales. Plus personne ne comprenait ce qui se passait en fait. J’ai l’impression que ça a un peu rebattu les cartes. Et finalement, ça a fait vachement de bien, déjà de ne plus avoir personne sur le dos en train de nous dire allez, faut faire un album, quitte à faire des trucs pas terribles. Moi je pense qu’il vaut mieux faire de la qualité personnellement. Et justement, cette situation a permis d’avoir le temps. Je me suis dit que bon, si je refaisais un disque, il fallait vraiment que ça soit un disque qui me plaise avec des morceaux que je kiffe vraiment. Des morceaux dont je suis vraiment fier.

Du coup, j’ai écrit plein de morceaux, vraiment des centaines !

Ah oui, quand même !

Je fais partie des artistes qui ont été très productifs au cours de cette période là, alors que d’autres n’arrivaient plus du tout à écrire. Je n’ai pas trop ce truc de la page blanche. C’est même un peu l’inverse, je crée tout le temps plein de trucs, mais je n’aime rien de ce que je fais en fait. Et donc du coup, je me suis rendu compte que pour que j’aime un truc, il fallait que j’en fasse 30 pour enfin me dire ah, ça c’est pas mal.

C’est donc ce que j’ai fait pendant quatre ans. Je suis arrivé avec un disque dur rempli de plein de démos et heureusement, je travaille avec un manager (Thomas Pfaff) qui m’a aidé à sélectionner et à cadrer cet espèce de flux créatif un peu obsessionnel. Je me suis aussi rendu compte qu’il faut vraiment que je travaille avec des gens qui me cadrent parce que moi tout seul en fait, c’est l’enfer (!). Mais bon, je travaille là-dessus depuis un moment et j’aborde aujourd’hui la chose de façon beaucoup plus détachée et sereine.

Et as-tu l’impression que ce qui s’est passé au cours de cette période, c’est un peu derrière nous ? N’as-tu pas le sentiment que l’on retombe en fait dans les mêmes travers, avec la même urgence qui revient, la même pression ?

Non. Moi je pense que j’ai vraiment changé en fait. Je pense que j’ai beaucoup mûri pendant cette période et c’est aussi dû au fait d’avoir quitté Paris et de m’être installé aussi à la campagne dans un endroit très calme.

Tu fais donc partie de ces parisiens qui ont fui à la campagne et qui ne sont pas rentrés ?

Je n’ai pas fui Paris à cause du Covid, j’étais déjà parti un an avant ! Mais c’est une période où je pense que j’ai beaucoup évolué. Il y a des paliers un peu comme ça où tu as l’impression que tu stagnes. Puis d’un coup, tu comprends des trucs dans ta vie et tu arrives à un degré de maturité supérieur et ainsi de suite. Parfois c’est long et parfois il y a des périodes comme ça où tout s’enchaîne.

Ça a été le cas ces dernières années où j’ai compris plein de trucs. J’ai l’impression que je suis une personne différente d’avant.

Tu as produit ton dernier disque dans un paysage breton isolé, loin de tout avec un menhir pour seul compagnon. Cela m’interroge sur ta relation à la nature : Est-elle une source d’inspiration ?

En fait, je me sens hyper connecté à la Nature. Je suis pas fait pour être citadin je pense. Pourtant j’ai grandi en ville entre Paris et Vincennes. Mais je m’y suis toujours senti très mal en fait. C’était un mal-être. Cependant je me disais que tout le monde devait être comme ça. Et je m’étais jamais vraiment posé la question de savoir ce qui me faisait vraiment du bien. Et en fait, ce qui me fait du bien, c’est de regarder les arbres, de me balader dans la foret, de faire du surf.

J’ai toujours été mal à l’aise dans des endroits bondés, dans les bars. Donc du coup, je suis très bien là où je suis maintenant. Et mon fils, qui est né dans ce cadre là, est un peu pareil que moi. Il a tout le temps les mains dans la terre à trifouiller des trucs.

Tu gardes tout de même le plaisir d’être dans des salles bondées pour jouer j’imagine ?

Oui bien sûr ! C’est un peu le paradoxe d’avoir besoin de ces grands espaces et de cette solitude et puis à certains moments, de ce concentré d’énergie. C’est que ce que je disais il n’y a pas longtemps, c’est marrant. La scène, pour moi, c’est assez particulier. Je suis moins mal à l’aise en public et beaucoup moins timide qu’avant mais je reste quand même quelqu’un de très introverti. Être le centre de l’attention, c’est l’inverse de ma nature. Être sur scène pendant une heure et demie avec plein de gens qui me regardent, c’est une angoisse en fait. Mais du coup, le fait de le faire, c’est un peu comme si je combattais une peur. Et finalement, ça me donne confiance en moi dans la vie parce que je me dis voilà, je suis capable de faire des trucs comme ça. Je pense que ça m’a fait évoluer dans la vie de pouvoir faire ça. Sortir de sa zone de confort, c’est important parfois.

Et la suite, tu l’imagines comment ? Quelles sont tes envies ?

Je pense que j’aimerais bien continuer un peu. J’imagine. Je préfère parfois quand les groupes que j’aime bien s’arrêtent au bout d’un moment plutôt que faire des albums médiocres. Je trouve qu’il n’y a rien de pire qu’un groupe qui commence à faire des albums de moins en moins bons. C’est comme si tu perdais une espèce d’estime de toi, tu n’as plus envie au bout d’un moment. Je veux pas tomber là-dedans.

Donc j’espère qu’on continuera à faire des albums intéressants ! Et j’espère aussi avoir la lucidité de me rendre compte, à un moment donné, qu’il n’y a plus l’étincelle. Pouvoir m’arrêter et faire autre chose. C’est ça aussi la musique. Mais j’aimerais quand même bien refaire un disque assez rapidement.

D’après ce que tu nous as dit, tu sembles avoir beaucoup de matière sous la main pour ça.

J’ai plein de trucs en effet. Mais Je pense que c’est toujours bien de mettre la barre un peu plus haut. Ce que j’aimerais, c’est faire un disque assez rapidement et repartir après sur une tournée, mais peut être avec des moins de dates, mais des trucs plus gros. Parce que là on a fait beaucoup de dates, on est allés jouer partout. On verra !

La tournée est prévue jusqu’à quand ?

Là, on arrive à la fin mais on a encore un gros morceau, c’est la tournée aux États-Unis. On fait une dizaine de dates là-bas et puis à Mexico. Je crois d’ailleurs qu’on enchaine sur l’Olympia le surlendemain de notre retour. Ça va faire un peu mal au crâne… Après, je pense qu’il sera temps de s’arrêter parce que ça fait déjà huit mois qu’on est sur la route. Les organismes commencent à fatiguer comme on dit.

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Article précédent

Cage the Elephant « Neon pill » (2024)

Article suivant

Compost Collaps « Transpire »

Dernières publications

Rakoon « Lounja »

Le raton laveur le plus célèbre de la scène électro/dub française a sorti la semaine dernière