Rythmés par l’enchaînement des festivals estivaux, tâchons de retrouver un peu de stabilité avec aujourd’hui le retour des chroniques express, les fameux focus sur des galettes qui ont attirées notre attention au cours des derniers mois et qui n’ont pas encore été passées au crible. Au menu du jour, deux EPs dans notre viseur : « Ghost track » des lyonnais d’High Tone avec un des rappeurs familiers de leur entourage (Oddateee) ainsi que le nouveau projet collaboratif des agités Smokey Joe & The Kid avec un des MCs des Puppetmastaz, Blake Worrell (« Smokid Inc. »). Des chamboulements ont d’ores et déjà été constatés dans l’environnement sonore de ces groupes… Une chose est sûre, leurs nouveaux sons vont surprendre !
High Tone « Ghost track » (25 mai 2015) -ABSTRACT HIP HOP/DUB-
On le dit et le répète depuis quelques temps déjà : High Tone, pilier infaillible de la scène dub française, poursuit sa mutation hybride sans se retourner. Malgré les cris et les alertes lancés par une poignée d’irréductibles de la première heure, les lyonnais ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. La galette, « Ekphrön », aussi dévastatrice que surprenante, n’est finalement qu’une facette de la pierre apparente de leur nouvel édifice. High Tone, avec ce « Ghost track », est en train de façonner un univers qui n’a rien de lisse. A la fois énigmatique et digital, le crew poursuit son exploration dans cet espace remplit de failles et de machines. Les coups de truelles dubstep et abstract laissent la place à un matériel beaucoup plus sophistiqué et précis, High Tone travaille les sons avec une finesse à en faire perdre l’équilibre. Voguant au gré de séquences instrumentales quasi-psychédéliques, le titre Ghost tape nous propulse progressivement dans les hautes sphères ! Sous les assauts électroniques, High Tone ferait presque office d’ovni sonore tant les phases expérimentales fleurissent sur cet EP. Si l’on retrouve, comme souvent, une intervention remarquée du MC Oddateee (Mercy) à la limite de la saturation, la machine est bien lancée au cours de cette exploration. Stratosphérique, l’envolée d’All this things met la barre très haut : valse des synthétiseurs, basse en ébullition, une touche dub/steppa (unique sur cet EP) envahit doucement les ondes pour se propager tel un souffle suffoquant. Le dernier track, un 72 returned remixé par les mêmes mains que la version originale de 72 turned off, révèle le stade de maturité acquise par le groupe : soupçons de rock, penchants noisy, notes électroniques léchées, la fronde gronde et nous laisse planer en plein cosmos… High Tone vient de changer définitivement de dimension. La violence tonitruante de « Ekphrön » nous a subitement lâchée, bien malin de dire où est-ce-que les lyonnais vont bien nous emmener lors de leur prochain voyage…
Smokey Joe & The Kid « Smokid Inc. » (14 juillet 2015) -ELECTRONIQUE/HIP HOP-
Après les péripéties des lyonnais de Jarring Effets, une autre sortie a été particulièrement suivie entre nos murs… Il faut dire que les deux derniers EPs (« The Game » et « Rough & Tough », 2014) nous avaient littéralement mis à l’eau à la bouche. Avec leurs allures de maîtres sorciers western spaghetti, Smokey Joe nous a habitué à des sons détonants, entre electro, swing et hip hop raffinés. La sortie de « Smokid Inc. » pour le 14 juillet donnait déjà à la galette des allures de fête, d’explosion des sens, devenues habituelles à chaque écoute des Smokey. Cerise sur le gateau, 3 des 4 titres présentés sont accompagnés d’une des célèbres voix des marionnettes déjantées allemandes, Blake Worrell (Puppetmastaz). Ca pulse, ça clashe, Smokey Joe & The Kid avance à visage découvert. L’ouverture est cinglante, en solo, en martelant un Have a look out taillé pour le live. Des touches siciliennes à un swing qui swingue, scratches et influences hip hop font généralement bon ménage. Beats aiguisés, samples jazzy pour marquer son territoire, le gang ne sort jamais seul. D’ailleurs, Blake Worrell imbibe les tracks du restant de l’EP sans contestation. Du fin fond d’un bar poisseux, la partie de cartes ne s’éternise pas (Somehow), emportée par le flow suintant de Blake rythmé par un piano fantôme. Haletant mais toujours aussi vif pour dégainer le premier, la compagnie continue d’ailleurs de recruter dans la Smokid inc. : de la simple paire née une quinte flush royale, festive et démoniaque, qui mettra tout résistant avec le Smokey Joe au tapis ! Jailhouse blues, un peu noir et surtout cruellement sombre, ne changera pas les vieux démons. Embrumés mais happés par la fumée ambiante, les briscards n’en perdent pas une miette : hip hop oldschool résonne avec une mélodie tout aussi éreintante qu’entêtante pour s’évanouir en un simple claquement de violon. Encore plus affutés qu’en 2014, les joyeux lurons quittent les planches du saloon en nous laissant en plan. A quand leur retour ?