C’est la rentrée, on traîne encore quelques grains de sables au fond des valises et des souvenirs en poupées russes. L’horizon a rétréci au tic-tac du réveil, la nostalgie de l’été se dissout lentement dans les tasses de café… Bref, ça sent le roussit. Alors pour se remettre au pas doucement, rien de tel qu’une escale un vendredi soir au Bijou histoire de pousser le dépaysement encore un poil. On y était entre amis, pour découvrir Matéo Langlois, repéré au prix d’écriture Claude Nougaro ; compositeur, interprète, poète, prêcheur fou et qui sait encore… Ce soir-là, on a croisé un chameau, attendu avec lui le dernier métro, côtoyé Yoda et même Céline Dion! Sacré voyage… On vous raconte.
Il a des airs de Petit Prince échappé d’un roman noir… Bien sûr, aux premières notes, on pense à Nougaro, une profondeur à la Brel, quelque chose de la désinvolture de Gainsbourg… Entre espièglerie et spontanéité, la voix de Matéo nous arrache à nos chaises et nous trimballe d’une planète à l’autre. Une goutte de Minvielle parfois, l’énergie féline et délurée de Général Elektriks au clavier, un côté écorché à la Loïc Lantoine… Au chant, au piano ou au saxo, Matéo Langlois s’empare de ces influences et les malaxe pour en faire une pâte bien à lui, un univers au grain singulier, qui jongle entre sensibilité et grincement, absurdité et onirisme.
C’est dans La ville que Matéo ouvre le bal. Il brode l’ambiance, avec un usage subtile et parcimonieux des effets ; rhodes, beat box, pédales, bec de sax ; on y est, dans la ville, sa rumeur grotesque, les sirènes angoissantes, les échos strident de la jungle urbaine…. Sa voix nous saisit à la gorge, les mots nous percutent et résonnent, résonnent, résonnent… « Fais gaffe si tu restes ici le goudron va finir pas salir ta poésie » nous prévient-il. On emboîte le pas à son ombre sur La promenade nocturne d’un rockeur maudit ; « le temps du dernier métro du dernier mégot, j’ai mal à l’égo ». Matéo empoigne ses textes à bras le corps, les fait groover, leur tord le cou, s’improvise conteur. Titubant, hypnotique, viscéral. Viens le temps des Fôtes d’Orthographes, « les ratures, toutes les conneries qu’on fait et qui s’inscrivent toujours dans les plus beaux des paragraphes ». On se retrouve écoliers, touchés, coulés par des lignes qui froissent les os, hérissent et bercent de concert.
La déjà fameuse Décoder les cases viendra en rappel ; à propos des barrières intérieures qui nous empêchent d’avancer et qui nous protègent tout à la fois. C’est définitivement un drôle d’oiseau, Matéo Langlois, une Mouette libre, ou un Prisonnier volontaire, dépend d’où porte le regard, quoi qu’il en soit le vol est réussi, il en ressort quelque chose de très mur, une maîtrise quasi-parfaite, tout dans la nuance.
Il est ému et ne s’en cache pas. Il Donne sans mesure, de ceux qui ont compris que la musique se vit comme elle se partage. Toujours est-il que ce soir on est reparti chacun avec quelques notes à fredonner, comme un petit caillou bien chaud dans l’engrenage des jours qui raccourcissent…
Matéo est un adepte du Tranquillement et ça lui réussit plutôt bien… Alors on attend, patiemment mais sûrement la prochaine balade… !