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Un peu par hasard, nous découvrions l’artiste Hildebrandt au détour d’un premier album étonnant, « Les animals », sorti en fin d’année 2016. Entre rock et chanson, l’homme s’était prêté au jeu de la poésie pour causer connaissance de soi, avec un brin de nostalgie et d’amertume, par rapport au moment présent. Près de 2 ans plus tard, Hildebrandt revient avec « îLeL », subtil à souhait.
La féminité comme fil directeur. Ici, il ne s’agit pas seulement de la femme. Ici, on considère l’ensemble comme un tout ou plutôt, le tout comme un ensemble. N’allez pas croire pour autant qu’Hildebrandt se cherche à nouveau ! Après avoir exploré son côté animal, voilà qu’Hildebrandt poursuit l’exploration de soi, de il ou de elle. Bien décidé à se mettre à nu, l’artiste tente de comprendre la perception de l’autre, celui qui, physiquement, semble si éloigné alors que si peu nous distingue. C’est bon, « le genre est sous les verrous ».
Cette conclusion, nous allons vite y arriver tant elle saute aux yeux. D’abord, un simple coup d’œil à la pochette nous envoie un sacré indice : tel le Joker qui refuserait d’être genré, Hildebrandt se maquille pour mieux interpeller. Il et elle. « îLeL ». Le décor est dressé.
« Les animals » passé, ce sont avec des arguments davantage pop qu’Hildebrandt s’arme pour mieux prendre à contre-pied ceux qui pensaient que l’auteur partirait plus vers des contrées rock sur ce second opus. Avec le synthé sous les bras, Hildebrandt se pose aussi un peu plus sur cet album comme pour davantage contempler les éléments qui nous entourent, les bons comme les mauvais, les doutes et aussi les inepties.
Dans cette société qui déraille, où l’Homme marche au pas du dictat du corps et des idées malsaines qu’on veut lui faire avaler, Hildebrandt sort un premier track puissant, sur fond electro/rock, avec Docteur. Cet écho, il va résonner jusqu’en fin d’album avec Cannibale, rythmé et percutant, qui force à se rappeler qu’on finit tous par se faire bouffer… Dans ce monde déraisonnable où chacun, finalement, cherche sa place, le corps, lui, évolue : il nous rappelle que notre état moral y est intimement lié (Si ça va) et que les gens ne l’aident pas forcément (Ce n’est pas qu’il fait froid).
Emprisonné dans une bulle qui semble impossible à percer, l’esprit vagabonde et tout s’embrume… Les rapports aux uns et aux autres peuvent paraître difficiles, Hildebrandt le sait, et il va s’adjuger les codes pour mieux les détourner (Garde tout bas).
« Je n’aime pas les hommes, je n’aime que les femmes et les chiens / je n’aime que les borgnes, quand tous les regards se portent au loin »
Finalement, c’est tantôt homme, tantôt femme (Je suis deux), qu’Hildebrandt explore le corps et l’esprit qui va avec. Cette bombe sucrée, extrêmement bien ficelée, tombe les frontières des représentations sociales de la question et elle la sublimera sur Travesti qui découpe les clichés à coups de vers. La finesse a pris le pas sur l’ivresse.
Face à cette douceur qui envahit l’être, les machines se calment et c’est le piano d’Albin la Simone qui s’invite à la fête : à pas feutrés, Hildebrandt tâche de se retenir pour ne pas se pourrir la vie (Attends) avant d’en tomber amoureux. Sublimé par les notes qui résonnent, Hildebrandt finit par lâcher prise : trois chansons (Vingt, Emilienne, Qui de nous) pour trois hommages (sa femme, sa grand-mère, sa fille), la boucle est bouclée…
Avec ce second album, Hildebrandt a résolument surpris. Son premier, déjà très bon, voit donc se prolonger les questionnements propres au questionnement de soi et toutes les remises en question qui va avec sous un autre angle. Musicalement, l’artiste s’offre un équilibre maîtrisé entre pop, rock et chanson qui a le mérite d’entraîner l’auditoire dans ses réflexions. Pari réussi !
Hildebrandt, « îLeL », disponible depuis le 13 septembre 2019 sur le label at(h)ome.