Temps de lecture : 4’30
Juste avant le début d’occupation des lieux culturels dans une bonne partie du pays, la bande apaches de Krav Boca avait déjà placardé sur les murs de la ville rose un message tout aussi revendicatif. « Barrikade », ou comment revenir encore plus fou qu’un an auparavant après être passé en mode « City hackers ».
Les aficionados du groupe toulousain aux penchants grecs, Krav Boca, ne sont pas en reste : ils n’ont pas eu le temps de se remettre de l’immense claque de l’album « City hackers » que 13 nouveaux titres ont déboulé mi-février. Ici, pas de doute possible. L’état d’urgence remplacé par des tendances liberticides n’a pas du tout calmé le groupe qui compte bien continuer de battre le pavé et de parler encore plus fort. Et sur tous les sujets. Ceux qui déchirent les peuples au nord et au sud de la Méditerranée, ceux qui agitent les cités, et ceux qui reviennent sans cesse car rien ne change vraiment.
Bien installé dans une démarche artistique où chaque album semble être vu comme un projet, nul doute sur le fait que Krav Boca va chercher à nous faire perdre l’équilibre sur cette nouvelle virée. On commence à connaître le style de la maison…
Comme souvent, l’Intro est un leurre. L’orage avant la tempête. Deux minutes pour gamberger au son des gyrophares, de la rue, des riffs de guitare et des notes de mandoline… Deux minutes pour comprendre que ça bout et qu’il va falloir bouger du mitan.
Et nos hypothèses se vérifient d’emblée : Vertigo, avec Sponty, c’est un vertige, une nausée qui te prend sans crier gare, des paumés de la société à ceux qui s’y font virer. Vertigo, c’est Krav Boca qui refuse toujours de rentrer dans le rang et qui te décoche un coup du droit en pleine mâchoire.
C’est donc avec une mentalité de clébards que Krav Boca défit l’état major, « sors la fumigène, dans la nuit allogène ». Le côté « petit agité » jamais caché, le refrain est matraqué par des couplets hurlés, le Fumigène est craqué. Entre punk et mandoline à souhait, le groupe joue des coudes avec le métal et franchit un pallier.
Et c’est finalement comme sur « City hackers » que Krav Boca manœuvre sur l’enchainement de ses morceaux : c’est au sommet de leur énergie que le groupe décoche un morceau (Barrikade) tout aussi puissant que mélo. Sara prend le micro et distille un flow percutant en dressant le tableau. Il est noir, forcément, il est rock, et il laisse la mandoline s’exprimer davantage pour une compo qui n’a pas laissé l’instru dans le brasero.
Parlons-en, justement, de Brasero. A l’image des agriculteurs qui tentent de sauver leur travail acharné face à la froideur de la nuit, Krav Boca se met à allumer des braseros là où toute forme de lutte s’organise. Même si la machine punk/métal flirte avec les stéréotypes du genre sur le refrain, les toulousains n’ont jamais parus aussi déchaînés.
Au beau milieu de ce brasier incandescent, Krav Boca est pourtant proche de se brûler les pieds : Ceinture surfe sur une vague plus douce et le groupe change d’approche. Avec Skalpel et HPS en soutien, on est à deux doigts de manger la poussière malgré un frontal toujours bien placé aux antifa. Entre deux eaux, les doutes s’installent sur Tercian… Car après un morceau quasi-hypnotique, les images que Krav Boca n’arrivent plus à effacer finissent par tourner en boucle. Trop cyclique, trop répétitif, le carrousel ne tourne pas.
C’est finalement en plein désert que le groupe renoue avec son côté percutant et incisif : sur Synora, Krav Boca fait bouger les lignes, entre orient et rock, en toute subtilité ! En compagnie de A. Atak Tos au micro, Krav Boca se remet dans le bon sens de marche en s’adressant aux enfants du vent, à ceux de la liberté.
Si la transition peut paraître rude avec un milieu d’album plus calme, Krav Boca change à nouveau son fusil d’épaule et joue à l’équilibriste sur K.T.C.. Heureusement qu’il sort de son carcan une arme de destruction massive. A l’image de leur camtar hors de contrôle, Krav Boca mettra près de 3 minutes pour immobiliser le véhicule… Parti dans un putain de rodéo urbain, la sortie de route est proche, mais c’est en appuyant sur la pédale d’accélération tout au long du track que Krav Boca déboule plein tube sur le périph’, tout rock dehors, avec Call The Cops sur le toit.
Les fumis à bout de bras, on comprend que Krav Boca ait finalement décidé de jouer la carte de la rupture sur cet album. Une nouvelle fois, l’album bascule et Ultra sort du bois cagoulé ! Avec la Brigada Flores Magon dans leurs rangs, Krav Boca balance un Ultra qui dépasse l’entendement. Avec un punk so 90 coupé au couteau, les influences des uns et des autres refont surface. « Ultra véner, ultra déter », Krav Boca nous sort là un morceau à écouter d’urgence !
C’est remonté à bloc que Krav Boca s’attaque à la hache aux dérives policières (L’État assassine). Sans vergogne et dans un rock débridé, les joutes sont placées et O.V.V.T.C. conclue en apothéose l’album. Comprenez par là ‘on va venir te chercher’ et c’est un avertissement, une dernière mise en garde contre ceux qui méprisent l’homme et mettent à mal la société. Face à ce pourrissement généralisé, Krav Boca percute et perfore avec une rare puissance musicale. L’intensité n’a pas été balancée en première ligne à la va-vite : les déplacements sont stratégiques, la précision fait vibrer les murs et chaque riff est bien placé. Une chose est sûre, l’assaut est sur le point d’être lancé !
Suite à l’énorme « City hakers » sorti l’année dernière, Krav Boca n’arrive pas à proposer un « Barrikade » aussi complet. Il faut dire que le niveau de « City hakers » était incroyablement haut et sans le moindre accroc. Sur ces 13 nouveaux titres, Krav Boca continue de repousser les limites de l’expérimentation musicale avec un album toujours plus hybride et toujours plus puissant. Le rap ne trouve plus seulement un écho dans le rock, il se complait dans le punk et le métal sans aucun complexe. Ce nouveau cru est clairement le plus intense jamais proposé par Krav Boca.
Krav Boca, « Barrikade », disponible depuis le 14 février 2021 gratuitement sur Bandcamp.