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Quatre ans après la sortie de « La belle étoile », album de la discorde parmi son public, Babylon Circus récidive. Mais peut-être que l’issue sera différente cette fois…
La scène alternative des années 90/2000 disparaît, elle a même pris un sérieux coup dans l’aile en 2012 avec les fins programmées de groupes emblématiques tels que La Ruda, Marcel et son Orchestre ou encore La Phaze pour ne citer qu’eux… Pourtant, il reste encore des groupes qui brandissent bien haut cet étendard, fièrement, sans renier leur passé ou à vouloir s’entendre sur les ondes (citons Les Ogres de Barback, par l’exemple). Mais arrêtons de s’enfermer dans les insupportables « c’était mieux avant » et acceptons l’évolution et la marche de la maturité car un groupe qui ferait toujours la même se verrait, aussi, accorder des reproches. Il s’agit cependant d’arriver à trouver cet équilibre musical tant espéré.
Il y eut un temps « où les rencontres éphémères se mêlent aux discussions philosophiques (…) où le marchand du sable vend du rêve » (1). Les cuivres rugissaient, un subtil mélange de ska et de reggae, teinté de rock, enflammaient ce cocktail appelant à la fête et au partage. Une griffe signée Babylon Circus, colorée et marquée au fer rouge, sous le grand chapiteau. Mais les choses changent : Ce Soir, « il fera jour », sur fond de paroles mielleuses à la sauce Tryo ou Boulevard des Airs, en entonnant des « sans toi je ne sais plus que je suis ».
Lorsqu’ils résistaient en chansons, on pouvait retrouver « du rakis, des loukoums, des tapas, des jus de fruits, des glaces partout, de la musique et du bruit » (2), mais les traces du temps, elles, s’effacent : Open bar, insupportable, brouille nos sens, nos repères. Trop simpliste, pas assez perforant, on a du mal à retrouver cette « lueur d’espoir comme dans un poème » (3), on finirait même par croire que Babylon Circus, sur le coup, n’est que De passage. Rock retenu pour cuivres renvoyés en second plan, la force des textes paraît, elle aussi, en bout de course : tenter sa chance à l’eau de rose, « juste une nuit de printemps pour la revoir danser » (Nuit de printemps) ou en mode doux rêveur (Je plane), elle semble loin l’époque où Babylon chantait « l’huile sur le feu, on jette l’huile sur le feu ! » (4).
Poussif, l’album ne semble en fait jamais décoller, s’enfermant dans des sonorités entendues et ré-entendues made in chanson française comme sur I like you et ses « Dis moi madame, do you like me ? ». De quoi assommer l’auditoire encore debout.
Dans ces sentiers de la perdition, on pourra tenter de sauver trois morceaux : le premier, éponyme, Never stop, marqué par des apports du synthé et d’une petite ligne de basse sympathique… même si les paroles sont, encore, à désirer (« You’re never stop ! Pour toi courir, c’est comme une religion, non mais sérieux, tu déconnes »). Enfin un peu de finesse et d’évasion sur Demain dehors, jolie histoire au fil des saisons imagée sur ceux qui sortent de prison, du maton au condamné, « demain dehors, demain de l’air, et alors ? Et après ? à quoi bon s’enfermer dehors ? ». Un sursaut d’orgueil dans un tableau bien triste, Babylon s’offre une dernière parade, taillée pour la scène, nommée Babylon requiem. Enfin du rythme, enfin de l’agitation, enfin des cuivres suant, Babylon part prier toutes les bonnes causes qu’il a à défendre… et c’est pas trop tôt.
Malheureusement ce ne sont pas ces trois titres qui vont gommer cette grosse déception. Entre les claviers sonnant ‘pop’, un teint plutôt rock et des cuivres à la limite du bannissement, on avait déjà senti le vent du changement sur « La belle étoile » (2011). Pourtant, ces briques posées du nouveau Babylon nous avaient fort agréablement surpris à l’époque, nous faisant clairement pencher du côté des « convaincus » de ce virage musical. Cet album renfermait une image de maturité musicale en conservant finesse, douceur et morceaux plus qu’entraînants.
Sur « Never stop », il semblerait que Babylon Circus se soit perdu en chemin. On ne détecte aucune originalité d’un point de vue musical, Babylon nous ressortant les ingrédients de « La belle étoile » en plus pop, plus anglais et surtout plus lisse. Et cette absence de magie se remarque autant dans les mélodies que dans les textes. Les 33 minutes de cet album semblent en effet bien longues.
Bref, l’album de trop pour Babylon Circus.
Peut-être qu’il trouvera un écho différent auprès du grand public car il semblerait bien que, musicalement, ils se rapprochent de la recette d’autres Tryo et Boulevard des Airs actuels.
(1) : paroles Au Marché des Illusions / (2) : paroles De la Musique et du Bruit / (3) : paroles La Caravane / (4) : paroles L’huile sur le Feu
Babylon Circus, « Never stop », disponible depuis le 23 août 2013 (11 titres, 33 min.) sur le label One Hot Minute.