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« Le temps est venu de sortir de ton esprit ». Voilà ce qui résonne lors des premières secondes de ce « Time has come ». De cette introduction à la première écoute, le constat est indéniable : une fois encore, High Tone n’a pas choisi la facilité dans ce septième opus. Une fois encore, le contenu de cette nouvelle galette risque de faire beaucoup parler. Alors, parlons !
Du fan qui attend la sortie d’un nouveau disque avec impatience au défricheur toujours avide de découvrir de nouveaux sons, il y aurait vraisemblablement autant d’interprétations que de personnes à l’écoute. Quand la discographie d’un groupe est aussi riche que celle d’High Tone, les avis peuvent fleurir à foison sans qu’on les considère vraiment comme argent comptant : cela parait comme une évidence mais le dernier album des lyonnais sera perçu comme « du génie » pour les uns et comme « une déception » pour les autres.
Avec « Time has come », paru le 1er mars sur le label Jarring Effects, High Tone a présenté-là ce qui se présente comme l’album le plus expérimental jamais réalisé à la première écoute. De plus, il semblerait que cette galette soit la moins accessible pour les non-initiés. Alors, frôle-t-on le génie ou la déception ? Cinq ans après la sortie du (déjà) expérimental « Ekphrön » qui en avait désarçonné plus d’un, High Tone s’offre donc une nouvelle expérience. Une expérience à la fois plus calme et plus sombre que celle présentée dans l’opus précédent.
Tout d’abord, il y a eu l’envie de voyager et d’être toujours au plus près de ses inspirations, l’Asie. Une partie de l’album y a été écrite, composée et enregistrée directement sur place, lors de la tournée du groupe en Asie du Sud-Est en 2017. Cette attachement à la culture orientale fait partie de l’identité du groupe : si elle a été plus en retrait sur « Ekphrön », la voilà remise au premier plan sur « Time has come ». Au-delà de ce retour en verve, c’est notamment sur son appropriation hybride que les choses évoluent : à l’image de Ritual of death, enregistré au Morning House à Chengdu (en Chine) avec une flopée d’instruments traditionnels (erhu, pipa, shamizen…), High Tone aime toujours partir en grandes envolées lyriques.
Outre ce morceau qui résume bien l’importance des sonorités orientales dans l’univers d’High Tone, les six autres titres qui structurent l’album aspirent vers d’autres mélopées. D’abord, High Tone a remis le skank dans ses titres (grand absent de la cuvée précédente) et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle. De la puissance dégagée par « Ekphrön », il en a extrait l’essentiel pour le faire skanker à nouveau, notamment à travers Conspiracy, la première bombe de l’album. Elle explose, elle est massive, elle ramène en arrière… mais elle sonne aussi comme un air de déjà entendu (allusion à Fly to the moon ?). L’autre explosion vient plus loin, de Babylon empire, mais la découverte ne paraît pas totale, dubstep en toile de fond et des similitudes apparaissent de nouveau.
Mais ce qui reste finalement comme le plus étonnant, c’est l’enveloppe techno qu’High Tone a souhaité apporter à ce « Time has come ». Earth breath, stratosphérique, fait vibrer les murs et nous fait prendre une sacrée altitude à travers un périple de plus de 6 minutes. Ici, dépassement des limites et redécouverte des sens, sorte de cercle vicieux sonore sans fin. Cette emprise techno perdure sur Walk for the future comme pour mieux muter et se digitaliser… ou sur l’atypique Oh why, avec la chanteuse chinoise Yehaiyahan. Début techno pour virage dub/electro, High Tone serait-il nostalgique ?
Dans tous les cas, The forge rappelle qu’High Tone tend toujours vers le registre ambient (le groupe aime clôturer leurs derniers opus de cette manière). Au travers ces séquences exploratoires, les puristes vont forcément penser au fameux « No border », le second volet de l’album « Out back » (2010), qui avait assit, à l’époque, cette envie d’ailleurs.
Qu’on se le dise, sous ses airs de bête hybride à la première écoute, ce « Time has come » n’est pas aussi complexe qu’on pourrait l’imaginer. S’il peut se révéler un peu court avec ses 9 titres (pour une quarantaine de minutes), il continue d’accorder une place particulière à la culturelle orientale dans ses compos. Adepte d’expérimentations sonores depuis plus d’une vingtaine d’années, High Tone ne déroge pas à ses habitudes avec une influence techno qui parait assumée dans ce nouvel opus. « Parait » car, après deux derniers opus assez tranchés musicalement, High Tone semble vouloir y revenir dessus.
High Tone, « Time has come », disponible depuis le 1er mars 2019 sur le label Jarring Effects / album en libre écoute sur Bandcamp