Range ta merde et fait plus chier !

7 min de lecture

Il est de ces articles qui mijotent pendant des semaines, des mois, des années : « Comment je pourrais dire quelque chose là dessus, en restant correct et pondéré ? ». Et puis le déclencheur arrive et la soupape ne tient plus, il faut écrire, gueuler, lancer des anathèmes pour tenter de laisser s’écouler l’agacement et la tristesse de la gueule de nos concerts aujourd’hui, sans être ni correct, ni pondéré. Tiens, « aujourd’hui ». Serait-ce une chronique purement réactionnaire ?

Mercredi 16 novembre, Hubert Felix Thiéfaine était de retour au Puy-en-Velay, à Vals-Près-le-Puy pour être précis, moins d’un an après son dernier passage. Et quelle surprise de voir le Palais des Spectacles de Vals, immense au demeurant, plein à craquer, pour applaudir les 6 musiciens inondant le public de plus de deux heures d’un rock hors du temps, sur les sentiers de la poésie. Quelque chose qui ressemble au bonheur. Qui ressemble à une escale dans la course folle du monde.
Dès lors, quel rapport avec l’incendiaire titre de l’article et l’en-tête « énervée » et, j’aime à le penser, « énervante » ? La fameuse soupape évoquée plus haut a sauté hier, lors de ce fameux concert.

« Médiocratie / Médiocrité… Baisers graves et manipulés / devant nos écrans de facebook / on n’a qu’un pseudo pour rêver / Et s’inventer un autre look »

Plus de deux heures durant, des « fans », pour rentrer dans les anglicismes d’usage, ont fait usage de leur smartphone pour photographier et filmer à tout va l’icône de plusieurs générations, et ses musiciens. Si cette pratique n’était qu’un symptôme d’une société où l’on préfère l’image à la réalité, ce ne serait presque pas grave, mais elle est dramatique à plusieurs titres : pour dix, vingt, cent connards qui passent leur concert bras tendus à regarder à travers des pixels une image qu’ils ont en face d’eux, c’est le reste du public qui trinque, et qui se retrouve les yeux coincés derrière ces écrans qui, définitivement, font plus de mal que de bien.

Dans ce monde en vrac (vous avez dit réactionnaire ? Allez vous faire foutre.) chacun peut s’improviser photographe, vidéaste, au grand dam des personnes accréditées pour la chose et qui vont effectuer un travail propre, sans faire chier la totalité de gens venus voir une prestation scénique. A qui profitent les milliards d’images et de sons de qualité dégueulasse qui pourrissent les sites internet et réseaux sociaux de mes deux en tout genre ? Définitivement à personne ! Et certainement pas à l’artiste qui n’a rien à gagner, à l’heure où les disques ne se vendent plus, où la monétisation de la musique en ligne est quasi-inexistante, ce ne sont certainement pas ces fragments d’hébétude qui vont faire une « pub » honorable à l’artiste, bien au contraire.
Alors oui, on peut s’enorgueillir auprès des amis, famille, patrie, qu’on a vu tel ou tel chanteur à tel ou tel concert ! Si vous êtes dans ce cas, envoyez lui son putain de smartphone dans la gueule en lui disant que s’il était réellement amoureux métaphoriquement de l’artiste en question, il aurait sans doute dû plutôt profiter du concert.

Alors à toi, égoïste au grand cœur qui croit rendre service au monde en lui imposant les images que tu n’as toi même pas vu, tu ne crois pas que ce monde va assez mal ? Qu’un des rares moyens aujourd’hui d’avoir accès à la culture sans passer par ton écran d’ordinateur ou de portable en t’envoyant des ondes plein la tronche, c’est d’aller voir des concerts, des pièces de théâtre, des spectacles en tout genre, tu sais, tu te rappelles, des artistes « en vrai », et pas sur Facebook et toutes tes merdes. Alors oui, tu me fais chier, toi avec ton smartphone, et je te souhaite de ne profiter d’aucun des concerts où tu vas simplement pour l’action et le prestige, et plus pour aller voir un concert. Triste monde. Tu es un spéculateur culturel, tu profites du triste morceau de culture qu’il reste à ceux qui l’aiment pour te glorifier, montrer à la face de tous ceux qui ne sont pas aussi « branchés » que toi que tu vaux bien mieux. Ben non. Tu ne vaux même pas ces mots crus que je me fais chier à t’écrire.

Bonne nouvelle dans ce monde immoral malgré tout : la connerie n’a ni sexe ni âge. Dans les concert, les bras qui lèvent à longueur de chansons leurs smartphones sont aussi féminins que masculins, aussi jeunes qui vieux, de toutes origines ethniques, aussi chauves que chevelus, aussi riches que pauvres. Pas de lutte des classes, pas de racisme, pas de féminisme, simplement un constat de la connerie omniprésente.

NB : Cet article, vous le comprendrez, n’a pas d’images illustratives, vous n’avez qu’à commenter en offrant à la face de l’internet les photos volées lors de vos derniers concert, bande de cons !

Bapt

La musique ou la mort?
On peut chercher des réponses à nos questions à travers différents miroirs de notre société, la musique demeure l'un d'eux.
La musique est un indicateur de la santé des temps qui courent.
Sa force à faire passer toutes les émotions et tous les rêves est indiscutable, et indispensable aujourd'hui !

12 Comments

  1. Je te rejoins mon ami ! A 1000%, tu connais mon avis là dessus… C’est sans appel…
    et justement ça me rappel cette personne à un concert des « Insus », il a juste passé 1h30 les bras en l’aire avec son énooooooooooorme téléphone (tablette ? ordinateur portable ? outil d’asservissement de masse ?) pour filmer le concert et le mettre en INSTANTANE sur Youtube….

    La bonne dizaine de personne derrière lui, qui a subit cette pollution visuelle que l’on pourrait qualifier de TOTALITAIRE (pour ne pas dire fasciste), était tout simplement emprunt de désespoir…. Aussi le pire dans l’histoire, c’est que ce blaireau (bon en tant qu’écolo et naturaliste convaincu, je m’excuse auprès des Blaireaux qui n’y sont pour rien) dès la « première » fin du concert, avant le rappel j’entends, et bien il se barre et embarque sa gente dame avec lui. C’est bien triste sachant qu’il restait une demi-heure de concert, et que ELLE et ben elle s’est juste éclatée pendant tout le concert à danser et chanter sur chaque moindre paroles…

    Bref tout ça pour dire, au prisme de cet exemple, que oui, rangeons nos merde, et utilisons les pour téléphoner bordel. Et le débat sur la place de ces gadgets dans notre société est très intéressant. Et les constats accablants.

  2. Article effarant… Ce jugement simpliste, vulgaire et primaire est bien pauvre, tu dois etre bien triste dans ta vie « ptitbapt »… Les spectateurs ont le droit de profiter de la facon dont ils veulent et de garder un souvenir d’un moment heureux. Tu devrais aller plus loin que les apparences, ca te permettrait d’etre plus apaisé dans ta petite vie..

    • Drôle de réaction… « les spectateurs ont le droit(…) de garder un souvenir »
      Côté droit, pas sûr que le spectateur gagne un procès dès lors qu’il partage publiquement son « souvenir »… Avant le smartphone, les appareils photo, caméras et autres enregistreurs étaient confisqués à l’entrée des concerts, car le droit à l’image et la prestation scénique rémunérée (donc payante) étaient respectés. Les rares enregistrements pirates se refourgaient sous le manteau dans un microcosme local ne nuisant en rien à la pérennité de l’activité professionnelle de l’artiste. Aujourd’hui, avec le smartphone, le pirate ne se cache plus, et avec youtube et les réseaux sociaux, il en vient même à s’exhiber !
      Pour ce qui est de repartir avec un souvenir, la plupart des groupes proposent disques, t-shirts et autres goodies à leur concerts… un bon moyen de lier l’utile à l’agréable 😉
      Et puis, si ces objets sont « trop chers », les souvenirs engrangés par les sens ne sont ils pas 1000 fois plus forts et personnels que quelques images pourries accompagnées d’un son de merde ?
      Bref, lorsqu’on aime vraiment un artiste, on le soutient et on invite les potes à aller le voir en concert et à acheter ses disques, non ?
      Parce que sinon la diversité culturelle va en prendre un sacré coup (de plus que déjà reçu) :-/

      • Myster Outlow…ça m’étonnerait que tu sois dans la musique man. Je suis rastafari et je crois qu’il faut critiquer Babylone mais surtout, respecter l’humain. Et ce pauvre billet réactionnaire ne respecte pas mes brothers. Aujourd’hui la rémunération des artistes passe d’abord par les festivals et les téléchargement Itunes que par les CD, Jah bless. Moi je fais des tournées qui me rapportent…Et je suis heureux quand un spectateur qui a payé sa place me prend en photo ou en vidéo pour la montrer à ses amis.
        Il faut vivre avec son temps et je comprends mon public qui pense à son identité digitale. Moi je fais attention à prendre soin de mes fans sur ma page facebook par exemple.
        Sois plus peace dans ton approche man, tu accepteras plus facilement les autres. Jah bless you,
        Ras Naaman

        • « Être dans la musique » n’a rien à voir avec le débat : ce n’est pas parce qu’on est « dans la musique » que l’on doit partager ton point de vue.
          Mais qu’importe, le Rastafari que tu es m’a bien fait rire par sa réponse où « critiquer Babylone » et obtenir rémunération par « les téléchargements iTunes » vont de paire ! LOL
          « Il faut vivre avec son temps »… Ce n’est pas parce que la société évolue dans un sens qu’il faut la suivre les yeux fermés… ou plutôt, rivés dans un écran.
          Tu « fais des tournées qui [te] rapporte », j’en suis heureux pour toi ! Mais le jour où elles ne te rapporteront plus, le public préférant regarder tes vidéos volées, que penseras-tu ? Que c’est dans l’air du temps, donc faut l’accepter, et aller manger sa merde… Quel respect de l’humain ^^

        • Je suis heureux de voir que cet article suscite de telles réactions, c’était le but.
          Sans vouloir faire polémique, il soulève, à mon avis, une question fondamentale de l’époque actuelle.
          Dans un premier temps, force est de constater le courage dudit « Naaman ». Il est fort à parier que le célèbre reggae-man ne perd pas son temps dans des commentaires d’une telle médiocrité, et il faut reconnaître qu’il n’est pas donné à tout le monde de publier des commentaires visant simplement à faire la polémique sous un faux nom…
          Mes excuses, ce processus lâche est puérile est en fait à la disposition de tous ceux qui aiment provoquer la polémique sans engager leurs identités.
          Ce pauvre billet n’est pas réactionnaire, sinon il serait sans doute écrit à la main et diffusé sous le manteau dans une revue anarchiste que l’on se passe au milieu des rues. Et quel magnifique argument de tous les pseudos-progressistes d’aujourd’hui, qui ne remettent jamais la question des technologies et de leur pouvoir d’assouvir une certaine classe, et de ridiculiser le réel, au milieu du débat, en traitant simplement leurs détracteurs de réactionnaires.
          Pourquoi discuterait-on ? Réactionnaire !
          Car oui, aujourd’hui on ne peut plus critiquer l’usage qui est fait des téléphones portables, sinon on est réac. Je suis déçu qu’aux émissions culturelles, politiques ou même humoristiques d’hier se soient substituées la télé-réalité et Hanouna, je suis réac, merde.
          Il me semble que sur un simple plan factuel, le fait de « garder un souvenir » qui nécessite de pourrir le concert d’une partie du public n’est pas un bon argument. Il est simplement la preuve si nécessaire d’un individualisme qui tend vers l’infini.
          Mais en effet, si tu as pu t’acheter un portable à 800 balles, tu ne peux sans doute pas acheter un CD à 10 euros, c’est dommage, il aurait pu être dédicacé. Mais un souvenir qui ne se conserve pas sur un écran n’est sans doute pas un bon souvenir.
          D’autre part sur un plan moral et éthique, il est triste de ne plus pouvoir exprimer son désarroi face à une société où l’on préfère l’image au réel, où l’on préfère filmer un arc en ciel plutôt que de le regarder de ses propres yeux, car dans une société d’ultra-consommation, il est nécessaire de pouvoir voir un arc en ciel à chaque fois qu’on en a envie. La logique, l’éthique, et même le bon sens, voudraient pourtant que ce soit du rare que naisse le beau, et que voir un arc en ciel à un moment donné puisse permettre d’emmagasiner des souvenirs non pixelisés.
          Mais je suis réactionnaire,
          C’est pour ça que je signerais de mon nom, en mordant mes lèvres de m’être cantonné à une réponse po lie.
          Baptiste SOUQUE

  3. Mais ouiiiiiiiiiiiiiiiii

    De tout coeur avec ton coup de gueule.

    Et encore, tu parles pas des gens qui filment… avec une tablette. Parce qu’une tablette, c’est plus gros, donc ça fait encore plus chier de gens derrière. Pour une qualité déplorable, évidemment, et des films qu’ils ne reverront jamais…

  4. Je fais de la photo amateur, et si je peux conserver quelques minutes d’un concert ou j’ai traversé l’Europe pour le voir, et que cet instant ne se reproduira jamais, je considère que oui, j’ai le droit de « voler » quelques minutes en essayant de ne pas trop gêner, par contre j’ai vu plein de gens me faire profondément chier et me pourrir des concerts en gueulant comme des veaux par dessus le chanteur, agités du bocal en sautillant comme s’ils étaient seuls en boite sans même lever les bras avec le moindre appareil, leur transe solitaire leur faisant oublier que devant derrière et sur les côtés y’avait des gens qui avaient des pieds et des oreilles ! … et c’est dans le fondement que je leur aurait enfoncé une tablette s’ils en avaient eu une !
    Un photographe respectueux ne va pas utiliser une tablette de merde qui va faire des photos de merde en faisant chier le monde, mais il ne va pas non plus pouvoir utiliser du bon matos parce qu’il va marcher sur les gens « accrédités » qui vont pouvoir capturer des images parce que le fric est de leur côté, donc il va lui rester la merde qu’on est obligé de tenir en l’air faute de mieux.
    A noter que ça ne dérange pas non plus les grands de faire ch les petits derrière !

    • Jo Nice, je reprends juste ta phrase: « les gens « accrédités » qui vont pouvoir capturer des images parce que le fric est de leur côté ». Quel fric ? La plupart bosse bénévolement pour des webzine, payent leur matos, certes pro ou semi-pro et leur carburant pour aller au concert. De plus, ils passent du temps à retravailler leurs photos. Bref un investissement en temps et en argent, très très souvent juste pour le plaisir de la photo et bien entendu de la musique. autant allier les deux.
      Donc ton argument fric, j’aimerai bien que tu me l’explique

  5. Un article original sur Vice qui soulève des aspects pas forcément connus du milieu hard de la photo et permet d’étayer le fameux « argument fric » :
    https://creators.vice.com/fr/article/hey-la-photographie-va-te-faire-foutre?utm_source=vicefrfb
    🙂
    Désolé Jo Nice pour la dernière fois où j’ai pogoté… M’est avis malgré tout que le fond de salle ou les gradins ne sont pas dégueux pour qui aspire à se délecter au clame d’un instant musical.

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