Découvert au fin fond des Baronnies en début d’été, Ultramoule est un projet atypique déjanté que nous souhaitions vous présenter. Exclusivement composé de nanas, le groupe se réclame d’un engagement féministe assez évident et nous questionne sur la place des femmes dans les musiques actuelles. Bobe a bien voulu se prêter au jeu de l’interview…
Bonjour Bobe. Peux-tu nous présenter le projet Ultramoule ? Qui êtes-vous, d’où venez-vous ?
Bobe : Salut Le Musicodrome ! Ultramoule c’est un trio (constitué de trois femmes), Butch au chant lead et à la boîte à rythmes, Konda au violoncelle et Bobe au violon et nous sommes basées à Lyon. Nous avons également rassemblé une équipe entièrement féminine… Nous nous sommes rencontrées pendant nos études et au vu de nos engagements politiques communs nous avons eu envie de monter ce projet, un projet déjanté qui nous permet de faire passer nos messages et de sensibiliser notre public à des questionnements qui nous tiennent à cœur.
Le nom du groupe, Ultramoule, est loin d’être neutre. Dans une période où la question de la place de la femme dans la société, en particulier dans le monde artistique est clairement débattue et où les violences et agressions faites aux femmes sont beaucoup plus médiatisées, votre projet est-il né en réaction à cette situation ?
Bobe : Oui il est certain que la libération de la parole sur ce sujet nous a aidé à nous lancer dans cette aventure, car en bonnes féminazies que nous sommes, la mise en lumière de tout ce sexisme sur les réseaux, dans la vie quotidienne et professionnelle nous a bien remontées. On pouvait se sentir impuissante face à toutes ces injustices et la musique étant notre moyen d’expression, c’est notre forme de militantisme et d’action. Nos concerts suscitent souvent des débats, soit avec nous et le public, soit le public avec lui-même. Il est également très rare de voir une équipe exclusivement féminine alors que l’inverse est très très très très courant.
Sur scène, vous faites un cours sur le clitoris. Ultramoule peut être considéré d’utilité publique ?
Bobe : On espère bien oui ! Il y a encore tellement de méconnaissance à ce sujet, que ce soit le clito ou tout l’appareil reproducteur féminin en fait. C’est pas si compliqué, il suffit que l’école l’enseigne un peu plus, mais bon pour le moment c’est nous qui le faisons. On démarre aussi un atelier de création dans un lycée en février prochain où l’on va intervenir en cours de français avec une professeure très investie. Cela va nous permettre de parler du genre, des dominations, de questionner les élèves sur leur rapport aux stéréotypes tout en les faisant créer et libérer leur propres paroles.
A ton sens, les femmes sont-elles suffisamment mises en avant dans le monde de la musique ?
Bobe : Même si des progrès se font, c’est quand même encore pas terrible. Les instruments restent encore très genrés (les femmes batteuses, percussionnistes, guitaristes, bassistes etc sont rares contrairement aux chanteuses, violonistes, flûtistes, harpistes…). Et à la régie n’en parlons pas. Elles existent hein, elles sont bien là, mais très peu sont mises en avant et connues. Amusez-vous lors d’un festival quelconque de compter les femmes présentes sur scène ou en régie, une main suffit (aller deux si on est dans un espace autogéré). Ou encore citez nous une cheffe d’orchestre aussi célèbre que Bernstein, Dudamel ou Karajan.
Que penses-tu de l’émergence de festivals à la line-up 100 % féminine ? Nécessaire ou pas pour faire avancer le débat ?
Bobe : Complètement nécessaire, combien de personnes diront : “Ah bah super les mecs se font éclipser, maintenant pour faire le buzz il faut que des paires d’ovaires ! “ Ben ouais mais n’empêche que les hommes sont présents partout dans tous les corps de métier, parfois sans une seule femme, et ça ne choque personne car ça a toujours été comme ça. Ça fait réfléchir tout le monde même si beaucoup ne sont pas d’accord (femmes ou hommes d’ailleurs).
Musicalement, on sent que vous vous rapprochez de groupes comme Die Andwoord ou Stupeflip avec la particularité d’utiliser violon/violoncelle et machine sur scène soit quelque chose de pas habituel du tout. Quelles sont vos principales influences ?
Bobe : On en a plein ! On adore Philippe Katerine par son absurdité, Giedré par son ingénuité hardcore, Die Andwoord par leur côté creepy, Stupeflip par leur grandeur décadente, Sexy Sushi par ses instrus chelous et Fatal Bazooka par ses parodies rigolotes. Vous mélangez tout ça et ça donne Ultramoule !
Avez-vous déjà ressenti de l’incompréhension voire des réactions agressives du public par rapport à ce que vous représentez ? Je pense à un épisode que vous avez partagé sur votre page Facebook…
Bobe : Oui on a eu un peu peur quand un mec est venu sur scène pour nous interrompre un jour, car il a pas du aimer nous voir comme ça. Ça fait un peu bizarre de se dire qu’on peut pas exercer son métier (en l’occurrence pas tellement dangereux d’habitude) en toute sécurité. Mais le cadre était particulier, c’était une scène donnant sur un parc où il y a du passage, les gens présents ne venant pas spécialement pour voir le concert. Au moins on sait qu’on dérange !
À part ça, lors de nos interventions entre les morceaux, certains mecs (oui que des mecs, pas des meufs) nous braillent “ on s’en fout!” ou “on s’en bat les couilles” car on pense qu’ils ne comprennent pas vraiment la dimension artistique et le second degré et ils se sentent plus pisser. On a cru entendre un “Sales Putes” aussi à un moment, mais on le prend bien car pute c’est pas un gros mot, c’est un métier.
Pour finir, quelle est votre actualité ? Où pouvons-nous vous retrouver cet automne ?
Bobe : Alooooooors la bonne nouvelle c’est qu’on a rejoint l’équipe de Spread The Word, la branche booking de Jarring Effects ! Merci à eux.elles <3 Sinon on va jouer au Tremplin à Beaumont le 31 octobre, à l’Antifa Fest à Lyon le 12 décembre et au Grand Marais à Roanne le 20 décembre. On sort aussi un clip en janvier/février, d’une chanson anti-bodyshaming et on a sorti un clip live mi-septembre de Guerilla Girls, une dédicace à tous les mouvements féministes et à toustes les activistes qui se battent pour l’égalité et la justice. Voilàààààààà ! Bisous !