Sous ces premières allures de printemps, Le Musicodrome vous fait découvrir deux sorties de deux groupes qui ne lésinent pas sur les mélanges des genres pour mieux les dompter. Aujourd’hui, il y aura du hip hop, du rap, du reggae, de la cumbia et aussi un peu d’électro au menu.
L’entourloop meets Skarra Mucci « Golden nuggets » (29 novembre 2019) chez X-Ray Production -HIP HOP/ELECTRO/REGGAE-
A force d’errer dans les rues de la cité stéphanoise, les célèbres poulets élevés certifiés sans hormone ont fini par y passer… Même s’ils avaient démontré tout leur « Savoir faire » en 2017, il fallait bien qu’ils terminent ainsi : en bons gros nuggets. Attention, un nugget ne rime pas forcément avec junk food, il existe des maîtres en la matière, et pas qu’à Saint-Etienne ! L’entourloop se serait-elle fait entourlouper ? Dans tous les cas, ils sont tombés dans l’escarcelle d’un de leur poto favori, Skarra Mucci (qui a dit qu’il fallait se méfier de ses amis ?). Après avoir fait péter les scores de leur track Dreader than dread, la machine est lancée et le poulet est plumée ! Fidèle aux registres des deux artistes, ce « Golden nuggets » résume à merveille leur complicité. Le ‘dancehall president’ déroule avec son flow si caractéristique, rageur et lancinant, et il n’y a plus qu’à dérouler ! Mr President se laisse approcher mais Skarra Mucci montre les crocs, quasi boom-bap, gros bond dans le passé. Reggae/hip hop, un grand classique qui aurait pu figurer sur les opus précédents. Percutant mais pas forcément surprenant. La suite réserve toutefois autre chose, les poulets se remplument : Da legacy vire rub’a dub et la culture sound-system n’est jamais loin si des envolées plus digitales sont au coin de la rue. Gelato #33 n’est pas de la poudre aux yeux, Skarra Mucci rappelle qui est le patron et se transforme en Los Pollos Hermanos. Les samples jazzy parviennent à se frayer un chemin, l’étau se desserre, Mucci mata ne demande qu’à swinguer, l’EP a basculé ! S’il y a un peu plus de dance hall en route dans Tell dem again, on se laisse volontiers friser la moustache aux côtés de BlabberMouf, incisif, qui se laisse porter par les notes orientales du track. Kiffant ! Dommage que le dernier track de l’EP, Bangarang, vienne saturer l’écoute avec ce « pot-pourri » de fin, limite OGM. Bon, un nugget de moins dans la boîte, c’est quand même pas si mal !
Sidi Wacho « Elegancia popular » (21 février 2020) chez Balle Populaire -RAP/CUMBIA-
Et de trois pour la bande de Sidi Wacho ! « Elegancia popular » a été dévoilée le 21 février dernier et, à vrai dire, on ne s’y attendait pas. Toujours en vadrouille, Saïdou a su trouver le temps pour réaliser le successeur de « Bordeliko » sorti en 2018. Alors, certes, cet « Elegancia popular » est beaucoup plus court que les deux précédents albums : avec ses 10 titres au compteur, la durée de l’opus est d’une trentaine de minutes. Mais que nous réserve cette nouvelle création ? Les revendications sociales ne manquent pas depuis l’album précédent, que ce soit à l’échelle nationale ou au niveau mondial. En choisissant de ratisser large (conflits sociaux, les Gilets Jaunes, les soulèvements des opprimés, la question des migrants… et bien d’autres), Sidi Wacho a placé les textes au cœur de sa musique. Si « Bordeliko » ne manquait pas d’explosivité pour appuyer le discours, il s’avère que cet album, même excellent, était très proche musicalement du tableau proposé dans le premier opus, « Libre » (2016). Ici, force est de constater que le groupe a souhaité proposer autre chose, du moins explorer plus de sonorités au travers de ses fils rouges. Le titre d’ouverture, Elegante, reflète bien cette envie de diversifier son panel sonore avec des touches digitales au menu, qui vont un peu lisser le track. Sur Desorden internacional, un vent des Balkans souffle au-dessous de nos têtes et les influences s’entrechoquent. Ce début d’album est davantage marqué par cet envie d’ailleurs, comme sur Cumbia del Domingo, en compagnie de Macha (Chico Trujillo) qui ne fait pas dans la dentelle. Le soleil booste la révolte, un cri à l’unisson raisonne : Que de l’amour, avec un surprenant Olivier Besancenot en mode MC, se pare d’un beat hip hop tapageur avec un accordéon. Le poing est levé avec un rap éthique ! La suite se poursuit dans une spirale positive, à l’image de Ten Cuidado et de Seguimos la fiesta, cuivrés à souhait, toujours parés pour porter haut et fort les rêves perdus. Dommage que La trabajadora, qui aurait pu figurer sur les albums précédents, sonne comme un goût de déjà vu et que La calle de Panam soit très proche de Flores, pour se démarquer dans cet « Elegancia popular ». A ce détail près, Sidi Wacho continue de tracer sa route. Une route parsemée de révoltes, de choses à raconter, et surtout de musique à métisser.