Cela fait maintenant 33 ans que le Massilia Sound System aïolise les foules. C’est un chouia moins long que la disette marseillaise en terre girondine, mais peu importe. Cette série-là, tous les chourmos dans la place espèrent bien qu’elle va continuer… De toutes façons, y’a pas d’arrangement !
Presque deux ans après leur dernier passage au Rockstore de Montpellier, Massilia reposait donc son sound system dans la célèbre salle à la Cadillac encastrée. Et comme à chacune de leur venue, le Rockstore a suffoqué face à la furia phocéenne. La salle, aussi belle qu’elle soit, n’est pas si bien adaptée que ça aux affiches de grosses affluences. A ce détail près, tous les ingrédients étaient réunis pour passer une méchante soirée. Le fond de scène au bleu éclatant est toujours présent et le selecta, l’éternel Dj Kayalik, trône au mitan. Les inconditionnels Papet Jali, Tatou et Gari Greu ne tardent pas à lui emboîter le pas tandis que Janvier et Blu s’occupent de lancer les hostilités.
Après s’être mis à lancer ses concerts par le track A Marseille, Massilia est repris ses bonnes vieilles habitudes en remettant Pauvre de nous en tête de liste. Avec une facilité déconcertante, le groupe déroule et enchaîne les hits. Même si la setlist est quasiment identique à celle proposée par le groupe depuis la sortie de « Massilia » (2014), quelques ajustements sont opérés : afin de mettre tout le monde d’accord (et d’entrée), Massilia a choisi de balancer ses morceaux « neufs » qui sonnent « vieux » d’entrée avec 3 Mc’s sur la version et Parlar fort. Du reggae, forcément, de l’occitan (Parla patois), un revitalisant Commando fada en première partie de concert, il est bien difficile de faire une entrée en matière plus percutante.
En un claquement de doigt, le spectacle bascule : les membres, aussi complices sur scène qu’avec le public, enchaînent autant les morceaux que les anecdotes. Elles sont à la fois drôles… et criardes d’une société qui maltraite l’homme. Elles débouchent souvent sur des luttes (Toujours… (et toujours)) ou sur une ode à la vie (Le marché du soleil). Quelques fois asséché mais, en partie, rassasié (Vive le PIIM), Massilia n’a pas dérogé à sa règle, celle de payer sa tournée de pastis aux plus téméraires du Rockstore. D’ailleurs, cette dernière a eu lieu relativement tôt dans le concert. Après tout, il fait toujours très chaud dans la fournaise montpelliéraine.
En creusant l’aspect digital de ses sonorités (Ma ville réveille-toi !) ou celui d’un côté plus traditionnel (Tout le monde ment), chacun y trouvera son compte. Les visages s’illuminent, certains essaient de réveiller les consciences, d’autres frétillent, mais tous ont choisi la fête comme dénominateur commun. Même si le partage en tous points est clamé, en bon garde-fou, Massilia continue de chanter des morceaux qui restent malheureusement toujours d’actualité : on aime forcément le tour de force de Moussu T avec son puissant Cansoneta farai contre les fascistes, français ou occitans, et l’incontournable hit Ma ville est malade.
Bercé entre nos deux mondes, celui que l’on espérerait et celui qu’on se mange tous les jours sans ménagement, on a forcément envie de s’évader A Marseille ou un Dimanche aux Goudes (facile). Pourtant, il est impossible de se la fermer et d’encaisser : Massilia persiste et signe depuis plus de 30 ans avec un de ses slogans, Interdit aux conos, à inscrire sur tous les frontons des monuments, avant de se rebiffer (Est tot pagat).
Du désespoir à l’amour (Bouteille sur bouteille), à la vie à la mort (pensée pour Lux B), Massilia Sound System est infatigable. Ils paraissent toujours autant s’éclater quand ils lancent leurs fameux Oai décliné en multiples facettes (accroupis/assis/allongés), comme ils n’en finissent plus de faire tourner leur public jusqu’à l’épuisement avec la traditionnelle Tuba la pipa… Et là où ils arrivent encore plus à nous surprendre, c’est quand ils reviennent une poignée de minutes pour proposer un medley « à l’ancienne » après un énième rappel et qu’une bonne partie du public était partie. On s’est fait piéger… mais c’est de bonne guerre !
« Attaquer le monde entier, depuis chez moi, avec mes moyens » (Tatou).